Alors que le nouveau
gouvernement vient juste de naître en pleine déchéance, enfin je voulais dire
en pleine discussion sur la déchéance de nationalité, et sur la prolongation de
l’état d’urgence, l’agriculture crie sa détresse. La mobilisation est
suffisamment déterminée pour que le gouvernement prenne peur. Valls lâche du
lest ou plutôt repousse le problème. En effet le report des cotisations
sociales pour finalement 10% à l’année prochaine ne résout en rien le problème
de fond. Pour les agriculteurs, c’est reculer pour mieux sauter. La création
d’une commission d’examen des normes qui ne peut aboutir au mieux qu’à la
reconduction des seules normes européennes, ne permettra pas non plus de rendre
compétitif le prix des produits agricoles. Même en bénéficiant de ce report de
cotisations, un calcul simple montre que le prix du lait n’est toujours pas
compétitif.
Les importantes
subventions publiques n’empêchent pas l’emploi agricole de se réduire
rapidement. Mais le « contrat social », qui assure la sécurité alimentaire,
repose en effet sur des subventions conséquentes qui ont pourtant pour
contrepartie des performances très dégradées, comme l’illustre le ras-le-bol
actuel des éleveurs porcins. Pourtant, selon les comptes de l’agriculture 2015
présentés le mois dernier, le revenu moyen par actif à temps plein a progressé
de 70 % en termes réels au cours des trois dernières décennies et de
17 % depuis dix ans. Et cela, malgré des fluctuations des prix agricoles
devenues très violentes dans un contexte de marchés non régulés. C’est à n’y
rien comprendre apparemment. Disons déjà que ce sont surtout les grosses
exploitations qui font le plein des subventions. L’essentiel des aides est distribué sur la base du nombre
d’hectares exploités, ce qui accroît les rentes foncières, limite l’accès des
jeunes à la terre et favorise les investisseurs financiers. Il faut séparer
l’agriculture familiale de celle des grosses exploitations. Le satisfecit de la
FNSEA, après l’annonce de Valls, n’est pas représentatif de la petite
agriculture, comme le Medef n’est pas représentatif de la petite industrie.
Il est important de
noter que c’est l’intervention publique qui assure pour l’essentiel un revenu
aux producteurs. En 2014, d’après les dernières données du Réseau comptable
agricole, le résultat courant avant impôt des 299 000 agriculteurs
professionnels a atteint 25 100 euros en moyenne par actif à temps
plein. Les aides ont représenté, en moyenne cette année-là, 95 % du
résultat courant des exploitations, et plus encore pour nombre de cultures.
Cependant ces subventions n’empêchent pas l’emploi agricole de se réduire
rapidement : il y avait encore 386 000 exploitations professionnelles
en 2000, elles sont un peu moins de 300 000 aujourd’hui. La disparition
est vertigineuse. 29% d’entre elles ont déjà disparues et dans 10 ans, à ce
rythme, plus de la moitié des exploitations de 2000 n’existeront plus. Ceci
explique en partie la hausse des revenus agricoles. La part du gâteau à se
partager a augmenté en prix et en volume mais le nombre d’agriculteurs a
diminué. Cependant l’augmentation du prix est dû essentiellement à la forte
hausse du coût des consommations intermédiaires : carburant, produits de
traitement, aliments du bétail…
Le constat actuel est
dramatique. Le monde agricole des grosses exploitations se sert de la détresse
des petites pour réclamer des aides nouvelles dont la plus grosse part va leur
revenir au détriment de ceux qui en ont réellement besoin. En fait les petites
exploitations périssent par le renchérissement des produits de traitement et
des aliments du bétail, auquel s’ajoutent des différences de salaire dans la transformation
et travailleurs détachés. On constate que nous vendons très bien la viande sur
pied mais pas les produits transformés. C’est bien au niveau de la
transformation que se trouve le problème. Mais les sanctions russes en retour
des nôtres, mettent en évidence que nous exportons en dehors de la zone euro.
Le taux de change est donc un facteur primordial. Il l’est tout autant quand on
voit arriver le gigot de Nouvelle-
Par
ailleurs nous subissons la pression des trois grandes firmes mondiales qui
fournissent les produits sanitaires et les engrais. Ces firmes imposent leurs
prix. C’est encore plus dramatique avec les semences qui sont fournies pour une
partie de plus en plus importantes par Monsanto. Les autres sont rachetées par
Monsanto qui acquiert les droits de diffusion et les retire du marché. Les
semences génétiquement modifiées deviennent progressivement incontournables et
toutes ces firmes rendent l’agriculture française à leur merci. Il faut sortir
de ce carcan et vite car bientôt il sera trop tard.
Si
l’on veut sauver notre petite agriculture, et les emplois qui vont avec, il
faut rétablir un contrôle sélectif aux frontières avec des accords bilatéraux
pays par pays pour ouvrir le marché de la consommation française à notre petite
agriculture. Celle-ci doit rester dans le créneau de la qualité et développer
les circuits courts qui permettent de compenser les prix plus élevés de départ.
La sortie de l’euro permettrait de conquérir de nouveaux marchés qui
profiteraient aux grosses entreprises pour des produits plus industriels. Il
faut sortir de la spirale des subventions. Cette aide est malsaine et coûte
beaucoup trop au pays pour le nombre d’emplois qu’elle permet. La France peut
et doit assurer son indépendance alimentaire, elle est "climatiquement", et
historiquement dans une position forte. Il faut repartir sur un modèle non-concurrentiel pour sortir de
cette impasse productiviste et se protéger de l'influence néfaste des grands
groupes agroalimentaires dont la France n'a pas besoin pour cultiver son pré
carré. Là encore, comme pour l’industrie, l’indépendance de la France
vis-à-vis de l’emprise des États-Unis et de ses firmes liées aux puissances
financières, la reprise de sa monnaie et de ses frontières, est indispensable. La baisse des charges décidée par le
gouvernement ne sauvera pas plus l’élevage intensif français qu’on a sauvé la
sidérurgie lorraine.
Que ce soit sur le plan des coûts ou sur
le plan de l‘écologie
L’agriculture française est engluée dans
les subventions
Et subit le carcan de l’euro et de
l’agroalimentaire
Qui l’empêche de faire valoir sa
spécificité,
La pousse à l’agriculture industrielle
Et à la dégradation des terres.
Claude
Trouvé
Coordonnateur MPF du Languedoc-Roussillon