Hollande sourit, Merkel grimace (tout au moins en
apparence). Notre Président après avoir attiré la pluie, et supplié pour qu’elle
se transforme en pluie d’euros est exaucé. Sur les 60 milliards par mois
pendant 19 mois à partir de mars 2015 que la BCE va injecter dans la zone euro soit
1.140 milliards étalés jusqu’en septembre 2016. La France, qui représente
environ 20% du poids économique de la zone euro, aura un rachat de dettes d’un
montant mensuel correspondant à 10 milliards, pour un total de 180 milliards
d’euros dans les années 2015 et 2016. Soit un montant s’approchant de 10%
de PIB du pays. Gloup ! Comme la plus grande partie de cette somme sera
affectée au rachat de la dette publique, cela fait du bien quand on a une dette
de 2003 milliards d’euros et que l’on a dépassé les 95% du PIB. Car tout cela on
le devra au QE (« Quantitative
easing » ou « assouplissement quantitatif » en français) de la
BCE dirigé par Mario Draghi !
Certains boudent dont Angela Merkel, la mariée serait-elle trop belle ?
Mais cela veut dire quoi le QE ? Cela veut-il dire que notre dette sera
ramenée à 1820 milliards d’euros en 2016 ? Pas si vite. D’abord ces achats
seront effectués à 80% par la banque nationale de chaque état et à 20% par la
Banque centrale européenne. Ainsi, pour la France, la Banque de France devrait
procéder au rachat de 8 milliards d’euros de dette française par mois alors que
la BCE en rachètera l’équivalent de 2 milliards. Autrement dit c’est autant de
moins d’obligations souveraines que l’on devra vendre aux Suisses qui en
étaient tellement friands qu’ils ont pris peur et anticipé une nouvelle baisse
de l’euro en prenant une décision préventive, cruelle mais considérée salutaire,
de réévaluation de 15% du franc suisse. Le blocage de 1,20 CHF pour 1 euro a
vécu.
Ceci induit donc plusieurs remarques.
Le QE, version moderne de la planche à billets, entraîne systématiquement une
baisse de l’euro qui avait néanmoins été largement anticipée. Parfait disent
les grandes entreprises exportatrices, cela dynamise notre compétitivité hors
de la zone euro, particulièrement les françaises car elles exportent
relativement plus que les autres hors de cette zone. Néanmoins les matières
premières deviennent plus chères pour les entreprises qui ne peuvent compenser cette
perte de compétitivité par le gain sur le change dans l’exportation. Par ailleurs
les produits importés seront plus chers pour le consommateur et cela agira sur
le pouvoir d’achat. Le tourisme français sera gagnant, les asiatiques et les
américains afflueront mais le touriste français ira moins dans des distances lointaines.
Les grands gagnants seront les marchés
qui ont pourtant anticipé la décision de la BCE depuis début décembre au moins.
En effet une grande partie de ces liquidités vont leur revenir, comme toujours.
D’abord parce qu’une partie du QE va transiter par les banques privées et que l’autre
servira à alimenter les banques à partir de la Banque de France. Les banques privées
vont avoir la possibilité d’augmenter leurs liquidités qui sont déjà
suffisantes. Dans l’atmosphère morose de la croissance européenne et le
ralentissement mondial, les entreprises françaises ne sont pas tentées d’investir
avant d’avoir rétabli leurs marges qui sont nettement en-dessous des allemandes
et d’avoir une visibilité sur la demande. On ne fait pas boire un âne qui n’a
pas soif. C’est donc dans la spéculation que va se retrouver la majeure partie
de l’argent papier, donc dans la Bourse.
Mais cette répartition 80-20 entre BCE et
Banques centrales nationales contient un signal. Les Banques nationales seront
responsables à 80% des rachats de dettes, c’est-à-dire nous, seuls 20% seront
émis sous forme d’ « eurobunds », lesquels sont une
mutualisation de la dette entre les pays membres. C’est donc un signal de
retour vers une maîtrise des Etats membres sur leur gestion souveraine et donc
un aveu de l’impuissance de la zone euro de créer seule, et d’une façon
indifférenciée par Etat, les conditions de la croissance. La plupart des dettes
souveraines ne seront donc pas mutualisées à l’échelle européenne comme les
dernières rumeurs pouvaient le laisser penser. Par contre on perçoit facilement
le risque de voir les Etats endettés desserrer leur politique d’austérité
devant cette manne ou remettre à plus tard les réformes structurelles et les
économies budgétaires. L’impact sur l’économie semble néanmoins limité
particulièrement en France où le moteur de l’entreprenariat est au stand-by et
le consommateur frileux est en passe de voir une ponction fiscale aggravée en
2015. Seules les grandes entreprises exportatrices, qui très souvent sont
celles qui ne rapportent pas ou peu aux finances publiques, en seront
bénéficiaires avec les banques et les spéculateurs institutionnels.
Mais l’euro est entré dans la zone de doute
pour sa survie et les évènements de dimanche en Grèce et ceux à venir en Grande-Bretagne,
avec le « to be or not to be »
dans l’UE, vont être des chocs dans la zone euro, voire dans l’UE, dont ces
dernières risquent de ne pas se remettre. Le QE, que devra néanmoins autoriser
la Cour Européenne de Justice avant mars, apparaît comme une dernière chance
avec un « reculoir » sur la fédéralisation de l’UE et ceci est néanmoins
une bonne nouvelle par une reconnaissance implicite de l’échec de l’euro.
Celui-ci n’est ni un moteur naturel de la croissance, ni un agent de
convergence des économies des différents pays… comme on nous l’a vendu en y
ajoutant le progrès social qui ne cesse de reculer dans tous les pays du sud
avec l’austérité ! L’euphorie du QE qui n’a donné que des résultats peu
convaincants aux Etats-Unis, où le gaz de schistes a fait beaucoup plus, décevants
au Japon, risque fort d’être de courte durée pour le consommateur français qui
a conscience que seuls le résultat sur le pouvoir d’achat et le chômage l’intéressent.
Sur ce point il a toutes les chances d’être déçu mais la Grèce, le Portugal,
même l’Espagne sont au bord d’une crise sociale et les peuples risquent de
demander bientôt de revenir à des politiques souveraines.
L’euro est dans le viseur mais un autre bouleversement monétaire peut
changer le monde de la monnaie. Le dollar doit désormais être soutenu par les
Etats-Unis car il perd du terrain dans les échanges mondiaux. Le rouble et le
Yen sont interchangeables dans certains échanges commerciaux. La Chine, la Russie
et même l’Allemagne accumulent de l’or. C’est le signe avant-coureur que tout
le système monétaire mondial est au bord de l’explosion mais la dévaluation
trop rapide de l’euro, suite à ce remède de cheval du QE pourrait précipiter sa
chute en écho au vote grec et au référendum anglais.
Rien ne peut permettre de corriger l’assise d’une maison si les
fondations sont mal faites,
Rien ne peut permettre à l’euro de remplir son rôle de dynamisme et de convergence
Lorsque qu’il s’appuie sur des fondations bancales d’économies
disparates.
Cette monnaie est condamnée… seule la date de sa mort est inconnue !
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