La
Russie vient de réélire Poutine à une écrasante majorité même si des irrégularités
se sont produites, mais on dit que des manipulations ont eu lieu au premier
tour de l’élection présidentielle française de 2016 avec des résultats de
mairie non conformes à la publication du Ministère de l’Intérieur. Alors nous n’avons
pas de leçons à donner dans ce domaine, les Corses le savent bien. Il est
courant de dire que la Russie est riche mais que les russes sont pauvres. Il est
donc important de regarder les chiffres dont nous disposons, c’est-à-dire ceux
collectés par l’OCDE et la Banque mondiale. Le PIB/habitant est un indicateur
de richesse particulièrement intéressant et permet une comparaison avec les
autres pays même si les taux de change peuvent varier d’une année sur l’autre.
Le graphique ci-contre montre que le PIB/habitant 2016 de la Russie est en-tête,
mais dans le quart inférieur des 48 pays représentés, plus l’OCDE, l’UE et la
zone euro. Oui la richesse moyenne par habitant est inférieure de 40% à celui
de la France et de l’ordre de celui en Lettonie, en Turquie, en Croatie, et en
Roumanie.
C’est évidemment une
mauvaise note pour l’économie de ce pays, mais l’UE a dans son sein la Lettonie,
Roumanie et la Croatie qui ont un plus mauvais PIB/habitant. Par ailleurs il
faut noter que la Russie est l’objet de sanctions économiques depuis mars 2014.
On distingue nettement sur le graphique l’infléchissement dû à la guerre des
prix sur le pétrole et aux sanctions qui ont stoppé la croissance économique de
ce pays depuis 2013. On peut donc dire que les occidentaux ont réussi leur
coup, mais surtout les américains car l’UE a aussi pâti des contre-sanctions de
la Russie. Toutefois dès 2016 la Russie repart dans la croissance et le chiffre
probable de 2017 confirme cette reprise.
Pourtant
on peut regarder les chiffres d’une autre façon. Le graphique ci-contre
représente justement les variations du PIB en volume par rapport à la moyenne
de l’OCDE en 2010 pour 4 pays importants, la Russie et le trio majeur de la zone
euro. Si l’on ajoute que le PIB de la Russie est passé en-dessous de la moyenne
de l’OCDE en 2014 après avoir été nettement au-dessus jusqu’en 2012, on voit
que la croissance du PIB n’a rien à envier à celle de la France. La Russie a effectivement
régressé en 2015 et 2016 mais elle est en train de repartir et même plus vite
que la France, selon le chiffre russe probablement publié de 2017. Depuis sa
croissance reste globalement très supérieure à celle de l’OCDE et même de la France.
Ainsi
la Russie commence à prendre un autre visage que celui d’un pays de deuxième ou
troisième zone. Dans le graphique supérieur ci-contre, on constate que la
Russie se place dans les PIB les plus élevés du monde derrière l’Allemagne,
mais devant le Brésil, le Royaume-Uni et la France. La Chine et les Etats-Unis
dominent très largement mais la Russie ne peut être traitée comme étant au
niveau de l’Espagne, comme je l’ai entendu dire par un journaliste qui parle
sans filet et dit n’importe quoi pour se rendre intéressant. La Russie c’est
2,2 fois le PIB de l’Espagne et la sixième puissance économique devant la France
en neuvième ou dixième position. Mais la Russie s’avère en plus une puissance
montante, comme le montre le graphique ci-contre inférieur. Son PIB/habitant
est certes encore faible mais il a cru à une vitesse trois fois plus grande que
l’OCDE, et quatre fois plus que la France et les Etats-Unis depuis 1998 !
Voilà un graphique qui en surprendra plus d’un. La Russie est partie de très
bas en 1998 et avait pratiquement disparu du contexte international. Depuis la
Russie est repartie en avant sur le plan économique avec une dynamique très
supérieure aux Etats-Unis, à la France, à la zone euro, à l’UE et à l‘OCDE.
Ceci
éclaire d’un jour cru la géopolitique de l’Occident contre la Russie. La chute
du mur de Berlin et la promesse faite à Gorbatchev de ne pas étendre l’OTAN et
l’UE sur les anciens pays de l’Europe de l’Est du glacis soviétique n’ayant pas
été tenue, l’Occident pensait avoir définitivement résolu la « menace russe ». En 2012, il lui a fallu
constater que la Russie renaissait de ses cendres. Elle commençait à se faire
entendre sur le plan économique mais il n’apparaissait pas que la Russie
pouvait affronter militairement la puissance des Etats-Unis. La mise en place
de missiles à la frontière Est de l’UE, et parfois aux frontières russes,
devait suffire sur le plan militaire. L’activation
du conflit intérieur en Ukraine et la mainmise sur son gouvernement après un
coup d’Etat devait permettre d’arriver aux frontières russes et de perturber la
vente du gaz russe. L’arrivée de la Russie au G8 montrait bien qu’il était urgent
de stopper sa croissance économique. Le prix du pétrole et les sanctions
économiques et bancaires devaient théoriquement suffire à cela. Cela a en effet
stoppé la croissance russe de 2013 à 2015 mais depuis la Russie redécolle à
nouveau.
Il
ne faut pas chercher plus loin l’explication de la nouvelle poussée de la russophobie,
car le dernier discours de Poutine avant sa réélection a ajouté une crainte
supplémentaire dans les États-majors occidentaux, celle de voir la Russie en
capacité de tenir la dragée haute à toute attaque militaire sur ses intérêts vitaux.
Désormais l’Armée russe s’avère moins capable que les Etats-Unis de se
disperser sur tous les pays du globe à soumettre, mais la modernité et la
sophistication de ses armes montrent au monde qu’elle dispose d’armes plus
puissantes, plus précises, plus rapides et à plus longue portée que les
occidentaux. En dehors de ses rodomontades guerrières, Trump privilégie la
guerre économique et aggrave les sanctions en entraînant l’UE avec lui, tout
cela accompagné d’une propagande antirusse relayée par les médias occidentaux
relançant l’opprobre sur l’annexion de la Crimée.
Après
avoir rejeté une union étroite de la Russie avec l’UE, l’avoir exclue du G8, le
résultat obtenu par les occidentaux a été un élan du peuple russe derrière son
chef Poutine, le rapprochement improbable de la Russie avec la Chine, la
création d’un bloc d’intérêts économiques et stratégiques avec les BRICS, la
mise en réserve d’or pour préparer une guerre monétaire contre le dollar avec l’aide
de la Chine, la mise en place de moyens monétaires indépendants d’investissement
hors de la Banque mondiale, et la volonté affichée de redevenir une puissance
militaire de niveau mondial. La Russie n'est plus seule. Tel est pris qui croyait prendre. La Russie, ours
famélique, redevient une puissance à respecter et l’a montré en Syrie, alors qu’elle
avait dû s’effacer dans le conflit libyen. Elle a d’ailleurs montré être
capable de brouiller suffisamment les communications du commandement de l’OTAN
pour stopper l’opération militaire contre la Syrie de l’armada orchestrée par
Obama avec ses alliés. Pour la première fois les États-Unis ont reculé.
La
politique occidentale tourne au fiasco mais les faucons de l’Etat profond
américain ne désarment pas, si je puis dire, et la possibilité d’un conflit
grave n’est pas exclue. C’est Trump qui détient la clef de la paix du monde,
car Poutine n’a pas d’intérêt pour l’instant à agresser militairement les pays
occidentaux ou leurs intérêts vitaux. Il doit redonner à son peuple non seulement
la fierté, ce qui est réussi, mais un niveau de vie comparable à celui de l’Union
européenne, ce qui reste à faire, car la Russie blanche en particulier a
toujours les yeux tournés vers l’Europe qui est sa prolongation civilisationnelle
naturelle. La complémentarité économique et civilisationnelle de l’UE est d’ailleurs
beaucoup plus évidente avec la Russie qu’avec les États-Unis, mais ce n’est pas
ainsi que l’entendent ceux-ci et l’Europe reste leur glacis économique et
militaire. Leur phobie est la constitution d’une Eurasie qui les renverrait
dans les oubliettes de l’histoire mondiale. Mais nous, la France, qu’avons-nous
à gagner quand l’Asie, en particulier des bordures Est et Sud, va devenir le
centre de la prospérité du monde avant que l’Afrique ne se réveille ?
Rien, ou plutôt si, la guerre ou la descente vers un tiers-monde.
Il n’est point de peuple qui puisse rayonner
sur le monde
S’il a perdu toute sa fierté et le désir
d’affronter seul
Le combat permanent ou bien souvent les amis
Deviennent ceux qui creusent votre tombe.
La Russie l’a compris, pas la France !
Claude Trouvé
22/03/18
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