Les jeux olympiques d’hiver
ont permis de réaliser qu’un rapprochement des deux Corée était préparé de
longue date. Ces deux pays ont saisi l’occasion des jeux pour le dire à la face
du monde sous l’apparence du pouvoir de rassemblement du sport. La réussite en
revient apparemment à la Corée du Sud mais le grand gagnant est la Corée du
Nord qui se place désormais comme un partenaire crédible et déterminé. Cette
entente est le moyen pour celle-ci de se faire reconnaître comme un
interlocuteur incontournable par les États-Unis par le biais de l’entremise de
la Corée du Sud. Car c’est bien le but recherché par Kim Jong Un, dirigeant
implacable, mais doté d’une intelligence géopolitique remarquable. Qui aurait
pu penser que ce pays puisse parler la tête haute à la puissance militaire des
USA ? Le petit monde européen le considérait comme infréquentable, pays assimilé
à l’Albanie dans les affres du communisme. C’était l’opinion de la diplomatie française
qui n’a toujours pas d’ambassade dans ce pays. Il fait d’ailleurs partie des
seuls pays européens dans ce cas.
Donald
Trump a finalement accepté l'invitation du chef d’État nord-coréen Kim Jong-un
ce 8 mars, après des mois de tensions et de menaces entre les deux pays. La
rencontre se ferait « d'ici fin mai »,
mais les sanctions sont maintenues en attendant. Dans l’immédiat, la RPDC ne
procédera pas à de nouveaux tirs de missiles ni à des essais balistiques. Cette
évolution géopolitique majeure est à regarder avec la plus grande attention car
on a d’un côté la Corée du Nord, soutenu discrètement par la Chine, et de l’autre
la Corée du Sud, vassale des Etats-Unis, avec la présence de l’Armée US. Il
apparaît de plus en plus que Kim Jong Un considère que son effort militaire et
la menace nucléaire qu’il a fait peser a atteint son but, celui de faire reconnaître
son pays comme une puissance à respecter et écouter. Désormais il lui faut
désenclaver ce pays, faire arrêter les sanctions et l’ouvrir au marché mondial.
D’ailleurs
la Corée du Nord a fait savoir s’être engagée à mettre en place la « dénucléarisation
» de la péninsule coréenne, en excluant de refaire « tout nouveau test nucléaire ou missile » lors des négociations. On
remarque tout de suite que ces propos visent la péninsule coréenne, autrement
dit englobe les deux Corée. La dénucléarisation touche donc aussi toute présence
d’armes nucléaires sur le sol et la zone maritime entourant la péninsule. Ceci révèle
donc deux choses, c’est que le but final est d’écarter les États-Unis de la
Corée du Sud et de réaliser l’union des deux ennemis coréens. De toute évidence
il y a aussi un accord, peut-être un soulagement de la part de la Corée du Sud.
Ceci s’est d’ailleurs concrétisé encore récemment le 5 mars par un dîner à
Pyongyang, au cours duquel Kim Jong-un a reçu une dizaine de diplomates
sud-coréens. Aujourd’hui 9 mars, le président sud-coréen Moon Jae-in a réagi :
« La rencontre de mai restera comme le
tournant historique qui a permis de réaliser la paix sur la péninsule coréenne
».
Ce
message est on ne peut plus clair en langage diplomatique, la marche vers la
réunification des deux Corée est enclenchée par les deux gouvernements, mais il
reste à convaincre les États-Unis. Donald Trump, selon la méthode managériale
consistant à faire monter les enchères avant tout accord, menace des pires sanctions
si la négociation échoue. C’est de bonne guerre et cette réunion de mai ne sera
sans doute pas la dernière avant que les choses avancent réellement. Mais la
RPDC sait que l’enjeu est de taille face à un tel partenaire et que le départ
américain de la Corée du Sud ne peut se faire sans se heurter à une opposition
américaine. Le but à atteindre est d’une telle taille que la RPDC doit se
montrer conciliante pour l’instant et la Corée du Sud ne doit pas vraiment
faire sentir qu’elle souhaite le départ américain dans le contexte actuel. C’est
pourquoi il a été précisé que la RPDC ne demandait pas la suspension des manœuvres
militaires américano-sud-coréennes, dans un nouveau geste d’ouverture pour
créer les conditions d’un dialogue en vue d’une paix durable dans la péninsule
coréenne.
Pourquoi
assistons-nous à un tel renversement apparemment brutal ? Les Etats-Unis
viennent d’être ébranlés par le dernier discours de Poutine où celui-ci a
montré que l’Armée russe, si elle ne disposait de la quantité d’armes et de moyens
des USA, avait désormais une avance technologique sur eux qui la rendait
capable de faire face aux menaces déployées par l’OTAN envers elle, en
particulier dans l’Europe de l’Est. A partir du moment où des chefs militaires américains
ont dû reconnaître le fait, alors que le budget militaire américain est
supérieur à l’ensemble des budgets de la planète, un énorme scandale est en
train de naître dans ce pays. Désormais l’Armée américaine reste la première puissance
militaire du monde parce qu’elle a le potentiel pour intervenir partout où elle
veut, et elle veut encore beaucoup. Mais elle ne peut plus attaquer la Russie
sans prendre le risque de se détruire elle-même par la qualité de pénétration,
de vitesse, de portée et même d’invisibilité des nouvelles armes russes.
Mais
l’arrivée de Donald Trump a changé la donne de la vision politique de la Maison
Blanche, calquée autrefois sur celle de l’État-major des Armées et de la CIA,
vision tournée vers le maintien de l’hégémonie américaine. Celui-ci a prôné un
repli des États-Unis sur son économie en tentant de réindustrialiser le pays
par des mesures fiscales relançant l’offre et la demande. Ceci est conjoint
avec une nécessité de se désengager de dépenses militaires et en particulier de
celles qui ne sont pas directement liées à la défense du territoire. Donald
Trump affronte de plein fouet le pouvoir militaro-industriel contre lequel
Eisenhower avait déjà dû lutter en son temps. C’est une partie de bras de fer
qui menace d’ailleurs le maintien de Trump au pouvoir. Celui-ci doit donc faire
des concessions aux va-t’en guerre, qui ont mené la politique guerrière d’Obama
et d’Hilary Clinton. Mais Poutine vient de donner un sacré coup de pouce à Donald
Trump.
Trump
est décidé à œuvrer dans le sens d’un allègement de la présence américaine dans
le monde entier, et à concentrer les efforts du pays sur son économie, dont
fait partie une guerre économique contre l’Europe à défaut de pouvoir la faire
contre la Chine. Le silence européen et français est révélateur de l’embarras
que cette orientation fait peser sur l’économie européenne. Du coup le sourire
européen sera d’autant plus crispé que l’UE est absente de cette évolution
asiatique qui annonce de nouveaux changements qui renforceront à terme la
puissance économique asiatique au détriment de l’Europe. Il serait temps que l’UE
cesse de considérer les USA comme nos partenaires indispensables à notre
sécurité pour justifier une vassalisation qui ne nous épargnera pas une guerre
économique totale. Nous sommes en guerre économique contre les USA et elle peut
être mortelle au même titre que la guerre militaire. La Russie et l’UE sont
beaucoup plus complémentaires et interdépendants que l’UE et les USA. Il serait
temps d’en prendre conscience.
La vision géopolitique de la péninsule
coréenne
Ne peut que souligner l’aveuglement
De la politique européenne
Et d’une France inerte !
Claude Trouvé
09/03/18
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire