La victoire de Syriza est le premier
signe populaire d’effritement de la zone euro et par extension de l’Union
Européenne. Ceux qui suivent les différent spasmes économiques que subit la
zone euro depuis la crise des « subprime » de 2008-2009 suivie d’une
série de mesures de sauvetage ne sont pas surpris. Le clivage entre pays du sud,
plus l’Irlande, et les pays du nord ne cesse de s’accentuer. La Grèce est le
pays le plus touché mais le Portugal et l’Espagne sont en proie aussi à de
graves problèmes économiques et sociaux. Par ailleurs l’année 2015 est parsemée
d’évènements majeurs mettant en cause le mode de participation de quatre pays à
la zone euro ou à l’UE.
Janvier : la Grèce provoque des
élections anticipées et pourrait sortir de la Zone euro dans les mois à
venir.
Mai : le Royaume-Uni risque de voir
arriver au pouvoir un parti eurosceptique.
Septembre : le Portugal, toujours aussi
fragile, organise ses élections législatives.
Novembre :
l'Espagne sinistrée vote lors d'élections législatives -- alors que le
pays est toujours enlisé dans la crise.
Après avoir frôlé la faillite en 2010, la Grèce s’est vue
créditée d’un prêt de 240 milliards. Le PIB de la Grèce est passé de 287
milliards d'euros en 2009 à 220 milliards d'euros en 2014. C'est une chute
de 25% depuis le début de la crise. Le Comité central de Syriza dit : "Notre
production industrielle a chuté de plus de 30% et nos exportations ont reculé.
La recette européenne pour redresser notre économie a été un
désastre". La timide croissance de 0,4% annoncée pour 2014, ne
suffira pas à arrêter la croissance du chômage. Mais l’Europe a alourdi la
dette grecque à 177,2% du PIB, alors que l’on dit qu’une dette de plus de 120%
est insoutenable. La croissance grecque permet tout juste de payer les intérêts
de la dette, pas ses échéances.
Les dégâts sociaux sont immenses. En juillet 2014, 50,6% des jeunes de moins de 25 ans étaient au
chômage. La légère diminution ne tient qu’à l’expatriation de ceux-ci (200.000
depuis 2010) souvent les plus diplômés. Le taux de chômage de l’ensemble de la
population est de 25%. 40% des enfants grecs sont en situation de pauvreté,
selon l'Unicef. La croissance a été obtenue au forceps par ponction sur les
classes moyennes et pauvres pour payer les intérêts de la dette. Les inégalités
ont pourtant prospéré. L’addition de l’austérité est devenue trop lourde à
porter. La défaite de Samaras et la victoire d’Alexis Tsipras est celle du
refus de la politique européenne sous l’hégémonie allemande par un peuple
épuisé et incapable de continuer à payer par l’austérité.
Rien ne sera plus comme avant après cette victoire du peuple
grec, la victoire d’un peuple qui fait entendre son « ras-le-bol »
face à une oligarchie bureaucratique, plus prompte à sauver, voire à
engraisser, les banques qu’à sauver les peuples de la misère. Nous n’aurions
pas dû accepter les grecs dans l’UE. Ils ont falsifié leurs comptes, ils n’ont
pas fait les efforts nécessaires, certes. Mais c’était à l’Europe de prendre
les précautions avant l’adhésion, et on leur a offert tout-à-coup la
possibilité de s’endetter à bon compte avec un euro à taux d’emprunt faible les
entraînant à négliger les réformes structurelles indispensables. Ce fut un bien
mauvais service à leur rendre.
Cette fois l’Europe n’échappera pas à ses responsabilités. Il
va falloir de nouveau payer soit par un allègement de la dette, soit une baisse
des taux d’emprunt, soit un rééchelonnement de la dette. C’est déjà 3 milliards
qu’il faut trouver de suite pour tenir 3 mois, 7 milliards pour 6 mois et après ?
La mise sous tutelle a échoué. Les peuples portugais, irlandais, espagnols
souffrent de l’austérité et leurs gouvernements n’arrivent néanmoins pas à
réaliser l’équilibre budgétaire. Les vraies questions sur le devenir de la zone
euro et même de l’UE vont devoir être posées et les faux-fuyants, les
sauvetages avec des bouées crevées auront vécu.
Les peuples des pays en difficulté n’accepteront plus l’austérité
sans espoir rapide de jours meilleurs. L’impossibilité de réunir des peuples de
niveaux socio-économiques très différents sous une même monnaie va être prouvée
en dehors d’une zone politiquement unifiée dans le fédéralisme. La triste
expérience vécue par tous ces peuples rend cette éventualité quasiment
improbable, la déception de l’Europe renforce l’esprit national. Les grecs
veulent rester dans l’euro car ils espèrent encore qu’une solution va être
trouvée pour que l’austérité cesse et que le pays soit alimenté par la BCE, l’UE
et le FMI. L’Allemagne, principal contributeur des prêts, principal
bénéficiaire de l’euro, ne peut plus aller très loin dans cette voie. Un mouvement
anti-euro progresse rapidement et Angela Merkel sait que si elle cède, de
nombreux pays vont demander les mêmes facilités. Alors elle ne pourra plus
économiquement suivre.
L’UE va désormais vers une pression des peuples qui vont agir sur leurs
gouvernements. Elle ne pourra plus régler ses problèmes entre chefs de gouvernement,
BCE et FMI. La Commission européenne, organisme bureaucratique non élu, va
devoir se soumettre au politique et entendre la voix des peuples. L’UE n’est
pas bâtie pour se soumettre à la démocratie mais pour des raisons économiques
dont le but est d’abord l’enrichissement des grands pôles économiques et
bancaires. Le peuple grec lui dit que les peuples ne sont pas des esclaves. C’est
un changement politique majeur qui s’opère. Son émergence lente, s’accélère
rapidement. En Grèce on n’est plus de droite et de gauche, mais pour ou contre
l’austérité. Mais comme celle-ci est liée à l’euro, donc à l’UE, ce peuple va voir
jusqu’où l’euro est là pour les empêcher de sombrer par une autre politique que
l’austérité. La déception les dressera alors contre l’euro.
En France, le clivage qui se dessine plus nettement n’est
donc plus celui de gauche ou droite mais pour ou contre la politique
européenne, ce qui revient à remettre en cause l’hégémonie allemande, d’où l’euro
et sans doute l’UE. Nous sommes à un tournant et la prise de conscience que l’Europe
est à rebâtir est en marche. Les européistes crient au loup, associant la
sortie de l’euro à une montée des nationalismes. Ils ressortent la vieille
recette de l’Europe qui a évité la guerre des nations, oubliant les guerres et
les charniers des Balkans. Malheureusement la guerre est en Europe, aux portes
de l’UE, en Ukraine. Malheureusement l’UE n’a pas de défense militaire crédible
en dehors de l’OTAN qui nous entraîne justement dans la guerre. Cet argument va
bientôt faire… long feu !
L’année que nous allons
vivre est probablement historique,
Les peuples commencent
à ouvrir les yeux.
L’austérité ne peut
plus se résumer
A un dépouillement du
peuple !
Claude Trouvé
Coordonnateur MPF du
Languedoc-Roussillon
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