La course à l’escalade
des sanctions contre la Russie initiée par les Etats-Unis, complétée par le Royaume-Uni
et suivie par l’UE, se retourne déjà contre ses auteurs. La fin de non-recevoir
de l’UE pour le rapprochement souhaité par la Russie a généré une remise en
cause de la politique étrangère russe. Poutine a tendu la main à la Chine, ce
qui était auparavant hautement improbable. La gifle qu’il a reçu par son
exclusion du G8 n’a fait que lui confirmer que l’intérêt russe passait d’abord
par la Chine et l’ouverture sur le monde asiatique. Mais ce rapprochement a
abouti à une conception d’un monde multipolaire qui s’affranchirait de l’hégémonie
des États-Unis, hégémonie utilisant la puissance militaire, le dollar et la
domination financière et économique. Ceci a contribué à la mise en œuvre d’une
stratégie de rapprochement économique dans un ensemble de pays, les BRICS
(Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) qui ne représentent pas moins de
40% de la population mondiale avec la Chine, première puissance économique
mondiale, l’Inde puissance montante et pays le plus peuplé du monde et la
Russie et ses immenses ressources gazières et pétrolières. De plus ce groupe se
dote de moyens bancaires communs, banque d’investissement, et banque d’affaires
qui viennent concurrencer la Banque Mondiale. Le couple Russie-Chine complète ces
accords par des accords stratégiques.
Pendant que les pays européens
commencent à tirer à hue et à dia, s’enferrent dans une politique économique et
étrangère contraire à leurs intérêts propres pour tous les pays du sud au
moins, les peuples d’Asie unissent leurs efforts dans une structure
multipolaire qui invite même l’Amérique du Sud et l’Afrique. L’Asie dispose d’ailleurs
d’autres conglomérats de pays alors que l’union économique sous contrôle américain
se délite. Citons l’Organisation de Coopération de Shanghai, l’OCS créée en
1996 lors du Forum de Shanghai à l’initiative de Moscou et de Pékin. Initialement,
elle se concevait comme l’incarnation institutionnelle de la volonté des deux
pays de stabiliser la région centre-asiatique post-soviétique, considérée comme
un enjeu de sécurité commun et prioritaire. Elle était destinée à faire contrepoids
aux influences occidentales en Asie centrale. L’instance suprême de
l’Organisation de coopération de Shanghai est le Conseil des chefs d’Etat des
pays membres. Il se réunit une fois par an, de même que le Conseil des chefs de
gouvernement. Dans l’intervalle se tiennent des réunions des ministres des
Affaires étrangères, de l’Économie, des Transports, de la Culture, de la
Défense, de la Sécurité, des Procureurs généraux, ainsi que des responsables
des frontières et des ministères des Situations d’urgence. Elle regroupe la
Russie, la Chine, le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Tadjikistan,
l'Ouzbékistan, l'Inde et le Pakistan.
Mais
on peut aussi citer l’Union Économique Eurasienne, l’EEU qui est le pendant de
l’UE. Crée le 29 mai 2014, à l’initiative de la Biélorussie, du Kazakhstan et
de la Russie, elle s’est étendue à l’Arménie, au Kazakhstan et au Kirghizstan.
Elle fonctionne grâce à une organisation supranationale à vocation exécutive
chapeautée par un Conseil suprême des Chefs d’États et au niveau gouvernemental
un Conseil des Premiers Ministres. Sa vocation est essentiellement économique
sur un marché de 183 millions d’habitants. La Russie y exerce évidemment une
influence considérable et est un pré carré soustrait à l’influence chinoise qui
reste une méfiance de la Russie.
Tout
ceci pour montrer que l’Europe se délite alors que l’Asie s’organise en
regroupements évitant la fédéralisation au profit d’une coopération active. Cet
esprit règne jusque dans l’union des BRICS, énorme machine économique, désormais
bancaire et aspirant à exercer un poids monétaire. Les querelles toujours
sous-jacentes entre la Chine et la Russie, ont néanmoins fait place à une union
d’intérêts qui couvrent un vaste domaine géostratégique. La motivation essentielle
de ces pays est l’accession à un nouveau monde brisant l’hégémonie unipolaire
américaine pour un monde multipolaire comme l’avait imaginé De Gaulle. Ceci
étant, une fois cet objectif réalisé il faudra que le motif de lutte contre les États-Unis face place à un vrai désir de paix.
Pour
l’heure le moteur russo-chinois entreprend une grande coopération dans des
investissements gigantesques comme les nouvelles routes de la soie et une
coopération militaire plus étroite. Elle prépare le terrain pour une nouvelle
monnaie mondiale dont la monnaie primordiale des échanges, en particulier
pétroliers, ne soit plus réservée au dollar. Pour asseoir cette monnaie,
provisoirement le yuan, les deux pays jouent la convertibilité avec l’or et
achètent celui-ci partout où il se trouve, et il y en a beaucoup en Chine. On
peut faire de grandes choses par des alliances économiques et financières sans
pour cela y contraindre les pays par une destruction de la souveraineté des
nations. Les français feraient bien d’y réfléchir vite car leur retard va
grandir chaque jour et leur pays disparaître dans un magma germano-américain. L’enjeu
planétaire qui se joue est énorme et va conditionner tout le XXIème siècle. La France
joue la mauvaise carte et deviendra une proie. L’enjeu monétaire est au centre
et je vous convie à lire l’excellent article de septembre 2017 qui suit pour
plus de détails.
La Russie et la Chine sont
déterminées à enterrer le dollar
« Les nations d’Eurasie développent des moyens propres pour assurer la
croissance de leurs économies à l’abri des sanctions financières du Trésor
américain. »
Par F. William Engdahl
« Le gouvernement russe a récemment annoncé qu’il émettra
l’équivalent de près d’un milliard de dollars en obligations d’État, mais non
pas libellées en dollars américains, ce qui est généralement le cas, mais
plutôt en yuan chinois. Il s’agit de la première vente d’obligations russes
dans cette devise.
Alors qu’un milliard de dollars peut sembler peu par rapport à la dette
totale de la Banque populaire de Chine de plus de 1 000 milliards de dollars ou
à la dette fédérale américaine de plus de 20 000 milliards de dollars, sa
signification dépasse le faible montant nominal. Il s’agit, pour les deux
gouvernements – Russie et Chine – de tester le potentiel de financement par
l’État de ses infrastructures, et d’autres projets, à l’abri du risque du
dollar provenant d’événements tels que les sanctions financières du Trésor
américain.
Dette russe et Yuan chinois
Depuis le défaut souverain de la Russie, en août 1998, déclenché par
l’Occident, les finances publiques du pays ont été prudentes. Le volume de la
dette publique nationale est le plus faible de tous les grands pays
industriels, à peine 10,6% du PIB pour l’année en cours [98% en 2016 pour la
France]. Cela a permis à la Russie de résister aux sanctions de la guerre
financière imposée par les États-Unis depuis 2014 et a obligé la Russie à
chercher ailleurs pour sa stabilité financière. Cet « ailleurs » s’appelle de
plus en plus la République populaire de Chine.
Maintenant, le ministère russe des Finances planifie, pour la première
fois, la vente de la dette russe sous forme d’obligations libellées en monnaie
chinoise. La taille de la première offre, testée sur le marché, sera de 6
milliards de yuans, soit un peu moins d’un milliard de dollars. La vente est
organisée par la société publique russe Gazprombank, la Bank of China Ltd. et
la plus grande banque publique chinoise, Industrial & Commercial Bank of
China. Le mouvement est accéléré par des rapports annonçant que le Trésor
américain étudiait les conséquences potentielles d’une extension des pénalités,
jusqu’à présent concentrées sur les projets pétroliers et gaziers russes, pour
inclure la dette souveraine russe dans sa guerre commerciale de sanctions. Le
nouvel emprunt en yuan sera négocié à la Bourse de Moscou et destiné à être
vendu aux investisseurs de Chine continentale ainsi qu’aux emprunteurs
internationaux et russes à des taux d’intérêt intéressants.
Les sanctions occidentales ou les menaces de sanctions forcent la
Russie et la Chine à coopérer de façon plus stratégique sur ce qui devient le
germe d’une véritable alternative au système du dollar. Les offres de dette
russe en yuan donneront également un coup de pouce significatif à la volonté de
la Chine d’installer le yuan comme devise internationalement acceptée.
Le pétro-yuan chinois
Les démarches pour commencer à émettre la dette de l’État russe en
yuans vont de pair avec un autre développement majeur pour promouvoir une
acceptation internationale plus large du yuan vis-à-vis du dollar américain. Le
13 décembre, les autorités de réglementation chinoises ont achevé les tests
finaux en vue du lancement d’un contrat à terme sur le pétrole, non soutenu par
le dollar, mais par le yuan, et négocié sur le Shanghai Futures Exchange. Les
implications sont potentiellement importantes.
La Chine est le plus grand pays importateur de pétrole au monde.
Jusqu’à présent, le contrôle des marchés financiers à terme du pétrole a été la
chasse gardée étroitement surveillée des banques de Wall Street et des marchés
à terme de New York, Londres et d’ailleurs, qu’elles contrôlent. L’émergence de
Shanghai en tant que grand centre de contrats à terme sur le pétrole, adossés
au yuan, pourrait considérablement affaiblir la domination du dollar sur le
commerce du pétrole.
Depuis le choc pétrolier des années 1970 et la hausse de 400% du prix
du pétrole provoquée par les pays de l’OPEP, Washington a maintenu un régime
strict dans lequel le produit le plus précieux au monde, le pétrole, serait
négocié uniquement en dollars américains. En décembre 1974, le Trésor américain
a signé à Riyad, avec l’Agence monétaire saoudienne, un accord secret visant à
« établir une nouvelle relation, par le truchement de la banque centrale de New
York, avec les opérations d’emprunt du Trésor américain » pour acheter la dette
du gouvernement américain avec les pétrodollars excédentaires.
Les Saoudiens ont accepté de faire exécuter, seulement en dollars, les
ventes de pétrole de l’OPEP en échange de ventes américaines d’équipements
militaires de pointe (achetés en dollars bien sûr) et d’une garantie de
protection contre d’éventuelles attaques israéliennes. Ce fut le début de ce
que le secrétaire d’État américain de l’époque, Henry Kissinger, a appelé le
recyclage du pétrodollar. À l’heure actuelle, seuls deux dirigeants de pays
exportateurs de pétrole, l’Irakien Saddam Hussein et le libyen Kadhafi, ont
tenté de changer ce système et de vendre du pétrole contre des euros ou des
dinars d’or [pour leur plus grand malheur, NdT]. Maintenant, la Chine conteste
le système du pétro-dollar d’une manière différente avec le pétro-yuan.
La différence avec Saddam Hussein ou Kadhafi est que des pays beaucoup
plus influents, la Russie et maintenant l’Iran, avec le soutien implicite de la
Chine, coopèrent pour éviter que le dollar ne soit imposé par la pression américaine.
C’est un défi beaucoup plus important pour le dollar américain que ceux que
représentaient l’Irak ou la Libye.
Le contrat à terme sur le pétrole, libellé en yuan chinois, permettra
maintenant aux partenaires commerciaux de la Chine de payer avec de l’or ou de
convertir le yuan en or sans avoir besoin de placer leur argent dans des actifs
chinois ou de le changer en dollars américains. Les exportateurs de pétrole,
comme la Russie, l’Iran ou le Venezuela, qui sont tous ciblés par les sanctions
américaines, peuvent maintenant y échapper en évitant les transactions
pétrolières en dollars. En septembre dernier, le Venezuela a réagi aux
sanctions américaines en ordonnant à la compagnie pétrolière d’État, et aux
négociants, de libeller les contrats de vente de pétrole en euros et de ne plus
payer, ni être payés, en dollars américains.
De l’or pour le pétrole ?
Le Shanghai International Energy Exchange lancera bientôt des contrats
à terme sur le pétrole brut libellés en yuans. Le contrat à terme du Shanghai
International Energy Exchange rationalisera et consolidera le processus de
vente de pétrole en yuan à la Chine, que la Russie a initié après les sanctions
en 2014. Cela permettra également aux autres producteurs de pétrole du monde de
vendre leur pétrole en yuan plutôt qu’en dollars. Le contrat à terme sur le
pétrole brut sera le premier contrat de marchandises en Chine ouvert aux fonds
d’investissement étrangers, aux maisons de courtage et aux sociétés
pétrolières. Le contournement du commerce en dollar américain pourrait
permettre aux exportateurs de pétrole comme la Russie et l’Iran, par exemple,
d’ignorer les sanctions américaines.
Pour rendre l’offre plus attrayante, la Chine a lié le contrat à terme
sur le pétrole brut avec l’option de convertir facilement le yuan en or
physique à Shanghai et à Hong Kong. Selon Wang Zhimin, directeur du Centre pour
la mondialisation et la modernisation de l’Institut chinois de l’économie et du
commerce extérieur, la possibilité de convertir les contrats à terme sur le
yuan en or donnera aux contrats à terme chinois un avantage concurrentiel sur
les indices de référence actuels du marché, le Brent et West Texas
Intermediate.
Maintenant, la Russie, l’Iran ou d’autres producteurs de pétrole sont
en mesure de vendre du pétrole à la Chine en yuans ou en roubles, en
contournant entièrement le dollar. Le changement aura lieu dans les semaines à
venir lorsque le contrat à terme sur le pétrole en yuan sera officiellement
lancé. En octobre, la Chine et la Russie ont mis en place un système de
compensation (PVP) entre le yuan chinois et le rouble russe, ce qui réduira les
risques de règlement pour le pétrole et d’autres marchandises.
Les ventes de pétrole et de gaz russes à la Chine sont déjà effectuées
en roubles et yuans depuis la tentative stupide des États-Unis pour isoler le
Qatar dans le golfe Persique. Ce pays qui est un important fournisseur de gaz
naturel liquéfié à la Chine s’est tourné vers une tarification en yuans. La
pression de la Chine est forte pour que l’Arabie saoudite rompe son pacte de
1974 avec Washington et vende son pétrole également en yuans.
L’Iran va rejoindre l’Union
économique eurasienne (EEU)
L’Iran va se joindre à la coopération croissante en Eurasie centrée sur
la Chine et la Russie. Selon Behrouz Hassanolfat de l’Organisation iranienne de
promotion du commerce, dans une déclaration diffusée par la chaîne publique
iranienne Press-TV, l’Iran devrait devenir membre de l’Union économique
eurasiatique (EEU) pilotée par la Russie, dès février 2018. Actuellement,
l’UEE, créée en 2015, comprend la Russie, le Kazakhstan, le Bélarus, l’Arménie
et le Kirghizstan et offre une vaste zone de libre circulation des
marchandises, des services, des capitaux et des travailleurs entre les États
membres. Actuellement, l’UEE représente un marché de 183 millions de personnes.
L’addition de l’Iran, avec ses plus de 80 millions de citoyens, donnerait un
coup de fouet aux économies de l’EEU et à son importance économique, créant un
marché commun de plus de 263 millions d’individus, avec une main-d’œuvre
qualifiée, ingénieurs, scientifiques et un savoir-faire industriel. »
La propagande des médias occidentaux occulte les vrais changements.
Nos pays, historiquement différents par la langue et la culture,
N’ont rien compris à ce qui faisait la force des unions.
Elle naît d’un ennemi commun et se perpétue
Par l’union des peuples vers des buts
Qui dépassent celui de puissance
Et les font tous œuvrer
Sous des drapeaux
Différents !
Claude Trouvé
31/03/18
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