La messe
est dite à droite de la pensée nique, non pardon, unique. Fillon a gagné sans
surprise totalisant les voix des têtes de file qui ont appelé à voter pour lui.
Ce deuxième tour de la primaire était inutile et il a un autre effet, celui de
mettre en difficulté les tenants d’une nouvelle politique hors Système. S’il
est vrai que la cassure à droite va laisser des traces, s’il est probable que
Bayrou va jouer les troublions ainsi que Macron qui veut ratisser large, il n’en
reste pas moins vrai que Fillon, reprenant à son compte les recommandations de
Buisson à Sarkozy, marginalise la droite de la droite. En effet il rend
difficile une joute sur l’immigration où les positions ne sont pas assez
discriminantes. Sur l’aspect socialement dur du programme de Fillon, Mélenchon
fera feu de tout bois reprenant à son compte son leadership dans ce domaine par
rapport au FN et aux souverainistes. Enfin le programme Fillon propose une
solution pour l’Europe de nature à contenter les uns et les autres, celle de
sortir de l’UE sans en sortir.
Le
battage médiatique sur la primaire de droite avec des candidats, à l’exception
d’un, qui ont mis l’accent sur l’appartenance obligatoire de la France à l’organisation
européenne, et le faible temps donné à Poisson pour en débattre, ne peut que
renforcer l’idée de notre ancrage à l’UE. Les primaires de la gauche, si elles
ont lieu, ne feront qu’occulter un peu plus ce sujet. La victoire de Fillon
avec un tel score est donc un barrage supplémentaire à l’euroscepticisme et à l’UE-scepticisme
qui monte un peu partout en Europe. La victoire des antisystèmes n’en sera que
plus difficile s’il n’y a aucun évènement extérieur qui vienne renforcer leur
point de vue. Sur ce sujet il ne faut rien attendre de la gauche de la gauche,
ce n’est pas leur axe privilégié d’attaque. Ces primaires gauche et droite, qui
mobilisent énormément les médias, créent un déséquilibre démocratique, grave et
important, entre le Système et les antisystèmes. Il renforce l’idée que le
sujet de l’UE et de l’euro n’a plus lieu d’être.
Le
programme de Fillon est un programme libéral à haut risque même si l’on peut y
voir des axes de réflexion et d’action profitables en particulier sur l’Éducation
Nationale et la relance de l’économie ainsi que la pause dans les mesures
sociétales, l’allongement du temps de travail dans l’harmonisation du temps de
travail public-privé autour de 37h (chiffre moyen global public-privé actuel) et
le nécessaire rééquilibrage de la répartition des fonctionnaires dans la
fonction publique. La réduction du nombre de ceux-ci est une autre paire de
manches. En effet le départ de ceux-ci en retraite et leur non-remplacement
fait basculer la pyramide des âges vers le vieillissement. Les départs incités
par des avantages à une retraite plus précoce créent une dépense supplémentaire
immédiate et un alourdissement supplémentaire pour les régimes de retraite.
Tout autre forme de réduction du nombre qui remet des fonctionnaires sur le
marché du travail est contre-productif comme il l’est d’une façon générale. L’augmentation
des heures dans le privé conduit au même résultat comme je l’ai montré dans l’étude
précédente des 21-22 et 23 novembre. Le chômage et le PIB/habitant sont
impactés négativement en période de faible croissance comme aujourd’hui et en
présence d’un chômage élevé.
Si
cette mesure est utilisée sans que la croissance soit revenue, elle peut
conduire à une catastrophe sociale aux répercussions inimaginables. Le PIB/heure
travaillée, le PIB/durée annuelle du travail, l’emploi et le PIB/habitant par
rapport aux mêmes paramètres de durée du travail et de temps de travail
hebdomadaire, diminueront et nous irons à l’inverse du but recherché. Lorsque
nous sommes passés de 39 à 35h payées 39, nous n’avons pas gagné ce rapport
dans la même proportion sur l’emploi. L’impact dans le public, et en
particulier dans les hôpitaux, a été négatif pour l’Etat et même pour la
qualité des soins. L’impact sur la compétitivité a été immédiat, a plombé notre
commerce extérieur et a augmenté les prix à la consommation. Mais nous étions
en période de croissance au-dessus des 2% et le retour sur le monde du travail aurait
pu se faire doucement par baisse des charges des entreprises, et hausse des
salaires ou baisse très progressive de la durée du travail. La brutalité
de ce changement a laissé des traces. Heureusement la croissance mondiale et
européenne était suffisamment solide pour éviter le pire. Que ce soit pour
augmenter ou diminuer la durée du travail, cela ne peut se faire sans tenir
compte de la santé économique du pays et mise en œuvre progressive.
Le
remède de cheval voulu par Fillon fait la part belle à l’Etat qui va creuser le
déficit pendant que le monde du travail va être sous la triple menace immédiate
de l’augmentation de la durée du travail, négative sans le retour de la
croissance, la baisse des remboursements des frais de santé, et l’éloignement
de l’âge de la retraite. Le cadeau à la politique de la famille est une mesure
indispensable mais ne touchera qu’une partie de la population et est un facteur
d’augmentation de la fécondité chez les immigrés récents extra-européens qui
peut accentuer le déséquilibre avec les populations assimilées. L’euphorie
actuelle de la pensée-unique de droite risque d’être de courte durée si une
progressivité et un timing rigoureux n’est pas respecté dans l’application. La
communication de l’État devra être intensive et crédible, sinon le peuple sera
vite dans la rue.
En
effet notre appartenance à l’UE conduit Fillon à enfourcher ses directives sur
la réduction des dépenses publiques, l’augmentation de la durée du travail, l’austérité
sur les salaires, la diminution des frais sociaux et des retraites. C’est le
schéma à la grecque à appliquer si l’on ne veut pas finir sous la tutelle de la
troïka UE-BCE-FMI, elle-même cornaquée par les grands banquiers. L’UE se pose
des questions sur sa survie après le Brexit et les velléités de rébellion
contre le flux migratoire. Angela Merkel prend peur pour sa réélection et veut
renvoyer les 100.000 demandeurs d’asile non acceptés avec un petit pécule comme
en France. Son opposition gronde. Mais
certains pays se posent vraiment l’intérêt économique de l’euro, comme l’Espagne
pour qui la peseta aiderait mieux son commerce historique avec l’Amérique du
Sud. L’Europe à plusieurs vitesses est l’idée qui tourne à Bruxelles et à
Berlin, ce n’est pas une idée Fillon. C’est une mesure d’urgence devant la peur
qu’une autre sortie, comme celle de la Grèce, sonne la fin de l’UE.
Le
recentrage sur une zone euro plus fédéralisée n’est pas une idée qui résoudra
les difficultés actuelles et cela pour deux raisons. La première c’est que les
difficultés pour arriver à un consensus à 28 ou 27 de plus en plus grandes et
paralysantes ne diminueront pas sensiblement à 18. Le clivage nord-sud
perdurera. La deuxième est que l’euro, monnaie unique, est l’essentiel de notre
problème économique. Le gap de compétitivité de 15% est largement au-delà de ce
que peuvent apporter les mesures économiques prévues. Le gouvernement actuel a
essayé plus mollement mais le résultat n’est pas là. Le solde de notre commerce
extérieur est toujours largement négatif, le nombre d’entreprises diminue, l’investissement
est en panne, les capitaux et les cerveaux partent. Un tournant plus marqué est
certes prévu mais toutes les mesures annoncées resteront secondaires voire sans
efficacité réelle par rapport à l’augmentation de compétitivité par le retour à
une monnaie nationale ajustée aux écarts de compétitivité en particulier avec l’Allemagne.
L’euro, est un euromark, pas un eurofranc.
Renverser la table du bateau évite de la
desservir.
Mais si c’est un coup de tabac qui le
fait,
Les repas et les couverts vont à la mer.
L’UE et l’OTAN sont sur notre table
Alors mangeons-les au plus vite
Avant que l’ouragan se lève !
Claude Trouvé
Coordonnateur MPF du
Languedoc-Roussillon
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