RTE, Réseau de Transport d’Électricité, est une entreprise de
service qui gère le réseau public de transport d'électricité haute tension en
France métropolitaine. Elle vient de publier son « Bilan prévisionnel 2017 ». Il s’agit d’une véritable étude
prévisionnelle menée avec méthode et la prise en compte, des orientations
politiques sur les énergies renouvelables, des prévisions de consommation, des
coûts, de l’interconnexion européenne des réseaux électriques, du vieillissement
des centrales nucléaires, etc. Cinq scénarios ont été retenus avec un grand
nombre de variantes. Il s’agit d’une étude prospective sérieuse comme on
aimerait en voir dans de nombreux autres domaines. RTE vient de remplir
pleinement sa mission, comme le fait l’ASN, l’Autorité de Sûreté Nucléaire. Il
convient de saluer leur travail et de prendre en compte leurs avis.
Mais ces deux organismes jettent évidemment un pavé dans la
mare du rêve de la transition énergétique. L’ASN maintient que la durée de vie
des centrales nucléaires peut être prolongée au-delà de quarante ans si la
visite décennale obligatoire s’avère le permettre. Elle oblige EDF à faire les
maintenances nécessaires soit normales soit en raison du vieillissement, soit
pour prendre en compte les enseignements des catastrophes dont principalement
celles de Fukushima et des attentats. En tant que gardienne de la sûreté de
fonctionnement du parc nucléaire, elle met en lumière que tout arrêt de
centrales qui ne serait pas de son fait est une décision purement politique.
Ainsi l’arrêt prévu de 17 centrales nucléaires d’ici 2022 est une décision
purement politique qui ne tient pas compte de l’avis de l’ASN sur l’état du
parc. La durée de vie des centrales fixée à 40 ans est une donnée qui soumet seulement
une centrale à un examen approfondi avant d’être autorisée à produire au-delà
de cet âge. On voit d’ailleurs toute la différence entre le principe de
prévention et celui de précaution. Le principe de précaution arrête une
centrale nucléaire à 40 ans parce que, par principe, le vieillissement augmente
les risques qu’à priori on ne veut pas prendre. Le principe de prévention
veut que le risque soit évalué en permanence et les remèdes soient apportés
dans les plus brefs délais quitte à arrêter provisoirement l’installation, et
cela jusqu’au moment où la sécurité de fonctionnement n’est plus assurée selon
les experts et signifie l’arrêt.
RTE vient de publier un rapport qui montre l’impossibilité
de réaliser l’ensemble des objectifs de la transition énergétique dans les
délais prévus. En gros on ne peut pas envisager l’arrêt des 17 centrales
nucléaires en 2022. La frénésie écologique se heurte à la réalité. Hulot doit
lâcher du lest et ceci d’autant plus que les scénarios de consommation
privilégient les baisses de consommation dans les années à venir, ce qui ne m’apparaît
pas l’hypothèse la plus probable et pas en accord avec les prévisions de
croissance du gouvernement. La croissance à une répercussion directe sur l’augmentation
de la consommation électrique. Par ailleurs l’isolation des bâtiments fait
baisser la consommation électrique des bâtiments neufs ou chauffés à l’électricité,
mais il n’y a rien à attendre de celle des bâtiments anciens chauffés au fioul
ou au gaz. Enfin le développement de la voiture électrique et de tous les
appareils de communication va dans le sens de l’augmentation, même si la
production électrique directement chez les particuliers prend son essor au
moyen de subventions de plus en plus coûteuses pour l’État au fur et à mesure
de leur développement. On voit que celui-ci a commencé un rétropédalage de l’aide sur ce point
et l’Espagne a supprimé les subventions aux énergies renouvelables.
Il est intéressant de regarder les scénarios basés sur une
consommation haute jusqu’en 2035 parce qu’il ne peut être écarté avec les
informations actuelles connues et que depuis plusieurs années la consommation
se maintient à un niveau quasi constant. RTE a mis l’hiver 2017-2018 sous vigilance,
ce qui veut dire que le risque de mesures de restriction de consommation n’est
pas nul. Si je prends la journée du 7 novembre 2017, la production nucléaire
est en retrait de 15% par rapport à son apport, compte-tenu des arrêts normaux
de maintenance et de rechargement. Il s’agit donc en plus d’arrêts justifiés
par les visites décennales et celles pour les modifications de sûreté imposées.
Ce jour la production s’est avérée insuffisante, et cela se poursuit sur la
journée du 8, car nous avons importé 35% de notre consommation parce qu’en
plus le solaire n’a rien donné au réseau national et que l’éolien a marché à moins
de 15% de la puissance installée ! Grâce à l’Allemagne, l’Espagne et l’Angleterre
nous avons évité le black-out ! Arrêter Fessenheim aujourd’hui nous y
aurait vraisemblablement conduit.
L’étude exhaustive de RTE, compte-tenu de toutes les
variables influentes dont l’évolution des programmes énergétiques en Europe et
des interconnexions, conduirait à étudier 14000 variantes. Une centaine l’ont
été et 50 d’entre elles, les plus caractéristiques, font l’objet de
commentaires publiés sur 5 scénarios majeurs. Compte-tenu de l’incertitude grandissante
dans le temps, il faut retenir les conclusions les plus sûres, celles de RTE sur
2018-2020 : nous avons « un
système électrique "équilibré" du point de vue du critère public de sécurité d’approvisionnement, mais sans
marge de manœuvre. L’exploitation du système électrique sera plus
fréquemment sujette à des situations de vigilance – comme cela a été le cas
pendant la vague de froid de janvier 2017 et est annoncé par RTE pour le
passage de l’hiver 2017-2018. La
fermeture de moyens de production supplémentaires (charbon ou nucléaire) n’est donc
pas possible à très courte échéance sans dégrader la sécurité
d’approvisionnement. »
La messe est dite et le gouvernement est mis devant ses
responsabilités, ce qui veut dire que le risque du black-out n’est pas
supportable politiquement. On ne peut donc ni arrêter les centrales nucléaires
ni les centrales thermiques. Ce dernier point est particulièrement significatif
car il met le doigt sur ce que j’ai dit dans de nombreux articles. On ne peut pas développer les EnRia sans au
moins conserver l’énergie thermique installée. L’un ne peut aller sans l’autre
et il suffit d’aller en Allemagne pour s’en persuader. C’est cette vérité
technologique qu’il faudra faire enfin passer dans l’opinion malgré le déni de
l’écologisme. Évidemment cela détruit le concept de diminution du CO2
grâce aux EnRia, mais c’est ainsi. Cela aboutira à une remise en cause du plan
de transition énergétique car le développement des EnRia, par son caractère
intermittent et aléatoire, est contraire à la stabilité des réseaux de
distribution et donc à la sécurité d’approvisionnement. L’arrêt de Fessenheim
est donc ainsi repoussé à 2021 au mieux sauf si l’ASN exige l’arrêt d’ici là,
ce qui semble peu probable.
La tendance française à vouloir préférer l’idéologie au
pragmatisme conduit même ce pays à rejeter ce qui fait sa force par rapport à d’autres
pays, le rejet du nucléaire en fait partie. Alors que les grands pays
industriels États-Unis, Russie, Royaume-Uni, Chine et même Japon, ou en développement
comme l’Inde, la Turquie et le Brésil, voire l’Arabie Saoudite, ont des projets
de développement de cette énergie, la France met au panier son avance
technologique, se plaint ensuite de voir AREVA en difficulté et impose à EDF de
reprendre des industries françaises de construction des EnRia en difficulté. Si
le court terme 2018-2020 est éclairé par ce bilan prévisionnel énergétique de
RTE, les prévisions à plus long terme méritent d’y regarder de plus près et
nous en parlerons dans un prochain article.
L’idéologie qui se
fracasse sur la réalité
Devient un rêve
impossible qui nuit
A l’énergie
bienfaisante et utile
Pour les êtres et les
nations !
Claude Trouvé
08/11/17
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