Un Congrès pour un
grand exercice de « com », c’est l’impression que laisse cette
réunion démocratique des élus du peuple dans un apparat monarchique versaillais.
Quand on n’a rien à dire, on prend le risque de se faire oublier. Ce que fait
ce nouveau Président, c’est une présence rare en paroles mais placée dans un
contexte d’évènement exceptionnel. Comme pour sa campagne le contenu du
discours n’a pas grande importance, c’est l’ambiance du moment créée par ses
soins qui importe. L’avantage est que le discours a été cadré, millimétré et qu’il
ne risque aucun dérapage préjudiciable à son image. On a mesuré sa tendance à
mépriser le peuple dans ses interventions publiques improvisées. Sa nature de
banquier, promu par les plus hautes instances de ce milieu bancaire, reprend
vite le dessus. Il n’est pas du monde des « gens de rien » mais de ceux qui réussissent. Cette conduite a
une allure étasunienne prononcée. « Dis-moi
combien tu gagnes, pour que je sache qui tu es ». Là-bas il faut
réussir pour être considéré.
Ce
Congrès veut copier le discours à la Nation du Président des États-Unis. Non
seulement la France se vassalise, mais elle s’américanise. L’introduction des
primaires, qui a participé au chaos politique suivant, est une entorse à notre
Constitution. Elle mobilise les médias et les instituts de sondage au profit
des partis dominants. Les sondages provoquent d’ailleurs le réflexe du vote
utile, réflexe moutonnier très nuisible à la démocratie. Les entorses à l’esprit
d’une Constitution finissent par détruire les principes fondamentaux qui l’ont
inspiré. La réunion annuelle du Congrès voulue par Macron en fait partie, car l’un
de ses principes fondamentaux est la séparation des pouvoirs du législatif et
de l’exécutif. La cinquième République a donné de grands pouvoirs au Président
et, à l’époque, beaucoup ont soupçonné De Gaulle de vouloir prendre le pouvoir
absolu. Le Président est élu par le peuple et n’a à répondre que devant lui, il
n’a pas de lien direct avec le Parlement. C’est le rôle du Premier Ministre de
présenter devant celui-ci ses projets de lois. Non seulement le pouvoir législatif
approuve les lois que le Président promulgue mais il a un rôle de contrôle de l’exécutif.
Le
Président a pour première tâche constitutionnelle de faire respecter la
Constitution, il en est le garant selon l’article 5 de celle-ci. Dans le préambule
il est dit que « Le peuple français
proclame solennellement son attachement aux Droits de l'homme et aux principes
de la souveraineté nationale… ». En conséquence de ce même article 5,
on trouve : « Il est le garant
de l'indépendance nationale, de l'intégrité du territoire et du respect des
traités. » Il aurait donc été normal que le Président s’exprime sur la
manière dont il compte assumer le principe de souveraineté et d’indépendance
nationales, en particulier dans son attachement à l’UE. Dans l’article 3 on
note : « La souveraineté
nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la
voie du référendum. » Il eut été utile de dire comment il compte
donner la parole au peuple pour tout ce qui touche à la souveraineté en
particulier sur les traités type TAFTA et expliquer sa vision sur toutes les
ingérences de l’UE dans la politique française. Par son silence, l’exclusion du
monde référendaire apparaît en pleine lumière comme chez ses prédécesseurs.
Cette
utilisation du référendum est pourtant au cœur de la Constitution et l’article
11 lui est consacré : « Le
Président de la République, sur proposition du Gouvernement pendant la durée
des sessions ou sur proposition conjointe des deux Assemblées, publiées au
Journal Officiel, peut soumettre au référendum tout projet de loi portant
sur l'organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la
politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services
publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d'un traité
qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le
fonctionnement des institutions. » Il est très significatif de voir
avec quelle désinvolture ce Président parle de réforme constitutionnelle en
passant sous silence l’expression du peuple par le référendum. On mesure là le
chemin parcouru dans la perte de démocratie. Ceci ne fait que suivre la
démarche européenne qui exclut de facto ce mode de recours à la voix des
peuples.
Le nouveau
Président marche dans les traces guerrières de son prédécesseur parce que c’était
le rôle qui lui avait le mieux réussi. En effet l’article 15 nous dit : « Le Président de la République est le chef
des armées. Il préside les conseils et les comités supérieurs de la défense
nationale. » Il eut été normal que la politique étrangère et de
défense nationale fasse l’objet d’un exposé sur les grandes orientations de
notre pays. Il aurait dû exposer comment il compte intervenir en Syrie sans
mandat explicite de l’ONU et sans faire appel à l’article 35 : « La déclaration de guerre est autorisée par
le Parlement. » De plus en plus nos Présidents trouvent des arrangements
avec la Constitution et il y a là un dysfonctionnement du pouvoir législatif
dans son rôle de contrôle et d’appel au Conseil Constitutionnel.
Si
le Président est l’arbitre permettant le fonctionnement normal des pouvoirs
publics, mais il n’est pas de son rôle de mettre fin à la prolifération
législative, c’est de la prérogative du Premier Ministre, de même que la réduction
d’un tiers des députés et sénateurs, la mise en place d’un peu de proportionnelle
dans les élections et la réforme du Conseil économique et social. Il s’agit de
lois organiques qui ne définissent en rien les grandes orientations politiques et
géopolitiques de notre pays. Il n’en est pas de même de la levée de l’état d’urgence,
mais la traduction dans une loi organique relève de la tâche du Premier
Ministre.
D’une façon plus
générale la tâche constitutionnelle du Président est centrée sur l’indépendance
nationale, la défense du pays et tous les aspects de la géopolitique. En
particulier la politique migratoire doit faire l’objet d’un exposé clair sur le
but recherché ne se limitant pas à la réforme du droit d’asile. Notre positionnement
par rapport aux États-Unis, à la Russie, à la Chine, à la Syrie et à l’Iran en
fait partie. On peut y ajouter tous les grands aspects de la vie économique,
comme la position de la France dans l’union bancaire et le gouvernement
économique de la zone euro.
Le
discours de Macron n’amène aucun éclaircissement sur la position de la France dans
un monde qui se scinde en deux fractions opposées, le monde unipolaire et le
monde multipolaire. Le premier lutte pour sa survie derrière les États-Unis, le
second est en devenir et se fraye un chemin de plus en plus large dans les
nations du monde. La France vient de subir un chaos politique sans précédent,
tous les anciens partis sont en difficulté. Ils se scindent et se retrouvent
avec la patate chaude de situations financières catastrophiques. Le Président
pharaon trône au-dessus d’un champ de ruines, d’une nation déboussolée et ce n’est
pas ce discours du Congrès qui illumine d’un fanal reconnaissable le destin de
notre pays. Le discours était vide de ce qu’aurait dû être celui d’un évènement
exceptionnel après une révolution politique, celui du cap tenu à l’extérieur et
à l’intérieur du pays. Il n’en fut rien sinon un exercice de communication
monarchique qui laisse le champ libre du « comment » au Premier
Ministre, mais qui ne dit jamais ni « vers où », ni « pourquoi ».
Le peuple français est embarqué les yeux fermés sur une galère vers une
destination inconnue dans un voyage périlleux sans boussole et sans fin.
Le nouveau pharaon se veut maître du
temps et de l’espace
Mais le peuple n’a plus le temps d’attendre
longtemps.
Quant à l’espace, il a les contours
mouvants
D’une Europe déstructurante et sans âme
Aux mains invisibles des prédateurs.
Claude
Trouvé
Coordonnateur
MPF du Languedoc-Roussillon
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