Dans le précédent
article nous avons vu que le taux de chômage n’était pas sensible de façon
significative ni au nombre d’heures travaillées par an, ni à la durée du
travail hebdomadaire. Ce sont donc d’autres facteurs qui ont une importance. On
se doute que parmi ceux-là le coût horaire de l’heure travaillée a son
importance, les charges administratives et fiscales, la recherche et
l’innovation, la robotisation, le choix des créneaux porteurs du marché, etc.
Fonder une politique économique sur l’augmentation des heures travaillées pour
lutter contre le chômage est sans efficacité et même contre-productif car elle
risque de faire baisser la productivité du travailleur français qui est très
bonne. On peut d’ailleurs en avoir confirmation en regardant l’évolution de la
valeur ajoutée par heure travaillée en fonction de la durée annuelle du travail
sur une panoplie de pays européens. Si l’on exclut l’Irlande et le Luxembourg
qui ont des PIB/heure travaillée au-dessus du lot, on constate sur le graphique
que le PIB/heure travaillée baisse significativement avec la durée du travail.
Ceci
confirme que l’augmentation de la durée du travail n’est pas le paramètre
influent ni sur le chômage, ni sur la création de richesse. Le cas de
l’Allemagne par rapport à la France est intéressant car il montre que
l’Allemagne peut produire autant avec 7,5% de main-d’œuvre en moins. On sait
que la robotisation est y plus poussée mais il y a matière à approfondir car la
production de richesse là-bas n’est pas synonyme de nombre d’heures
travaillées. Le cas de l’Irlande est tout aussi intéressant car le grand nombre
d’heures travaillées génère une richesse au-dessus des autres pays. Le poids
des charges fiscales y est certainement pour quelque chose. L’allègement des
charges et la robotisation sont certainement porteurs de richesse.
En est-il de même
pour la durée hebdomadaire du travail ? La réponse est assez semblable même
si la tendance est moins marquée. L’augmentation du PIB/heure travaillée n’a
pas de lien évident avec la durée hebdomadaire du travail. Dans le secteur
productif, la France n’a rien à y gagner. Le cas de l’Irlande est remarquable
et montre bien que la durée hebdomadaire du travail y est plus faible qu’en
France et que c’est très probablement la politique d’allègement fiscal qui
joue.
Si l’augmentation de
la durée du travail n’influe pas sur le taux de chômage, peut-on espérer que
celle-ci joue sur la produit intérieur brut par habitant ? Le résultat
obtenu est très intéressant. On voit que certains pays sortent de l’épure, à
savoir le Luxembourg, l’Irlande, la Suisse et les États-Unis. Il conviendra de
se poser la question du pourquoi. A part pour eux, il devient significatif que
le nombre d’heures travaillées n’est pas le facteur principal influant sur le
PIB/habitant, indice global qui mesure assez bien le niveau de richesse
économique d’un pays. La France est l’exemple d’un pays qui ne tire pas parti
des heures travaillées et elle est en retard de 30% sur ce qu’elle devrait
faire, ce qui est énorme. Autre enseignement c’est que, si rien ne change par
ailleurs, elle ne produira pas plus avec 20% de travail en plus.
Si l’on extrait les
pays particuliers cités ci-dessus, la relation de décroissance du PIB/habitant
avec le nombre d’heures travaillées est très significatif. L’Allemagne, le
Danemark et les Pays-Bas sont les pays dont le nombre d’heures travaillées est
le plus faible et qui ont les meilleurs résultats. On ne peut pas espérer
augmenter la richesse du pays en augmentant le nombre d’heures travaillées
annuelles toutes choses égales par ailleurs. Les pays qui travaillent le
plus sont ceux sur lesquels pèse lourdement la politique imposée par la troïka
BCE, UE, FMI. 500 heures de travail annuel en plus se traduit alors par une
perte de 16.400 $ sur le PIB/habitant.
Si l’on
extrait les mêmes quatre pays, dont il faudra bien savoir pourquoi leurs
résultats sont meilleurs, on observe le même constat sur la durée hebdomadaire
du travail. Notre durée de travail hebdomadaire du travail est de 36,9 heures
et cette durée semble bien placée dans le contexte des pays occidentaux. Passer
à 39h, toutes choses égales par ailleurs, engendrerait une baisse du
PIB/habitant de 6000 $ soit de 15%.
Ce
tour d’horizon sur les objectifs de réduction du chômage et de la croissance
montre que, toutes choses égales par ailleurs, l’augmentation des heures
travaillées annuelles est destructrice sur le chômage et le PIB/habitant et que
par ailleurs il n’y a pas de raison d’augmenter la durée du travail la France se
situant dans une bonne moyenne par rapport à ses concurrents. Un programme
politique socio-économique ne se résume pas aux mesures sur la durée du travail
mais il apparaît que ce sont les autres mesures qui doivent être favorables à
la croissance et qu’elles sont un préalable dans une contexte mondial de
croissance faible. Nous en reparlerons dans le prochain et dernier article.
La manipulation de la durée du travail
annuel et hebdomadaire
Ne peut constituer en soi une solution
au retard de la France.
Son augmentation est intrinsèquement
négative
Et doit être manipulée avec précaution.
Claude
Trouvé
Coordonnateur
MPF du Languedoc-Roussillon
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