"Ce siècle avait deux ans, Rome remplaçait
Sparte, Déjà Napoléon perçait sous Bonaparte, Et du Premier Empire déjà en main
endroits, Le front de l’Empereur brisait le masque étroit". Chacun se
souvient de ces vers célèbres de Victor Hugo, qui combattait Napoléon. Macron,
en privé, aime évoquer son admiration pour le petit homme qui fit trembler l’Europe.
C’est pourquoi ces vers de Hugo résonnent étrangement à nos oreilles quand
celui-ci évoque Rome remplaçant Sparte, la démocratie s’évanouit, et Bonaparte
s’effaçant devant Napoléon, comme La République laisse place à une forme de
dictature. Les grandes phases de l’histoire se répètent sans cesse mais sous
des formes adaptées aux époques sur lesquelles elles s’appliquent. Or nous
assistons, inertes, à une transformation radicale de l’exercice du pouvoir, vers
un pouvoir suzerain, qui n’a de compte à rendre, non plus au Pape et aux banquiers
de Venise, mais aux Etats-Unis et aux grands banquiers judéo-américains. Ce pouvoir
suzerain ne consulte ses proches vassaux que pour décider seul. N’est-ce pas ce
que nous vivons aujourd’hui ?
Voilà
ce que disait Macron-Bonaparte, candidat à l’élection présidentielle invité du
Club de l’économie du Monde, jeudi 24 novembre 2016 :
« Je ne crois pas une seule seconde aux
cent jours et à la réforme par ordonnances. Regardez ce qui vient de se
passer quand on réforme en passant par le 49.3, qui est pourtant un
article constitutionnel : les gens le prennent très mal. Si après deux
ans de campagne électorale on a le droit de ne gouverner que pendant cent
jours, alors il y a un problème de démocratie. »
Le 10 avril 2017
Macron-Bonaparte trouve le masque étroit dans une émission de Public-Sénat,
c'est le
rétro-pédalage : « Les réformes
par ordonnances permettent d’accélérer le débat. » Nous n’en étions alors
qu’aux prévisions d’actes. Onze mois plus tard les actes dépassent les paroles,
le masque est brisé, Napoléon n’attend plus le sacre, il s’adoube lui-même dans
la Cour des monarques. Macron a délibérément pris le parti de se passer de la
démocratie en nous lançant cette vérité, la démocratie ralentit l’exécution de mes
projets pour la France. Qui peut dire le contraire ? Le tout est de savoir
si la démocratie est toujours le pouvoir par le peuple et pour le peuple, léger
point de détail. De même prendre le temps de réfléchir ralentit la mise en œuvre
des actes, mais garantit-il de meilleurs actes ? Or nous cumulons le court-circuitage
de la démocratie et la précipitation. Cette urgence ne tient d’ailleurs qu’au
fait que l’autorisation d’emploi des ordonnances pour six mois se termine le 17
mars.
Il
est vrai que la tentation est grande pour le Président, assis dans une
Constitution qui lui donne plus de pouvoir sur les affaires que le Président
des Etats-Unis, d’étendre sa mainmise sur le peuple plongé dans une attente
sans fin de voir les miracles du jeune banquier retomber sur eux en une pluie
de bonnes nouvelles. L’UE soutient Macron, le peuple est figé dans l’attente, l’Assemblée
Nationale est à sa botte avec une bande de godillots prêts à le suivre jusqu’en
Sibérie, le Sénat sans réel pouvoir n’est pas encore franchement hostile, les partis
politiques encore sonnés par leur cuisante défaite n’ont aucun projet qui se
démarque sur le fond de politique européenne de l’action présidentielle. Une
voie royale est ouverte… à moins que 2018 rappelle 1848, avec l’interdiction du
droit de réunion (cf l’échange de fake news), et que la Garde Nationale fasse
parler la poudre (ça bouge dans les forces de l’ordre, les gardiens de prison
et même l’Armée, la grande muette, où les généraux les plus galonnés à la
retraite expriment leurs craintes ou leurs désaccords).
L’urgence
est telle pour l’impatient Macron que tout est inventé pour passer outre à la
démocratie, comme le vote bloqué qui ne prend plus en compte les amendements du
Sénat, l’idée de ne permettre un nombre d’amendements que proportionnellement
au nombre de députés d’un groupe, l’utilisation d’un député LREM pour déposer
une loi à voter en évitant au gouvernement de proposer un projet de loi devant alors
passer devant le Conseil d’État, etc. L’urgence devient un mode de gouvernement
qui permet de déborder tout réflexion des partis politiques, des syndicats, des
médias, des réseaux sociaux, laissant le peuple dans un tournis sans relais de
réflexion.
Cette
méthode pourrait bien finir par jouer contre elle-même parce que d’une part la
précipitation, dans le meilleur des cas ne peut engendrer que des réformes à la
marge, faute de temps, et d’autre part la précipitation multiplie le risque d’erreurs,
de mauvais ajustements, de conséquences non prévues. Or si le peuple n’est pas
encore aussi malheureux que les italiens et que les prochaines élections ne
sont qu’en mars 2019, il n’en reste pas moins qu’il commence à trouver que le retour
sur investissement se fait attendre. Les allègements du pouvoir d’achat dans le
privé ne représentent que peu et sont très vite absorbés par les augmentations
de taxes diverses, malheur aux possesseurs de voitures diesel, du coût de l’électricité,
du timbre, des mutuelles, etc. L’augmentation du salaire net n’a pas touché les
fonctionnaires et les retraités sont invités à se laisser dépouiller en tant
que propriétaire de l’âge d’or au-dessus de 1200 €/mois.
Le pouvoir
d’achat et le chômage n’évoluent toujours pas de façon significative et un
certain nombre d’économistes, autrefois aux ordres de la mondialisation et du libéralisme
débridé, commencent à avouer que la technique du ruissellement qui consiste à
arroser les riches et les grandes entreprises laisse trop de tuyaux percés pour
que le flot déversé puisse dépasser les 5% de citoyens les plus riches et les entreprises
exportatrices dont surtout les multinationales. J’ai montré de façon imagée
dans des articles précédents que la technique du ruissellement peut marcher
dans une économie fermée, mais dans un contexte de mondialisation et de libre
circulation des capitaux, elle ne peut pas augmenter le PIB/habitant et
diminuer le chômage ; Au mieux ceci ne peut se réaliser que par une
embellie de la croissance mondiale. Cette politique est intrinsèquement nuisible
au chômage et au PIB/habitant donc, d’une façon assez liée, au pouvoir d’achat
à moins que l’Etat réduise ses dépenses sans diminuer le service rendu, ce qui
est loin de se produire avec les dispositions en cours.
Trump,
peu soucieux de creuser la dette dans un premier temps, ce que nous faisons d’ailleurs
avec près de 83 milliards de déficit prévus en 2018 (20% de plus qu’en 2016),
applique une toute autre politique. Il allège massivement les impôts des
sociétés, sans nos dispositifs tous plus compliqués les uns que les autres, mais
il allège aussi les impôts des particuliers. Par ailleurs il prend des
dispositions douanières pour protéger des secteurs économiques sensibles au
grand dam de l’UE qui oublie de dire qu’elle pratique des taxes douanières sur
les voitures américaines. Cette politique est cohérente et commence d’ailleurs
à porter ses fruits. Un investissement par la dette est jouable à condition d’être
rentable. Ce pari peut être gagné par Trump, il ne peut pas l’être par Macron
dans le cadre de l’UE. La libre circulation des capitaux signée par l’UE pour
le monde entier transforme la France en panier percé.
La
période suivante de l’auto-sacre du Président Macron
Risque
fort d’être désormais une vraie période trouble
Où les
espoirs déçus se transforment en rancœurs.
Chacun
sait que la falaise de la roche Tarpéienne
Est toute
proche du Capitole… alors ?
Plus
dure sera la chute !
Claude Trouvé
10/03/18
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