lundi 20 novembre 2017

L’Union européenne au carrefour anglo-allemand



De nouveaux soubresauts attendent une Union Européenne fragilisée par les dernières élections et prises de positions des pays de l’Est et du Centre. La constitution d’une défense européenne, la PESCO qui ne comprendrait pas le Danemark et Malte, liée à l’OTAN, n’a pas beaucoup de sens. Mais elle permet de renforcer ces liens en évitant une dispersion en cas de décisions sur un conflit réel ou annoncé comme possible ou imminent. Elle participe à un renforcement du clivage entre les pays participants ou non, après l’euro et le traité de Schengen mais elle permet, par des fabrications croisées des armes, de diminuer l’indépendance militaire des pays participants. Mais deux pays majeurs de la construction européenne secouent l’Union, d’une part le Brexit dont il s’affirme de jour en jour que la séparation aura bien lieu en mars 2019, quel que soit l’état des négociations sur la dette britannique réclamée par l’UE et les accords commerciaux entre ces deux entités, et d’autre part l’Allemagne où la Chancelière est en grande difficulté.

Le problème démographique d’une part et la santé économique de l’Allemagne réclamant de la main d’œuvre a conduit la Chancelière à ouvrir toute grande la porte à l’immigration de peur de voir l’industrie allemande marquer le pas et de ne pas pouvoir assumer les retraites d’un pays vieillissant. Ce grand coup de barre donné par la politique allemande a pris ce pays par surprise. Le sentiment national allemand n’a pas la force de celui qui existe encore en France et les régions de l’Allemagne de l’Est, l’ancienne RDA déjà beaucoup moins bénéficiaire avec des salaires globalement inférieurs et un chômage supérieur que sa jumelle de l’Ouest, l’ancienne RFA, y trouve un sujet de rébellion. Cela a entraîné, dans ces Landers plus facilement atteints par l’immigration massive, un rejet populaire utilisé par les mouvements d’extrême-droite très présents en particulier à Dresde. Le résultat du dernier vote législatif a modifié en profondeur la possibilité d’un accord sur une politique commune où les opinions sur l’immigration sont radicalement opposées. 

Si un accord de dernière heure n’est pas trouvé, il n’est pas impossible que la Chancelière se retire après douze ans de pouvoir. Elle n’envisage pas favorablement la situation d’un gouvernement minoritaire et préfère des élections anticipées, élections pour lesquelles elle envisage de se présenter. L’Allemagne est néanmoins dans une situation où la Chancelière est très affaiblie et où le courant qui a porté l’extrême-droite au pouvoir pourrait bien continuer sa progression tant l’accueil massif des immigrés est mal supporté. La part importante d’individus non qualifiés, qui ne répondent pas aux besoins de l’économie allemande, est mal ressentie avec tous les problèmes de logement, d’intégration et d’aide que cela implique. Ces élections ne peuvent être décidées que par le Président de la République et seulement si aucune majorité n’est trouvée après trois votes de confiance… une première en Allemagne.

Une Allemagne, qui deviendrait un pays perdant de son poids politique au sein de l’UE, donne libre cours à toutes les initiatives de « re-façonnage de l’Europe » avec des intérêts exocentriques ou au contraire de fédéralisme déguisé sur un noyau de pays acceptant la remise en cause de la majorité absolue pour toutes les décisions touchant aux traités ou à leur application. Emmanuel Macron, tout en ayant l’air de s’inquiéter du sort de la Chancelière, y voit une opportunité de refonder l’Union Européenne et surtout une occasion de lancer un projet novateur pour les prochaines élections européennes d’avril 2019. Il aura pour se faire tout l’appui du NOM et des médias aux ordres. Il pourra distribuer le rêve d’un envol de l’UE vers un nouveau printemps. Emmanuel Macron veut introduire des listes transnationales grâce à l’utilisation du quota des députés britanniques partants après le Brexit. On voit de suite que l’idée est d’enfoncer un nouveau coin dans le poids des identités nationales au sein de l’UE. La liste nationale de son projet, au lieu des 8 circonscriptions, permettrait selon son plan non avoué de réussir à répéter le scénario de LREM et d’avoir une liste proeuropéenne aux ordres de Macron et de l’UE. 

La sortie du Royaume-Uni est finalement une occasion donnée à Macron, profitant de la faiblesse actuelle de l’Allemagne, de se faire reconnaître comme le leader pensant de l’UE. Mais la réalité risque fort d’être toute autre. Si la mainmise sur les députés européens français est possible grâce à une communication basée sur un nouvel enfumage de l’opinion française encore portée à croire qu’enfin les choses bougent, sous-entendu dans le bon sens, avec ce jeune et fringant Président, le projet de refondation a peu de chances de se réaliser tant les disparités de poids économique, de dettes, de niveau social, de salaires, de vision géopolitique sont en croissance rapide. Le détournement de l’opinion sur un sujet européen va servir à masquer une politique intérieure qui ne peut pas redresser l’économie française, procurer une augmentation du pouvoir d’achat et une diminution significative du chômage. La désindustrialisation de la France va se poursuivre.

Le Trump-bashing, la prédiction de l’échec de Teresa May font le régal des médias pour masquer l’incapacité à relancer vraiment notre pays, la perte progressive de nos libertés, la dégradation du pouvoir des salariés, l’éloignement des citoyens des instances de pouvoir, le rejet d’une véritable consultation populaire par référendum. Vous remarquerez que la refondation de l’UE ne passera pas par ce vote populaire mais par une grande consultation dispersée sur tout le territoire dans des débats communautaires qui permettront ensuite à Macron d’en extraire ce que bon lui semble sans que l’on puisse réellement contester son choix puisque de toute façon cela restera consultatif. Le Brexit a définitivement exclu le référendum de la tête des dirigeants européens qui ont cru un moment que l’on pouvait donner un petit air démocratique à la mise en œuvre d’une UE au service du Nouvel Ordre Mondial, celui des grandes puissances financières. Ces dernières dont le nombre décroît mais dont la puissance s’accroît sans cesse n’ont aucun penchant pour l’expression populaire et Macron est là pour agir dans ce sens. La démocratie est un frein à leur prise de pouvoir. 

Toutes ces évolutions vers un fédéralisme plus ou moins avoué commencent à alerter nombre de peuples européens. En fait la dissolution de l’UE est en cours, seul le pangermanisme peut en assurer la cohésion. Il va se heurter de plus en plus à des initiatives diverses, dont française, qui vont jeter le trouble et donner un nouveau sujet de discorde. Le Royaume-Uni, toujours pragmatique, va tirer son épingle du jeu, s’ouvrir de nouveau sur son ancien Commonwealth, bénéficier de ses liens particuliers avec les USA et repartir vers la Chine et l’Inde. Tout se joue pour elle sur le poids de la City dans le monde boursier. La France n’a plus guère d’atouts à faire jouer, à partir du moment où son arme nucléaire est en fait subordonnée à l’OTAN et où son autonomie au sein du Conseil de Sécurité y est aussi liée. Avant d’être emportée dans une explosion de l’UE en position de faiblesse, la France devrait bien se poser réellement la question de savoir si l’UE peut encore lui apporter quelque chose de positif, sinon la dépendance d’un carcan imposé dont l’objectif n’est pas le bien des peuples mais celui de ceux qui détiennent le pouvoir financier.
 
Il y a des moments clés dans toute histoire des peuples 

Nous nous préparons tous à vivre l’un de ceux-là.

Seuls les yeux grands ouverts peuvent voir 

Et comprendre, non pas les apparences,

Mais les vraies intentions des grands 

Manipulateurs de l’opinion !
 
Claude Trouvé 
20/11/17

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