En
dehors du constat géopolitique de l’influence grandissante de l’Union
Européenne sur le destin de notre pays, il reste encore des marges de manœuvre
sur des sujets qui n’intéressent pas directement les guides financiers de notre
tutrice. Les rapports entre les différentes classes de la société et
l’éducation donnée à notre jeunesse en font partie. Or ces sujets sont majeurs
car ils agissent directement sur l’égalité de chacun dans l’acquisition du
savoir et, dans une société où l’apport d’une immigration et d’une civilisation
différente est constant, ils sont des facteurs fondamentaux de cohésion et d’assimilation.
Ils ont finalement un impact sur la capacité à vivre ensemble, donc la
sécurité, la capacité d’un pays à défendre la démocratie et celle de garder son
rang dans le monde par le rayonnement de sa culture et de son niveau
scientifique et technologique.
Mais
la politique économique d’un pays n’est pas indépendante de tous ces sujets. La
Chine, dont le classement PISA sur l’Éducation est l’un des meilleurs du monde,
créée l’émergence d’une classe moyenne qui profite directement à une cohésion plus
librement choisie et moins imposée par une cohésion de masse liée exclusivement
à une propagande d’Etat. La France prend exactement le chemin inverse. En effet
une politique socio-économique, qui tend à augmenter l’écart entre les plus
riches et les plus pauvres en aspirant l’argent de la classe moyenne vers le
haut, appauvrit le pont de compréhension sociale que constitue celle-ci. Ceux
qui ont Rollex, yacht, Ferrari, palais à Marrakech, et argent dans les paradis
fiscaux, ne peuvent s’intéresser à ceux qui vont à la soupe populaire, ou qui
vivent de trafics en tous genres. Le regard de solidarité ne peut venir que de
la classe moyenne, celle qui vit de son travail et en connaît le prix.
Ainsi
les plus riches mettent leurs enfants dans les meilleures écoles et les
extraient du lien indispensable avec le contact formateur d’une société
multiforme dès l’enfance. Ces mêmes enfants ont un facteur de réussite supérieur
dû au niveau éducatif de leurs parents, aux conditions de travail au foyer, et à
l’apport fréquent d’aides pédagogiques extérieures que leurs parents payent.
Loin de moi l’idée de tout mettre sur le niveau social car, à contrario, les
enfants de riches, qui vivent dans la facilité, sont souvent bien moins motivés
par l’effort en comptant justement sur leur condition sociale pour réussir.
Mais si l’on prend le cas des grandes écoles de commerce comme HEC, ESSEC qui
offrent des possibilités garanties d’emploi, les chances d’y accéder sont très
réduites dans un système qui demande des moyens financiers aux parents et
oublie de compenser largement par le financement d’Etat au mérite. Ceux qui
devraient pouvoir accéder à ces écoles ne devraient être que ceux qui le
méritent, hors de toute considération du milieu social auquel ils
appartiennent.
Justement
le dernier classement PISA 2015, publié en 2016, pointe le doigt sur
l’inégalité de réussite liée à l’inégalité sociale, critère où la France
détient l’une des plus mauvaises notes européennes. Tout n’est pas à mettre sur
le dos de l’immigration car globalement la France n’est pas en tête dans le
pourcentage d’immigration en milieu scolaire. Mais on peut aussi s’inquiéter de
voir la France globalement reculer encore d’une place et se contenter de la
26éme place parmi les 72 pays testés dans l’OCDE sur 540 000 élèves
représentatifs de 29 millions d’élèves âgés de 15 ans scolarisés. Il y a là un
souci majeur pour l’avenir de notre pays. « Parvenir
à une plus grande équité dans l’éducation n’est pas seulement un impératif de
justice sociale ; c’est aussi un processus qui stimule la croissance économique
et favorise la cohésion sociale » nous dit l’OCDE. La France se signale
donc par un résultat moyen dans l’excellence et un mauvais dans l’équité. Voilà
deux bonnes raisons pour se poser des questions sur notre système éducatif et
sur notre capacité à faire, des populations autochtones et de la diversité, des
acteurs informés et formés de la vie de notre pays.
Toutes les traces de
ce passage dans ce système éducatif se retrouvent dans la compétence des adultes,
tant dans leur vie professionnelle que dans leur acceptation d’une vie
harmonieuse où l’équité est une des bases du bien-être de la vie en société et
la capacité à disposer des moyens d’adaptation et de jugement. L’OCDE écrit
très justement à ce propos : « Les adultes les plus compétents ont non seulement deux fois plus de
chances de travailler et près de trois plus de chances d’avoir une rémunération
supérieure au salaire médian que leurs pairs peu compétents, mais aussi moins
de chances de s’investir dans le bénévolat, de se dire en bonne ou en
excellente santé, de se considérer davantage comme des acteurs que comme des
objets des processus politiques, et faire confiance à autrui. »
Ceci étant dit, les piètres résultats de la France demandent d’en dénicher les
raisons et de les traiter.
En dehors de la
politique socio-économique française qui va à rebours de l’assimilation, de
l’affaiblissement des inégalités, et des résultats scolaires, le constat est
clair que notre politique éducative accentue cette dérive. L’enquête PISA nous
fournit plusieurs éléments intéressants. Le premier est notre mauvais
classement dans la discipline régnant dans les établissements scolaires. Ce
classement est bâti sur un certain nombre de critères comme le temps que met un
enseignant pour établir le silence propice à l’écoute de son enseignement. Les
5 minutes raisonnables peuvent devenir 20 dans les établissements difficiles,
réduisant d’autant le temps d’enseignement. On peut citer aussi le respect de
l’autorité du maître remise en cause même par les parents. Sans vouloir
atteindre l’autodiscipline régnant en Asie du Sud-Est, nous avons de grands
progrès à faire car de toute évidence c’est l’un des problèmes majeurs. A titre
de preuves on peut noter dans les résultats globaux de PISA 2015, qu’en ce qui
concerne les établissements scolaires, les meilleurs résultats en sciences sont
ceux où la discipline à l’extérieur et dans les classes est la plus
performante. On note aussi que ce sont ceux où la politique d’évaluation est la
plus pratiquée et les programmes scolaires les mieux adaptés aux élèves. Il est
intéressant de constater aussi l’influence négative des autorités nationales
sur la restriction des ressources mais aussi sur les programmes et sur les
politiques de discipline et d’évaluation.
Quand
on entend certains propos de syndicats des enseignants, de parents d’élèves et
de politiques responsables, on se demande s’ils prennent la peine de jeter un
coup d’œil sur ce qui se passe dans le monde avant de prendre des positions
aussi idéologiques contraires aux constats mondiaux. La recherche du
rétablissement de l’autorité des maîtres et directeurs d’établissement est un
objectif majeur autant que la qualité des enseignants. L’autorité des maîtres
est sapée par toutes les interventions extérieures poussant au laxisme ou
mettant en cause leur compétence. Les associations de parents d’élèves ont pris
trop de poids dans vie scolaire en sortant des préoccupations périphériques à
l’enseignement et en tarissant le contact direct parents-enseignants.
L’idéologie nationale laxiste de la discipline, le rejet partiel de
l’évaluation considérée comme néfaste au développement de l’élève sont autant
de freins à la bonne relation enseignant-élève et à la notion formatrice de
l’effort. Ceci se propage jusqu’au BAC où le quota de réussite est devenu plus
important que la qualité moyenne des participants.
Mais
l’autorité de l’enseignant est aussi sapée pour certains par son manque de
pédagogie ou de compétence dans sa discipline. Le recul constant de la France
dans le classement sur les mathématiques est particulièrement préoccupant et
significatif. La raison tient justement au fait que les étudiants en
mathématiques ont un large choix d’emplois beaucoup plus lucratifs. Pour
satisfaire les besoins, le recrutement des professeurs doit de ce fait baisser
le niveau du concours d’admission. On constitue progressivement un enseignement
sous-qualifié. Cela permet de dire que la profession d’enseignant en toutes
disciplines est sous-payée en particulier dans les zones difficiles. On
n’attrape pas les mouches avec du vinaigre. La qualité des enseignants est en
train de primer sur la quantité dans les actions à entreprendre. Il y a
évidemment bien d’autres choses à faire dont la stabilité des programmes
scolaires nationaux, mais le quatuor discipline, autorité, évaluation et
rémunération, fait partie des réformes urgentes et indispensables, sans
lesquelles les autres ne pourront pas vraiment changer les piètres résultats
actuels en baisse relative constante.
Il n’est point de nation qui puisse
assurer son avenir
Si elle n’a plus d’enfants qui
fréquentent l’école
Mais aussi si elle ne sait plus leur
enseigner !
Claude Trouvé
Chevalier dans l’Ordre des Palmes
Académiques
06/11/17
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