L’article précédent a montré que la
décision du gouvernement était conforme aux recommandations de RTE, lequel a clairement
dit que l’arrêt des centrales à charbon et nucléaires n’était pas possible sur
la période 2018-2020. Les annonces politiques de campagne n’étaient donc une
fois de plus qu’un enfumage électoral. J’avais montré dans de nombreux articles
l’incohérence du plan énergétique jusqu’en 2035, les objectifs de diminution du
CO2 et d’arrêt de 25% du nucléaire étant parfaitement incompatibles.
La première raison est que l’examen des données fournies par RTE sur les années
2014-2015-2016 montre qu’en gros la production de 1 kWh des énergies
renouvelables entraîne 1 kWh de production des centrales thermiques. Ce chiffre
est incontestable en tout cas dans la production électrique française.
La production allemande en CO2
a largement augmenté de 2002 à 2016 pendant la période de mise en production
des EnRia en passant de 271 tonnes à 289 tonnes. Le fléchissement sur les deux
dernières années n’est dû qu’à la mise en œuvre de centrales à gaz deux fois
moins polluantes en CO2. Ceci vient corroborer l’affirmation selon
laquelle les EnRia sont polluants indirectement, ce qui vient détruire un
argument pour leur implantation. Il reste l’argument de la disparition du
nucléaire pour sa dangerosité, argument qui permet d’oublier qu’il s’agit d’une
énergie non polluante en CO2. Le fait de vouloir ne conserver que
50% du nucléaire détruit cet argument puisque l’on ne fait que de diminuer par
1/3 la probabilité de catastrophe… ce qui, dans cette optique, reste suicidaire
au contraire de l’Allemagne, au moins cohérente, qui veut arrêter toutes ses
centrales nucléaires.
Intéressons-nous à la période 2020-2022
qui terminera le quinquennat de Macron, parce que, si un autre Président est
élu lors de la prochaine présidentielle, les orientations énergétiques peuvent
radicalement changer. J’ai dû professionnellement faire des prévisions à dix
ans et chaque année nous constations qu’elles évoluaient. Une prévision à 5 ans
est déjà difficile à faire et je ne donne pas cher des prévisions faites à dix
ans et surtout à un siècle comme pour le réchauffement climatique. Selon les
conclusions de ses simulations, RTE dit ceci :
« Entre 2020 et 2022,
l’analyse met en évidence qu’il est possible de fermer l’ensemble des centrales
à charbon ou de fermer les quatre réacteurs nucléaires arrivant à l’échéance
des 40 ans de fonctionnement d’ici fin 2021 : Tricastin 1, Bugey 2, Tricastin
2, Bugey 36. Les fermetures de l’ensemble des centrales à charbon et des quatre
réacteurs nucléaires ne peuvent être combinées sans dégrader la sécurité
d’approvisionnement ; un choix doit donc être fait. »
Cette conclusion amène deux
remarques. La première est que Hulot, dans un discours assez clair pour
2018-2020 mais ambigu pour 2020-2022, a en fait abandonné la fermeture des
centrales nucléaires sur cette période également. La seconde est que la
fermeture des 5 centrales à charbon d’une puissance totale de 2990 MW ne
garantit pas une baisse de l’émission de CO2 puisque l’augmentation
du parc d’EnRia va demander plus de kWh thermiques donc de CO2 émis.
Il est utile de faire une autre
simulation qui consiste à regarder les puissances électriques utiles dont on
pourrait disposer en 2022. On va pour ce faire partir sur des hypothèses
vraisemblables des évolutions de puissance installée depuis 2016 sur les EnRia
soit la moyenne des années précédentes 2014-2016 à 13%/an. Par ailleurs on va
conserver dans un premier temps les pourcentages moyens de disponibilité des
différentes énergies en sachant que les centrales thermiques ne tournent pas au
maximum de leurs possibilités mais comme énergie d’appoint à cause d’un kWh
plus cher. On va également supposer que la centrale nucléaire de Fessenheim
est arrêtée, que l’EPR de Flamanville est mise en service ainsi que la centrale
à gaz de Landivisiau. Enfin on va
admettre que la production importée reste celle des années précédentes soit en
moyenne 29 TWh des années normales 2014-2015 et que la consommation reste
toujours de l’ordre de 490 TWh. On obtient le tableau suivant :
On remarque de suite que les EnRia produiraient 61,6
Twh mais la compensation de 50,7 TWh de l’énergie thermique est insuffisante
à cause du 1 pour 1. La disponibilité de cette énergie doit être portée de
26% à 32% pour disposer de 62,4 TWh. Ceci signifierait alors une hausse supplémentaire
de 23,8% des émissions de CO2 avec une production totale de 623,5 TWh. Pour diminuer cet apport
supplémentaire on peut envisager d’arrêter les 5 centrales à charbon qui, avec
une disponibilité de 32% fournissent 8,4 TWh dans ce schéma mais il faut
compenser cela par une disponibilité des autres centrales thermiques de 32% à
37% avec une puissance thermique installée ramenée à 19279 MW. Au total on peut
ainsi espérer gagner 13% sur les émissions de CO2. Mais il n’en
reste pas moins que la production thermique aurait pratiquement doublé depuis
les années 2014-2016, et le bilan CO2 enregistrerait finalement une
croissance de l’ordre de 73% !
En conclusion on ne peut pas faire
croître la puissance installée des EnRia au rythme actuel sans concéder une
augmentation du CO2. De plus la production actuelle ne permet pas de
marge de manœuvre avec 546 TWh en 2015 correspondant à un effacement total
possible, sans vent et sans soleil, de 28,5 TWh des EnRia. Mais en 2022
l’effacement total peut atteindre 61,6 TWh soit 33,1 TWh de plus. A la consommation
de 490 TWh il faut donc ajouter 33,1 TWh supplémentaires soit un besoin total de
523 TWh auxquels il faut ajouter 80 TWh pour tenir compte de la thermo-sensibilité
de la consommation et de la marge de manœuvre supplémentaire souhaitée par RTE.
Le total de la production nécessaire passe ainsi à 603 TWh. Le premier scénario produisant 611,8 TWh ne permet pas d’assurer
la flexibilité suffisante des centrales thermiques. Le second scénario accroît
les émissions de CO2. Les deux sont donc à rejeter même si le second
peut envisager des arrêts du charbon ou du nucléaire.
La seule solution raisonnable est de
ralentir la croissance de la puissance installée des EnRia et de la limiter à
50,7 TWh, puissance thermique disponible dans les conditions actuelles
d’exploitation. Mieux si l’on arrête les 5 centrales à charbon, et que l’on
veut ne pas augmenter les émissions de CO2, on dispose d’une marge
de baisse de 13% des émissions qui permet d’envisager une production thermique
de 52TWh sans augmentation de l’émission de CO2 de 2016 en passant
le taux de disponibilité des centrales restantes de 26% à 31%. Cette valeur de
52 TWh définit la puissance compatible des EnRia soit une augmentation de 23
TWh par rapport à 2016 donc près de 80%. On aurait alors, avec l’arrêt de 4
réacteurs nucléaires de 900 MW chacun, le tableau suivant :
La condition de non augmentation du CO2 est
respectée, les centrales nucléaires visées et les centrales charbon sont
arrêtées. Par contre aux 490 TWh de consommation, il faut ajouter 23 TWh de
flexibilité pour l’augmentation de EnRia et les 80 TWh pour la thermo-sensibilité,
soit un total de production nécessaire
de 593 TWh pour 580 TWh produits.
Comme l’a affirmé RTE, l’arrêt des 5 centrales à charbon et des 4 centrales
nucléaires n’est donc pas possible, il faut choisir. L’arrêt des 5 centrales à
charbon et de 1 ou 2 réacteurs nucléaires peut s’avérer possible.
Ce qui n’est pas dit dans l’enquête c’est
que, pour qu’une solution d’arrêt des centrales à charbon soit viable, il
faut diminuer le rythme d’implantation des EnRia. Sinon il n’y a aucun
scénario viable. Entre 2014 et 2016, on était sur un rythme d’augmentation
annuelle de 13%, il faut réduire cela à 3,3% jusqu’en 2022. Aller plus vite
forcera à augmenter le taux de fonctionnement des centrales thermiques, donc
augmentera l’émission de CO2 et la part d’export d’EnRia au kWh plus
cher et moins vendable car aléatoire et intermittent. On touche néanmoins à
l’absurdité d’une telle politique qui conduit à surproduire pour éviter un black-out
de la fourniture d’électricité alors que la consommation est prévue constante
ou à la baisse. Elle conduit inexorablement à supprimer un courant peu cher par
un plus onéreux et plus difficilement vendable et tout cela sans réduire
l’émission de CO2.
La France s’est lancée dans une
aventure qui conduit à une impasse. Vouloir abaisser la production de CO2
en fermant les centrales thermiques, et réduire d’un tiers la production des
centrales nucléaires en développant les EnRia, c’est vouloir résoudre la
quadrature du cercle. Cette aventure va se fracasser sur la réalité au-delà de
2022 ou même avant si l’on continue le même rythme d’implantation des EnRia. Mais
d’ici là le prix du kWh ne va pas cesser d’augmenter pour payer cette politique
par le biais de la taxe CSPE sur le coût du kWh pour notre contribution aux
EnRia.
La réalité vient de frapper une première fois
Sur un plan énergétique idéologique.
Ce ne sera pas la dernière fois !
En attendant nous payons,
La CSPE s’en occupe !
Claude Trouvé
10/11/17
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