Syriza
met l’Allemagne au pied du mur, inversant une situation qui dure depuis l’entrée
dans l’euro. C’est la politique européenne allemande qui est mise en cause. Syriza,
ce conglomérat de 19 partis divers (communistes, socialistes, écologistes, etc.),
a surfé sur le désespoir d’un peuple qui sent se serrer chaque jour le licou de
l’austérité. Ces grecs ont compris que leurs gouvernements ne pouvaient que
suivre la mise sous tutelle de la troïka (UE, BCE, FMI), laquelle applique les
recettes de l’austérité allemande à un niveau devenu insupportable. Ils ont
bien compris que cela leur était imposé pour permettre de rembourser le prêt de
240 milliards qui a été fait à leur pays. Mais ils ont aussi réalisé que tout
ceci s’est passé en dehors d’eux, vers les banquiers grecs pour se renflouer et
vers les autres qui engrangeaient les intérêts des taux usuraires.
Ces grecs ont compris que c’était l’Allemagne
qui était à la manœuvre et que la solidarité allemande s’arrêtait à l’endroit
où ses intérêts sont compromis, alors que les rapports entre ces deux pays ont été historiquement douloureux. Celle-ci se
trouve ainsi au pied du mur car, de toute évidence, la cure d’austérité s’est
avéré un remède de cheval qui était en train de tuer le malade. Une minorité de
grecs se sont engraissés, les autres ont payé et le système social s’est
effondré. La Grèce vend son patrimoine et c’est sans doute ce dernier signe qui
a créé ce sursaut d’unité nationale derrière un seul leader. Ce point a peu été
mis en avant dans les commentaires des médias français où pourtant notre peuple
a ressenti des frémissements d’unité nationale le 11 janvier dernier.
Les
premiers gestes de ce nouveau gouvernement grec sont pourtant révélateurs de sa
volonté de retrouver la maîtrise de la destinée de son pays. Il inclut un
représentant d’un parti souverainiste, l’AN.LE., dont le point de convergence
sur le sursaut national est plus important que les autres divergences,
considérées pour l’instant comme secondaires. Cette alliance n’est plus alors
contre nature. Mais il faut noter aussi le rejet de la position de l’UE sur l’Ukraine,
arguant du fait que ce sujet aurait dû être approuvé unanimement dans les
procédures européennes. Ceci est suivi d’un rapprochement immédiat avec la
Russie qui a proposé d’aider ce pays. La Russie envisage de relancer le passage
en Grèce du gazoduc South Stream lui permettant de mieux cibler ses livraisons sur les pays
européens et d’éviter le passage par la Turquie et l’Ukraine accusée de se servir au passage
sans respecter les contrats. Ces signaux sont forts. La Grèce ne veut plus
subir les dictats de l’UE en matière économique, et souvent ceux des Etats-Unis
en matière de politique étrangère.
Mais la Grèce adresse un signal fort à l’Allemagne
en rejetant la politique d’austérité et en élaborant un budget primaire
équilibré mais qui fait fi des remboursements de la dette. Elle présente une
demande claire de solidarité européenne, une véritable mutualisation de la
dette à une Allemagne qui reste alors la principale contributrice. Ce schéma ne
tient évidemment que dans le cas d’une mutualisation économique et budgétaire,
ce dont ne veut absolument pas l’Allemagne. Celle-ci est devant un choix
cornélien, ou bien participer en tête des autres pays à un grand plan de
sauvetage de la Grèce tout en acceptant un desserrement de l’austérité et une
levée de la mise sous tutelle, ou bien expulser la Grèce de la zone euro. Ceci
demande une modification des traités mais l’UE peut par exemple décider que les
euros grecs ne peuvent plus sortir du pays.
Cette
alternative d’expulsion de la zone euro est difficile à envisager pour l’Allemagne.
Elle lui ferait porter la responsabilité de la destruction de la zone euro, car
d’autres pays pourraient s’engouffrer dans la brèche. Il est donc probable que
l’on s’achemine vers une négociation dure avec la Grèce où les conditions mises
à une nouvelle aide plus substantielle s’accompagneraient de conditions durcissant
la main mise sur la souveraineté de ce pays. Ce point s’avèrerait inacceptable
pour la Grèce et c’est elle qui prendrait alors le risque de retrait de la zone
euro. La Grèce a alors besoin d’un partenaire solide et son pas vers la Russie
n’est pas anodin.
L’UE
n’a pas encore mesuré l’impact que ce petit pays peut avoir et qui va jusqu’à
la remise en cause des fondements de l’UE, de la politique hégémonique de l’Allemagne,
et même de la politique euro-atlantique qui lie l’UE et les Etats-Unis dans la
puissance militaire de l’OTAN. L’arrivée de la Russie dans le jeu européen
serait un évènement de première importance et pourrait entraîner un revirement
spectaculaire de certains pays. La refondation de l’Europe est désormais un
processus qui vient de trouver son détonateur dont il serait bon que les
politiques arrêtent la mise à feu avant que cela nous explose à la figure. Un
tel bouleversement peut amener à des situations dramatiques s’il n’est pas
anticipé.
Il
faut noter au passage que la BCE, qui met à disposition 1.000 milliards déposés
sous formes d’obligations pourries par les banques, a pour la première fois mis
en cause la responsabilité des Banques centrales des différents pays à hauteur
de 80%, 20% restant à la BCE. C’est politiquement un pas vers la
désolidarisation européenne qui est franchi et tout ceci n’est sans doute pas
fait au hasard. C’est aussi l’aveu que la zone euro montre de graves signes de
faiblesse et que son avenir va être obligatoirement remis sur la table des
négociations dans un proche avenir. Plus tôt cela sera, mieux ce sera. Il ne
faut pas oublier non plus que l’euro étant une monnaie utilisée dans environ ¼ des
transactions internationales, sa remise en cause vient apporter du moulin à
ceux qui veulent changer le système monétaire et enlever au dollar ses prérogatives
de monnaie de référence. Sur ce point la Chine avec le yuan est en première
ligne… et accumule de l’or.
La Grèce a compris qu’un édifice fragile
ne tient qu’à un fil.
Elle tire sur le fil qui ébranle la zone
euro, l’UE, l’OTAN.
Le drame n’est pas la menace du drachme
Mais notre incapacité à nous projeter
Plus loin que le bout de notre nez !
Claude
Trouvé
Coordonnateur
MPF du Languedoc-Roussillon
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire