jeudi 2 novembre 2017

Indépendance et autonomie, deux sources de conflits



La Catalogne a soulevé d’abord un intérêt de curiosité chez nombre de nos concitoyens. On a assisté successivement à un engouement des médias, pour stigmatiser l’action du gouvernement espagnol, suivi d’un retrait notable de nombre de nos concitoyens et des mêmes médias dès l’annonce de la position de Macron et de l’UE. Ceci montre d’ailleurs l’inconsistance de nos journalistes politiques aux ordres des cinq propriétaires des grands médias et d’un gouvernement qui leur donne des avantages fiscaux et les inféode. Il faut d’ailleurs saluer le courage des quelques journalistes indépendants qui vendent leurs interviews et leurs enquêtes en dehors du monde médiatique contrôlé. En ce qui concerne la Catalogne, l’aventure a une fin lamentable de lâcheté de la part de son leader, lâché par l’UE pour raison d’opportunisme politique et non pour raison d’écart par rapport à la ligne politique de régionalisation de l’UE.

A cette occasion, nombre de problèmes, enterrés ou ayant quitté la grande scène médiatique, refont leur apparition. Au nombre de ceux-ci on peut noter ceux concernant le Kosovo, la nation kurde, l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie en Géorgie, et les sécessions des « oblasts » de Donetsk et de Louhansk en Ukraine. Les oblasts sont des régions administratives, des sortes de provinces qui découpent la Russie et l’Ukraine ainsi que d’autres pays de l’Europe de l’Est. Tous ces territoires sont le siège de recherches d’autonomie et d’indépendance. Pour aucun de ces prétendants, pas plus que pour la Catalogne, la Vénétie, la Corse, les Flandres, l’Ecosse, et les kurdes, leur situation n’est réglée au niveau international. Au plus près de nous géographiquement, la dislocation de la Yougoslavie après la mort de Tito a entraîné un conflit du Kosovo avec la Serbie. Celle-ci a tenté de récupérer les territoires qui lui avaient été alloués comme étant de langue serbe suivant le respect des langues imposées par les Constitutions Yougoslaves. Au problème de langues se greffe une rivalité d’ethnie et de religion avec une minorité de serbes, chrétiens orthodoxes, dans la partie nord du Kosovo et une majorité kosovare de religion musulmane sunnite tentée par les relations avec l’Albanie qui a apporté son soutien à la guerre contre la Serbie. 

Le problème du Kosovo est loin d’être réglé car la Serbie veut récupérer au moins la partie du Kosovo serbe, considérée par les nationalistes serbes comme le cœur historique du pays. La souveraineté Kosovare ne peut être reconnue par l’ONU parce que 35 pays, dont la Serbie et la Russie, ne reconnaissent pas sa décision unilatérale du 17 février 2008 d’indépendance en dépit de la résolution 1244 de l’ONU qui garantissait à la Serbie un statut de province autonome kosovare en son sein. La Serbie, déjà dépouillée du Monténégro, considère que le Kosovo est toujours provisoirement sous tutelle internationale. Sa demande en 2011 d’adhésion à l’UE est toujours en suspens tant qu’une solution pour le Kosovo ne sera pas acceptable pour la Serbie. L’intervention de la KFOR avec les bombardements de l’OTAN sur la Serbie a laissé des traces indélébiles pour l’instant. La Serbie ne pardonne pas pour ses morts et la présence souhaitée de forces de l’OTAN soulève des vagues de protestation dans tout le pays. Du coup la Serbie orthodoxe s’est tournée vers la Russie, et les Etats-Unis viennent de faire pression sur elle pour qu’elle se range dans l’UE, donc dans l’OTAN comme le Monténégro. Le noyautage militaire de l’UE par les Etats-Unis ne peut pas supporter des exceptions. D’ailleurs le Monténégro a été intégré dans l’OTAN avant d’être officiellement membre de l’UE.

Cette page de l’histoire des Balkans est particulièrement intéressante à examiner si l’on veut comprendre ce qui se cache derrière tout ce qui se passe dans les tentatives de régions et de pays de s’affranchir d’une tutelle au nom de l’indépendance ou de l’autonomie. Elle est un condensé de tout ce qui se passe jusqu’à aujourd’hui dans ce domaine et qui va se poursuivre et probablement s’amplifier dans les années prochaines. Le premier constat est que rien n’est réglé dans les Balkans après la dislocation de la Yougoslavie. Le deuxième est que les États-Unis sont omniprésents en Europe et particulièrement dans des régions qui peuvent avoir des velléités de se tourner vers la Russie ou qui sont frontaliers ou proches de celle-ci comme les pays Baltes. Ils imposent une dépendance militaire sur les membres de l’UE et même au-delà vers l’EEE, les candidats officiels ou pressentis à l’UE, l’Ukraine et la Géorgie. 

Enfin on touche à la différence entre les mots indépendance et autonomie que l’on a tendance à utiliser l’un pour l’autre. Pourtant il y a une gradation dans la demande d’autonomie de la Catalogne et celle d’indépendance finalement actée mais non reconnue. Le terme autonomie, comporte la racine grecque « autos », signifiant : soi-même. Ce terme désigne en réalité la capacité de juger, décider, accepter ou refuser, choisir par soi-même, en quelques sortes gérer sa vie. L'indépendance, elle, désigne plutôt la capacité physique de réaliser seul une action. En résumé : L’autonomie, c’est décider par soi-même, et l’indépendance, c’est faire par soi-même. Cette définition s’applique aussi bien à un individu qu’à une entité politique ou administrative. En regardant la France nous constatons ainsi que ce pays n’est plus réellement autonome et indépendant. Les deux sont en partie sous contrôle et la zone de contrôle ne cesse de s’étendre. Nous sommes plutôt proche de ce qui ressemble à une République soviétique de l’ex-URSS où notre défense est en fait passée entre les mains de l’OTAN et où il ne reste d’autonomie que ce que l’UE nous accorde.

Mais cette histoire des Balkans, nous enseigne aussi que le Monténégro a déclaré son indépendance sans coup férir, est reconnu par l’ONU et candidat officiel à l’entrée dans l’UE. Elle nous dit aussi que le Kosovo se comporte en pays indépendant aux yeux de l’UE et des Etats-Unis même si l’ONU ne peut reconnaître sa souveraineté. Le bombardement de la Serbie et les massacres de cette guerre civile n’ont rien réglé pour le conflit Serbie-Kosovo mais là encore la déclaration unilatérale du Kosovo n’a souffert aucune objection dans le camp occidental. On constate aussi que ce fut l’officialisation du droit d’ingérence dans un pays souverain au nom du risque d’extension d’un conflit, opinion qui demandait aucune contestation pour l’OTAN et la France dont les liens étaient pourtant historiques avec ce pays. On mesure que selon l’intérêt du camp occidental, les décisions peuvent être blanches ou noires pour des causes identiques. Nous déclenchons des sanctions contre la Russie parce que la Crimée, un oblast ukrainien, demande son autonomie et son rattachement à ce pays après un référendum comme au Monténégro et au Kosovo. On laisse ce dernier en situation d’indépendance vis-à-vis de la Serbie mais on n’admet pas que la Catalogne se sépare de l’Espagne. 

Ce conflit toujours vivace dans les Balkans devient un terrain d’affrontement entre les États-Unis et la Russie. Il échappe aux pays européens avec une UE incapable de s’imposer, et cela d’autant moins qu’elle est sous la tutelle américaine dont le droit d’ingérence n’a plus de limites même si Trump essaie de se retirer en Syrie en dépit des rodomontades des militaires poussés par les puissances de l’ombre. Le prochain article regardera les autres conflits d’autonomie et d’indépendance qui continuent à tuer et à faire fuir dans des pays finalement très proches de nous avec des guerres attisées à dessein par ceux qui veulent détruire pour les reconstruire et les spolier de leurs ressources.
 
Les conflits d’indépendance et d’autonomie sont toujours graves. 

Leurs conséquences touchent aux ressources et aux frontières

Offrant des territoires à des manœuvres de conquête 

Ou de défense de prés carrés avec ligne rouge.

Ils sont l’allumette qui peut enflammer 

Des guerres sans merci extensibles !
 
Claude Trouvé
02/11/17

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