Le mois d’août est propice à l’attentisme et c’est ce à quoi
l’on assiste en zone euro après les déclarations ambigües de Mario Draghi, donc
de la BCE. L’euro est irréversible mais ne garantit plus les pays sur un pied
d’égalité. On assiste ainsi au jeu du « poker menteur » ou au jeu de
stratégie de « la poule
mouillée », variante du « dilemme du prisonnier ».
Personne ne dit la vérité en attendant que l’autre se
découvre le premier dans le but de maximiser son gain. L’Espagne n’a pas besoin
d’aide. Elle maintient cette affirmation pour forcer la BCE à proposer son aide
et se trouver en position de force pour en négocier les conditions. Dans le cas
inverse ce serait un aveu de faiblesse et de « poule mouillée » donc
de capitulation où l’adversaire vous impose ses conditions.
La BCE, qui n’est pas dupe mais qui peut intervenir, ne bouge
pas invoquant des prétextes divers qui ne sont en fait que de faux prétextes
pour gagner du temps. Qui cèdera le premier ? La zone euro craint un
défaut de l’Espagne et ne peut pousser trop loin ce jeu. L’Espagne de son côté
ne peut plus soutenir longtemps le taux actuel des prêts, le déficit de ses
régions et de ses banques.
L’Italie et
l’Espagne sont dans des situations comparables vis-à-vis de l’aide nécessaire.
Leurs taux d’emprunt évoluent d’une façon très corrélée. Dans ces deux
pays, les gouvernements respectifs ont mis en œuvre depuis 2011 des politiques
visant à la fois à rétablir les finances publiques et à reconstituer la compétitivité
de l’économie.
En Espagne, l’austérité budgétaire est mise en échec par l’endettement des
ménages (près de 100% du PIB en 2007) qui provoque une crise bancaire, que le
gouvernement doit stabiliser. Les recettes fiscales sont aujourd’hui plus basses
qu’en 2010 et 2011 du fait de la contraction de l’économie et ceci malgré les mesures
prises par le gouvernement Rajoy pour réduire le déficit.
Le problème essentiel de l’Italie est la combinaison d’une très forte dette
publique (120%) et d’une entrée en récession. La politique mise en œuvre par
le Premier Ministre, M. Mario Monti a abouti simultanément à un freinage
des salaires qui a fait entrer l’économie en récession et à un accroissement du
taux de défaut (faillite) des agents privés qui est en réalité supérieur à
celui de l’Espagne. Malgré des méthodes de l’administration fiscale, qui sont
en train de provoquer une « révolte anti-fiscale » en Italie
du Nord, les recettes fiscales se sont elles aussi contractées.
Ainsi, les situations de l’Espagne et de l’Italie sont différentes, mais le
résultat est identique : une crise de compétitivité qui alimente des
doutes sur la solvabilité de ces pays et qui induit une crise de liquidité. Les
gouvernements Monti et Rajoy sont finalement dans les mêmes difficultés
insolubles sans aide extérieure. Les
besoins en financement de ces deux pays peuvent être estimés à 280 milliards
d’Euros pour l’Espagne et 600 à 700 milliards, pour aller jusqu’à la fin de
l’année 2012.
La concertation Monti-Rajoy aboutit forcément sur la stratégie concertée du
poker menteur. Si celle-ci échoue, l’Espagne défendra une stratégie de sortie
de l’euro différente de celle de l’Italie, unilatérale pour l’Espagne,
concertée pour l’Italie… L’Allemagne de son côté peut brandir la menace de sa
propre sortie de l’euro en invoquant l’atteinte de la limite du supportable
pour son économie.
La France, devenue totalement tributaire de la santé de l’Allemagne, a
perdu tout leadership et s’accroche à ses taux d’emprunts bas, en fait garantis
par son partenaire et adversaire économique et financier. Empêtrée
politiquement dans la nécessité d’avaliser les engagements de la France tout en
excluant « la règle d’or », elle veut faire croire que ses
« mesurettes » d’austérité budgétaire sont un garant suffisant de sa
volonté de ne plus être cigale. Mais elle attend des fonds européens pour sa
croissance en repoussant une vraie réduction des dépenses de l’état. Les
réformes structurelles ne sont pas l’urgence. « Poker menteur »
aussi !
Quand tout le
monde se tient par la barbichette
Personne ne
bouge, le pilote attend les ordres,
La barre est
folle et le bateau coule !
La mer n’attend
pas !
Claude Trouvé
Coordonnateur MPF du
Languedoc-Roussillon