Dans
l’article précédent l’actualité sur la Catalogne a permis de reporter l’éclairage
sur un conflit proche de nous et non réglé où l’autonomie donnée par la Serbie
s’oppose à l’indépendance réclamée par le gouvernement kosovar. Dans les deux
cas un référendum non autorisé a donné le soutien apparent à celui-ci. Dans les
deux cas une partie de la population n’accepte pas cette sortie hors d’un pays souverain
reconnu par l’ONU. A la différence de la Catalogne, la dizaine d’années
écoulées pour le conflit Serbie-Kosovo, a permis au gouvernement kosovar de
faire fuir une partie de la population serbe augmentant ainsi son assise pour
réclamer l’indépendance. Ce conflit n’est toujours pas réglé parce que les
Etats-Unis ont toujours la mainmise sur cette zone européenne de l’Est et ceci
d’autant plus que la Serbie orthodoxe lie des contacts historiques avec la
Russie. L’intégration du Monténégro, autrefois rattaché à la Serbie, à l’OTAN
avant son entrée dans l’UE est un signe qui ne trompe pas.
Mais dans le même
ordre d’idées, en s’éloignant un peu vers l’Est on retrouve un autre conflit
aussi purulent, celui de la Géorgie face à ses deux oblasts, l’Abkhazie et l’Ossétie
du Sud. Là aussi les Etats-Unis et l’UE attisent le feu. Le premier cherche par
tous les moyens à s’implanter militairement au plus près de la Russie, et le
second fait valoir que la Géorgie est européenne ayant donc droit à l’entrée
dans l’UE donc dans l’OTAN. Un accord d’association a d’ailleurs été signé en
2014 avec celle-ci. Là aussi on retrouve des germes d’extension de conflit,
apaisé très provisoirement. La Russie et la Géorgie s'étaient affrontées en
août 2008 dans une guerre éclair pour le contrôle de l'Ossétie du Sud. Moscou a
reconnu dans la foulée l'indépendance de ce territoire ainsi que de l'Abkhazie,
décision qui n'a été suivie que par le Nicaragua, le Venezuela, Nauru et le
Vanuatu. En conséquence le reste du monde considère ces deux territoires comme
une partie de la Géorgie illégalement occupée par des troupes russes. Les
Etats-Unis ne cessent d’évoquer la menace russe malgré les dénégations de
Poutine pour justifier leur implantation dans tous les pays d’Europe.
Depuis
plus d’un siècle la Géorgie n’a cessé d’osciller entre autonomie, indépendance
et occupation dont allemande et britannique. L'Armée rouge envahit
le territoire géorgien en février 1921 et met fin à la République démocratique
de Géorgie en mars 1921. Dès 1922 La République socialiste de Géorgie fait
partie des trois républiques de la République socialiste fédérative soviétique
de Transcaucasie. L’arrivée au pouvoir en 1927 du Géorgien Staline changea son
statut et la Géorgie fut la république d’accueil de détente des politiciens
soviétiques. Mais à partir de 1970 une opposition nationaliste se développa et
en avril 1989 une manifestation antisoviétique fut violemment dispersée par
l'armée. Ceci coïncide d’ailleurs avec la politique du chaos et du pourrissement
des territoires rebelles à l’influence américaine ou assujettis à l’URSS,
politique décidée dans les années 1970 par les Etats-Unis. L’accompagnement des
mouvements se dressant contre leur gouvernement est une constante
géostratégique que nous retrouvons plus tard en Libye, Syrie, Ukraine, Yémen,
Soudan, etc.
Pendant le processus de dislocation de l’URSS,
acté le 26 décembre 1991, la Géorgie proclama son indépendance le 9 avril 1991,
puis supprima l’autonomie de l’Ossétie du Sud. Il s’ensuivit une période de
conflits entre les mouvements nationalistes de l’Abkhazie et d’Ossétie du Sud
soutenus logistiquement par la Russie. A partir de 1995 la Géorgie d’Édouard Chevardnadze
se tourne progressivement vers l’Occident et conclut une alliance militaire
avec les États-Unis. Son successeur, Mikheil Saakachvili, de 2004 à 2013 accentue
la politique pro-occidentale et fait évacuer les bases militaires russes. Mais
la situation des oblasts sécessionnistes n’est toujours pas réglée et le 8 août
2008 il lance un assaut militaire contre l’Ossétie du Sud qui se défend en
appelant l’armée russe. L’armée géorgienne est neutralisée et l’indépendance
des deux oblasts Abkhazie et Ossétie du Sud est reconnue par la Russie et cinq
autres pays. Les relations avec la Russie sont stoppées et les frontières
fermées. Il s’ensuit une période de flottement mais désormais la Géorgie engage
une politique étrangère en continuité avec celle des gouvernements précédents
(intégration euro-atlantique notamment) mais évitant toute agressivité
vis-à-vis de la Fédération de Russie.
On pourrait croire
que tout va bien dans le meilleur des mondes, sauf que le problème de l’Abkhazie
et de l’Ossétie du Sud n’est toujours pas réglé. Leur indépendance n’est
toujours pas reconnue par l’ONU. Le parcours historique récent montre que la
rivalité entre une Russie très liée à la Géorgie avec en particulier une
Ossétie, russe au Nord, et géorgienne au Sud, et des Etats-Unis et une UE qui
attirent vers eux cette ancienne république soviétique, n’est pas prête de s’éteindre.
Mais on se trouve devant un problème qui rappelle celui de la Catalogne et des
Kurdes avec une partition entre deux ou trois pays souverains et une histoire d’un
peuple ou d’une ethnie. Les ossètes forment un peuple vivant dans le Caucase,
en Russie et en Géorgie. Ils ont une langue spécifique qui appartient au groupe
iranien de la famille des langues indo-européennes. Dès 1991 les Ossètes
proclament d'abord leur indépendance et la réunification des deux Osséties. En
Ossétie du sud les Ossètes sont très majoritaires par rapport aux géorgiens et
ont aussi la double nationalité russe pour la plupart.
On
retrouve les stigmates caractéristiques de nombre de conflits dans le monde. L’histoire
a créé le peuple des Ossètes et un rattachement russe. L’éclatement de l’URSS n’a
pas résolu les oppositions ethniques entre Ossètes et Géorgiens. Bien au
contraire il l’a aggravé. Ceux qui pensent que l’éclatement de l’UE en régions
donnerait une nouvelle vie paisible à l’UE devraient bien réfléchir avant d’agir.
La stabilité d’une réunion de peuples dans l’histoire est très longue à établir
mais elle peut se défaire très rapidement. Dès que des prémices de sécession se
font jour, des puissances étrangères s’en emparent et leur intérêt n’est pas l’extinction
des conflits par la diplomatie mais le pourrissement de la situation. Mais la
construction d’un ensemble ayant une chance d’exister pendant une longue
période de temps tient à trois facteurs principaux, la langue, les croyances
religieuses ou spirituelles, et les frontières naturelles. Si la Russie a pu
renaître des cendres de l’URSS, c’est qu’un fort sentiment national s’est
nourri de l’emprise de l’église orthodoxe qui a survécu et à la diffusion de la
langue russe dans toutes les républiques.
On
voit que l’apprentissage et la pratique de la langue des nouveaux arrivants
dans un pays est un passage obligatoire sans lequel aucune assimilation n’est
possible. On voit également que la situation mélangeant autonomie et
indépendance « contrainte » ne mène à rien. Ces deux constats
montrent tout simplement que l’assemblage de nations de langues différentes et
d’indépendance dans l’interdépendance signent à terme l’arrêt de mort de l’UE.
Quand ? Nul ne le sait, mais le plus tôt possible. Plus son gratte-ciel de
nations monte, plus ses fondations le menacent. L’article suivant continuera à
regarder les autres régions proches de nous où autonomie et indépendance créent
des conflits d’autant plus difficiles à éteindre que des pays étrangers soufflent
sur les braises et montrent leur force et non leur diplomatie d’apaisement.
Les tentations, de défaire ce que l’histoire
A eu tant de mal à construire par le
sang,
Montrent que ceux qui nous ont vendu
Une tour de Babel ensachée de rêve
Sur des sables encore mouvants
Sont soit des irresponsables
Soit des assassins !
Claude
Trouvé
03/11/17
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