La Mutualité Sociale Agricole nous informe que sur les 6 premiers
mois de l’année, la « permanence de
prévention du suicide chez les agriculteurs a reçu 1 700 appels », ce qui
représente 9 à 10 appels par jour en
moyenne. Ce chiffre, plus que tout autre montre l’ampleur de la détresse de
notre petite paysannerie. On chiffre à une superficie de 300 hectares, celle
qui permet de vivre honnêtement. Cette superficie est hors de portée de la
plupart des agriculteurs qui déversent leurs produits devant les
sous-préfectures, à Morlaix ou ailleurs. Le passage par les circuits de
distribution étrangle cette paysannerie et les actions de protestation pour
quelques centimes d’euros en plus sur les prix d’achat des produits, viande et
lait par exemple, ne change pas vraiment la rentabilité de leur exploitation.
Ce sont des centimes arrachés que de nouvelles normes ou contraintes sur la
production auront vite fait d’annuler.
La création de circuits courts de
distribution permet à un petit nombre d’entre eux de sortir du système
mortifère de la grande distribution. Certains prennent des contacts directs
dans les pays étrangers. Je connais un agriculteur qui vend des semences de
pomme de terre en Afrique. Mais tout ceci reste marginal, faute d’organisation
de circuits globalement organisés et d’une volonté gouvernementale de
promouvoir ces circuits courts. Car si le Système est mortifère, c’est que la
mondialisation en est la cause principale. Elle supprime les frontières et les
barrières douanières. Elle crée un boulevard de profit pour les grandes
entreprises exportatrices qui sont gréées pour cela sur le plan de l’organisation
et des moyens financiers. Elles peuvent jouer sur le marché intérieur et
extérieur et bénéficier des meilleurs conseils de management au sens large du
terme incluant les moyens d’échapper à l’impôt. Du coup elles peuvent
proliférer, racheter des terrains français, s’agrandir, délocaliser des
productions.
Elles repoussent donc des
agriculteurs liés au marché intérieur dont les coûts ne peuvent rivaliser avec
les grands entreprises agricoles. Néanmoins les petits agriculteurs subissent
toutes les contraintes des normes toujours plus nombreuses et plus strictes de
l’UE sans bénéficier autant des mesures d’aides. La petite agriculture réduit
son « salaire » ou son revenu au fur et à mesure qu’elle s’enfonce
dans le déficit et cela la conduit jusqu’à l’abandon de sa ferme ou pire au
suicide. Le nombre de demandes d’aide explose. On apprend dans une interview
donnée par Michel Brault sur Radio France que sur le revenu 2015, « à peu près 30 % des agriculteurs ont gagné
moins de 4 200 euros, c’est-à-dire 350 euros par mois Et nous craignons que
pour 2016, cela s’accentue, compte tenu des difficultés économiques, sanitaires
et climatiques ».
Le vrai problème est dans l’appartenance
à l’UE et à l’euro. Les subventions sont toujours une perturbation du système
libéral qui doit s’équilibrer de lui-même par l’offre et la demande. On
maintient des activités productrices qui n’ont plus lieu d’être. L’exemple des
charbonnages en est une démonstration évidente. Malgré la Communauté
Charbon-Acier, nos mines ont fermé et l’industrie métallurgique des aciéries est
moribonde. Mais le problème est aggravé par la mondialisation et la disparition
des barrières douanières et le carcan d’une monnaie unique entre 18 pays de l’UE.
La petite agriculture ne peut que subir car ses marges de compétitivité sont
très réduites. Le bio, la qualité peut être un créneau qui soit porteur mais
dès qu’un créneau l’est les grandes industries agricoles s’y engouffrent en
produisant ou en captant les productions des petites exploitations.
Dans l’état actuel des choses, la
petite entreprise est condamnée sauf si elle sort du Système mondialiste sur le
marché intérieur en compensant le surcoût de sa production par des circuits
courts de distribution. Encore faut-il que les circuits soient connus et au
plus près du consommateur avec des rapports qualité/prix compétitifs. La partie
reste inégale et, pour les petites exploitations qui exportent, l’euro n’est
pas favorable par exemple avec la Russie par rapport aux pays de l’Europe de l’Est.
La partie est si inégale que l’on peut raisonnablement penser que cette disparition
des petites exploitations agricoles est voulue et fait partie d’un grand
ratissage des grands lobbys sur toutes les ressources du sol et sous-sol.
Ceci est d’autant plus grave que la France
est auto-suffisante pour sa consommation alimentaire. La mondialisation ne peut
que lui être défavorable puisque nous voyons entrer des produits que nous
produisons. Nous n’avons pas besoin d’exporter, sauf pour faire de l’argent.
Toutefois ceci ne peut se produire au prix de la destruction de notre petite
agriculture qui nous assure une indépendance alimentaire. Car soyez surs qu’une
très grosse exploitation n’est attachée à notre sol que tant qu’elle y trouve
le meilleur produit et le meilleur créneau. Ce n’est que le profit qui est au
centre de leurs préoccupations. La ferme des mille vaches peut d’un jour à l’autre
changer de pays. La petite agriculture est attachée à ses terres la plupart du
temps exploitées de père en fils. On comprend d’ailleurs combien le problème
humain est dramatique pour ceux qui baissent les bras. Abandonner la terre de
ses ancêtres est une des raisons du nombre de suicides plus élevé qu’ailleurs. Seules les barrières douanières peuvent redonner de l'espoir à l'agriculture de terroir, celle de nos petits agriculteurs.
L’UE avec ses normes envahissantes et ses subventions,
L’euro avec le blocage d’une monnaie défavorable,
Sont les armes tueuses de ceux qui ont intérêt
A voir disparaître la petite agriculture !
Claude Trouvé
Coordonnateur MPF du Languedoc-Roussillon
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