vendredi 19 février 2016

Désindustrialisation et agriculture en péril ! (2ème partie)



Alors que le nouveau gouvernement vient juste de naître en pleine déchéance, enfin je voulais dire en pleine discussion sur la déchéance de nationalité, et sur la prolongation de l’état d’urgence, l’agriculture crie sa détresse. La mobilisation est suffisamment déterminée pour que le gouvernement prenne peur. Valls lâche du lest ou plutôt repousse le problème. En effet le report des cotisations sociales pour finalement 10% à l’année prochaine ne résout en rien le problème de fond. Pour les agriculteurs, c’est reculer pour mieux sauter. La création d’une commission d’examen des normes qui ne peut aboutir au mieux qu’à la reconduction des seules normes européennes, ne permettra pas non plus de rendre compétitif le prix des produits agricoles. Même en bénéficiant de ce report de cotisations, un calcul simple montre que le prix du lait n’est toujours pas compétitif.

Les importantes subventions publiques n’empêchent pas l’emploi agricole de se réduire rapidement. Mais le « contrat social », qui assure la sécurité alimentaire, repose en effet sur des subventions conséquentes qui ont pourtant pour contrepartie des performances très dégradées, comme l’illustre le ras-le-bol actuel des éleveurs porcins. Pourtant, selon les comptes de l’agriculture 2015 présentés le mois dernier, le revenu moyen par actif à temps plein a progressé de 70 % en termes réels au cours des trois dernières décennies et de 17 % depuis dix ans. Et cela, malgré des fluctuations des prix agricoles devenues très violentes dans un contexte de marchés non régulés. C’est à n’y rien comprendre apparemment. Disons déjà que ce sont surtout les grosses exploitations qui font le plein des subventions. L’essentiel des aides  est distribué sur la base du nombre d’hectares exploités, ce qui accroît les rentes foncières, limite l’accès des jeunes à la terre et favorise les investisseurs financiers. Il faut séparer l’agriculture familiale de celle des grosses exploitations. Le satisfecit de la FNSEA, après l’annonce de Valls, n’est pas représentatif de la petite agriculture, comme le Medef n’est pas représentatif de la petite industrie. 

Il est important de noter que c’est l’intervention publique qui assure pour l’essentiel un revenu aux producteurs. En 2014, d’après les dernières données du Réseau comptable agricole, le résultat courant avant impôt des 299 000 agriculteurs professionnels a atteint 25 100 euros en moyenne par actif à temps plein. Les aides ont représenté, en moyenne cette année-là, 95 % du résultat courant des exploitations, et plus encore pour nombre de cultures. Cependant ces subventions n’empêchent pas l’emploi agricole de se réduire rapidement : il y avait encore 386 000 exploitations professionnelles en 2000, elles sont un peu moins de 300 000 aujourd’hui. La disparition est vertigineuse. 29% d’entre elles ont déjà disparues et dans 10 ans, à ce rythme, plus de la moitié des exploitations de 2000 n’existeront plus. Ceci explique en partie la hausse des revenus agricoles. La part du gâteau à se partager a augmenté en prix et en volume mais le nombre d’agriculteurs a diminué. Cependant l’augmentation du prix est dû essentiellement à la forte hausse du coût des consommations intermédiaires : carburant, produits de traitement, aliments du bétail…

Le constat actuel est dramatique. Le monde agricole des grosses exploitations se sert de la détresse des petites pour réclamer des aides nouvelles dont la plus grosse part va leur revenir au détriment de ceux qui en ont réellement besoin. En fait les petites exploitations périssent par le renchérissement des produits de traitement et des aliments du bétail, auquel s’ajoutent des différences de salaire dans la transformation et travailleurs détachés. On constate que nous vendons très bien la viande sur pied mais pas les produits transformés. C’est bien au niveau de la transformation que se trouve le problème. Mais les sanctions russes en retour des nôtres, mettent en évidence que nous exportons en dehors de la zone euro. Le taux de change est donc un facteur primordial. Il l’est tout autant quand on voit arriver le gigot de Nouvelle-
Par ailleurs nous subissons la pression des trois grandes firmes mondiales qui fournissent les produits sanitaires et les engrais. Ces firmes imposent leurs prix. C’est encore plus dramatique avec les semences qui sont fournies pour une partie de plus en plus importantes par Monsanto. Les autres sont rachetées par Monsanto qui acquiert les droits de diffusion et les retire du marché. Les semences génétiquement modifiées deviennent progressivement incontournables et toutes ces firmes rendent l’agriculture française à leur merci. Il faut sortir de ce carcan et vite car bientôt il sera trop tard. 

Si l’on veut sauver notre petite agriculture, et les emplois qui vont avec, il faut rétablir un contrôle sélectif aux frontières avec des accords bilatéraux pays par pays pour ouvrir le marché de la consommation française à notre petite agriculture. Celle-ci doit rester dans le créneau de la qualité et développer les circuits courts qui permettent de compenser les prix plus élevés de départ. La sortie de l’euro permettrait de conquérir de nouveaux marchés qui profiteraient aux grosses entreprises pour des produits plus industriels. Il faut sortir de la spirale des subventions. Cette aide est malsaine et coûte beaucoup trop au pays pour le nombre d’emplois qu’elle permet. La France peut et doit assurer son indépendance alimentaire, elle est "climatiquement", et historiquement dans une position forte. Il faut repartir sur un modèle non-concurrentiel pour sortir de cette impasse productiviste et se protéger de l'influence néfaste des grands groupes agroalimentaires dont la France n'a pas besoin pour cultiver son pré carré. Là encore, comme pour l’industrie, l’indépendance de la France vis-à-vis de l’emprise des États-Unis et de ses firmes liées aux puissances financières, la reprise de sa monnaie et de ses frontières, est indispensable. La baisse des charges décidée par le gouvernement ne sauvera pas plus l’élevage intensif français qu’on a sauvé la sidérurgie lorraine. 

Que ce soit sur le plan des coûts ou sur le plan de l‘écologie 

L’agriculture française est engluée dans les subventions

Et subit le carcan de l’euro et de l’agroalimentaire 

Qui l’empêche de faire valoir sa spécificité,

La pousse à l’agriculture industrielle 

Et à la dégradation des terres. 

Claude Trouvé 
Coordonnateur MPF du Languedoc-Roussillon