Les évènements
concernant l’Union européenne ne cessent de surgir dans l’actualité. Le Brexit,
la Catalogne, les élections en Europe de l’Est, et l’incertitude sur le nouveau
gouvernement allemand, viennent meubler l’actualité. L’accroissement des dettes
des États et les faillites des banques italiennes et espagnoles, sauvées pour
un temps par des rachats de banques elles-mêmes en difficulté ne fait que
retarder un évènement systémique qui peut créer une catastrophe financière pire
que celle de 2008 et un appauvrissement des peuples. La réticence de l’Allemagne,
toujours traumatisée par la banqueroute de 1923, à prendre en compte une partie
de la dette des pays en difficulté montre que le principe de solidarité n’est
qu’une chimère qui s’évapore et se transforme en accusation de mauvaise gestion
pour les perdants. La démocratie est un leurre autant que la solidarité. Il
suffit de constater la manière dont les programmes de renflouement de la Grèce,
de l'Irlande, du Portugal, de l'Espagne et de Chypre ont été traités pendant la
crise de l'euro pour comprendre que l’utilisation de tactiques
anti-démocratiques lourdes est un modèle destiné à se généraliser.
L’Allemagne
ne connaît que la « Realpolitik » qui se diffuse sur les autorités et
institutions européennes. Le but recherché est l’enrichissement des puissances
financières omniprésentes à Bruxelles, et la géopolitique est à l’œuvre pour y
parvenir. Le pangermanisme permet de rassembler un maximum de pays autour de l’Allemagne
laissant à la France son influence géopolitique, principalement sur la Méditerranée
et l’Afrique. La France est la béquille de l’Allemagne qui lui permet de faire
passer son message sur toute l’Europe, message d’austérité, d’immigration, de
salaires maintenus bas et même de mode de structures administratives. C’est ce
qui a amené la France à créer des super régions qui n’ont pas plus de valeur que
le découpage de l’Afrique francophone à coups de crayon et de gomme. Les
départements du Haut et du Bas-Rhin ne voulaient pas fusionner, ils sont
désormais inclus dans un ensemble beaucoup plus grand à leur insu. Au sud on
voit mal Montpellier s’effacer devant Toulouse, etc. Au passage cela devait
générer 10 milliards d’économies… c’est l’effort que Macron demande aux collectivités
territoriales, donc elles l’ont déjà fait. Je me trompe ?
L’Europe
est le jeu de plusieurs courants de pensée et d’actions allant du fédéralisme à
la dislocation pure et simple de l’UE. Le fédéralisme est la voie finale de la
gouvernance de l’UE par une technocratie aux ordres de l’oligarchie financière
qui a réussi la première phase de l’intégration économique. L’intégration
politique, pas forcément souhaitée par les États-Unis sous Donald Trump, est la
création des Etats-Unis d’Europe. Cette option a peu de chances de se réaliser
car l’histoire est très différente des deux côtés de l’Atlantique. La création
des Etats-Unis est récente et née d’une véritable invasion de ce continent qui
a enlevé tout droit d’exister réellement aux populations autochtones. Elle a
créé une unité nationale par la Guerre de Sécession et la langue officielle anglaise
s’est imposée sur tout le territoire. Sa grande superficie et l’histoire
récente de ce nouvel Etat ont conduit à une forme de confédération d’entités
plus petites ayant une large autonomie économique, juridique et législative.
Ayant réglé les conflits intérieurs, les Etats-Unis sont en guerre à l’extérieur
depuis deux cents ans.
L’Europe
a une longue histoire peuplée d’incessantes luttes internes entre des ethnies,
des langues, des cultures et des croyances différentes. La lutte pour la
possession de territoires, les guerres de religion, la possession des mers, etc.
ont sans cesse bouleversé la carte des entités territoriales constituées.
Certains pays comme la Pologne n’ont résisté à des bouleversements constants de
ses frontières que par une unicité de langue et de religion. La France s’est
constituée laborieusement. Celle de Clovis, puis de Philippe Auguste, n’était
qu’un embryon de la France actuelle. Elle a eu pour elle la volonté d’atteindre
ses frontières naturelles, ce qui est le meilleur garant de la solidité d’une
nation. On retrouve cette unité en Islande, au Royaume-Uni grâce à leur isolation
maritime, en Suisse grâce aux fleuves et aux Alpes, et plus récemment en Italie
entre autres.
Il
est très intéressant de noter que l’identité nationale forte tient soit aux
frontières naturelles comme la France soit à contrario à une lutte historique
pour faire perdurer une identité autour d’une langue et souvent d’une religion,
comme en Pologne et en Hongrie. Ces constats montrent que le fédéralisme à la
mode américaine ne pourrait s’imposer que par la force militaire. Ce risque n’est
pas à exclure quand on voit l’arrivée de plus en plus importante des troupes
américaines et des bases de l’OTAN sur l’Espace Économique Européen sous le
fallacieux prétexte du danger russe. La Russie, pour mettre la main sur l’Europe,
devrait d’abord anesthésier les Etats-Unis sur leur propre territoire. Ce n’est
pour l’instant ni l’intérêt de la Russie, ni de la Chine. Le risque d'un
super-État néolibéral européen dirigé par deux entités déjà en place
aujourd’hui : la bureaucratie administrative (le mot « politique » aura disparu du lexique officiel) basée à
Bruxelles et l'hégémonie économique (non élue, évidemment), Berlin-Paris est
une hypothèse peu probable et peu souhaitable par les citoyens mais dans le
tuyau des volontés et actions de Bruxelles.
Elle
signerait la mort à terme des États-nations qui se voient progressivement
dépossédés de leurs pouvoirs régaliens. Mais c’est justement la mise en marche
de ce processus tentant de déborder hors des directives économiques qui soulève
désormais des renâclements d’un certain nombre d’Etats. Il est à l’origine de
la sortie de l’UE votée par le peuple britannique. Depuis longtemps l’UE
entretient des relations directes avec les régions en préparation de la
disparition des États-nations et elle joue un double jeu en connivence avec un
certain nombre de chefs d’Etat dont les leaders français et allemands. La
sécession de la Catalogne est très significative à cet égard et le refus de
reconnaissance de l’UE est contradictoire avec l’acceptation précédente du
Kosovo. Une partie du gouvernement Catalan a trouvé refuge à Bruxelles et on
voit le peu de précipitation que la Belgique met à renvoyer ces insoumis vers l’Espagne.
Celle-ci trop contente d’avoir sauvé sa peau, avec l’assentiment de l’UE, ne
met pas beaucoup d’ardeur à réclamer les rebelles. Les Catalans sont allés trop
vite, leur heure n’est pas encore venue mais on va les tenir au chaud pour la
dernière phase de disparition des États avec leur propre consentement. Bien
évidemment cette étape sera franchie avec un minimum de démocratie après un
battage politique et médiatique de la même ampleur au moins que celle pour le
traité de Maastricht, mais cette fois sans référendum.
La
deuxième possibilité d’évolution est la constitution d’un noyau central
regroupant les principaux pays autour de l’axe franco-allemand, sous domination
allemande. Le but serait de tuer définitivement le vote à la majorité absolue
pour les grandes décisions dont la modification des traités. Juncker ne cesse
de demander cette évolution, évolution que de nombreux pays de l’Est et probablement
les pays Baltes, ne veulent pas en entendre parler. Elle donnerait un pouvoir trop
accru au couple franco-allemand. Ce nouveau noyau central ne pourra que se
constituer à l’intérieur de la zone euro, et créera un nouveau clivage avec des
états-nations résiduels tampons situés à la périphérie de l'union transformés
en « satellites
», une zone de sécurité inconfortable protégeant le territoire
sanctuarisé des raids barbares. Force est de constater que le citoyen européen
n’existe toujours pas dans ce concept et l’idée d’une démocratie cosmopolite,
démocratie qui n’en aurait que le nom, est loin d’être intégrée dans l’esprit
des peuples. C’est sans doute cela qui condamne l’Europe à chercher vainement
une unité-nation, dans un puzzle historique et linguistique qui en tue l’idée
même. Rester ou sortir ? Posez-vous alors la question : « Pourquoi
rester désormais ? »
L’erreur est humaine et donc pardonnable.
Sa répétition pose la question suivante :
Est-ce volontaire ou involontaire ?
C’est la question à se poser
Quand l’UE se délite.
Claude Trouvé
21/11/17
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