La réforme du système scolaire est à l’ordre du jour comme depuis trente ans. Depuis cette période il n’est point de ministre qui n’ait mis en place une réforme. Pourtant 15% au moins des élèves qui rentrent en sixième ne savent pas lire correctement, en particulier ne comprennent pas ce qu’ils lisent. Un enfant de 11 ans me disait avoir eu 17/20 pour une dictée avec 7 fautes. Dans l’enseignement supérieur un professeur de lettres en classe préparatoire avouait ne pas comprendre ce que l’élève voulait exprimer dans 15% des cas. Les exemples inquiétants ne manquent pas.
L’OCDE a publié en 2009 un classement mondial dit classement PISA («Programme for International Student Assessment» en anglais, et pour «Programme international pour le suivi des acquis des élèves» en français) à partir de tests sur des élèves de quinze ans et un échantillon de 1 million d’enfants. Des notes sont attribuées en mathématiques, sciences et lecture pour 65 nations. La France est 22ème en lecture et mathématiques, 27ème en sciences, soit seulement en tête du deuxième tiers ! Les pays asiatiques tiennent le haut du pavé, Chine, Singapour, Corée, Taiwan, Japon. Parmi les pays européens, on trouve la Finlande, La Suisse, les Pays-Bas dans les onze premières places. Les résultats de la France ne sont pas brillants mais surtout notre enseignement était mondialement prisé il y a un demi-siècle.
On a beau dire que l’enseignement des mathématiques en France n’est pas orienté, comme dans d’autres pays, vers son utilisation pratique mais comme une discipline préparant l’élève au raisonnement, à la déduction, à la logique pour former son esprit et le conduire vers des acquisitions futures, le classement mondial est révélateur. D’ailleurs il est très contrasté sur les mathématiques où la France brille par le niveau de ses cerveaux de recherche. En 2010 trois sur cinq des plus hautes distinctions mondiales (Fields et Gauss) ont été décernées à des chercheurs français. Alors pourquoi un bon élève de troisième jongle avec les expressions trigonométriques et bute sur un simple problème de règle de trois ?
On peut en déduire qu’effectivement l’enseignement des mathématiques est excellent pour une infime partie des élèves qui vont arriver au plus haut niveau de cette discipline mais peu rentable et efficace pour l’immense majorité des autres. L’orientation des élèves, selon leurs capacités, est pour le moins défaillante. Un élève doué pour les maths et un élève doué manuellement ne peuvent suivre longtemps un tronc commun !
Revenons une cinquantaine d’années en arrière pour faire la comparaison. Dans l’école primaire de village, où le couple d’instituteurs enseignait à une cinquantaine d’élèves du cours préparatoire au certificat d’études, tous les élèves du cours moyen 2ème année savaient non seulement lire, écrire et compter correctement mais seuls les meilleurs allaient présenter l’examen (concours pour les bourses) d’entrée en sixième. Les autres continuaient jusqu’au certificat d’études et après quatorze ans étaient mis en apprentissage d’un métier manuel ou de services. Ne parle-t-on pas de copier cette époque ?
Mais plusieurs choses fondamentales ont changé. L’enseignant était respecté par l’élève et ses parents. La prise en main des écoliers commençait dès l’attente d’entrée en classe en bon ordre et poliment. Les parents n’écrivaient pas à l’inspecteur d’académie pour se plaindre d’une mauvaise note donnée à leur enfant. La plupart des enfants du primaire avaient un tablier qui gommait les différences d’habillement des enfants de riches et de pauvres. L’instituteur enseignait l’instruction civique comme un complément à l’éducation de la famille et non comme un substitut à l’éducation parentale.
Dans le primaire et le secondaire le contenu et la nature des enseignements n’étaient pas en perpétuelle évolution. Les efforts étaient concentrés sur les enseignements de base incontournables. Le primaire était le seul tronc commun et la base fondamentale de tout l’enseignement. L’objectif n’était pas de faire 80% de bacheliers mais que 95% des enfants trouvent un métier qui les nourrisse, en entrant dans la vie active.
L’étude PISA de l’OCDE nous apprend également que les pays européens ayant les meilleurs résultats ne sont pas ceux qui dépensent le plus pour l’éducation. C’est donc le bon emploi des ressources qui est le principal objectif. On peut définir un certain nombre de lignes directrices et d’actions ponctuelles pour remettre l’enseignement sur la voie de la réussite :
- La discipline qui va de pair avec l’autorité des enseignants remise à l’honneur.
- La non-intervention des parents d’élèves sur la notation de leurs enfants.
- La concertation avec les parents avant la décision du redoublement suivie d’une décision de l’école sans appel.
- Les disciplines fondamentales, y compris l’instruction civique, remises dans une place très prépondérante.
- La notation des examens non pas faite en fonction des quotas à atteindre mais en fonction de la qualité du travail écrit ou oral. Le laxisme actuel sur les notes est déplorable.
- Le non-maintien d’un enseignement d’un tronc commun essentiellement livresque jusqu’à seize ans.
- Des voies d’orientation différentes des élèves dès la fin du primaire.
- L’assistance aux élèves du secondaire par des étudiants se destinant à l’enseignement principalement
- La revalorisation des traitements des enseignants avec une grille d’avancement valorisant mieux les qualités pédagogiques jugées par l’inspecteur
- L’obligation d’une rencontre trimestrielle des enseignants avec tous les parents des élèves du secondaire.
- La nécessité d’une année préalable de pratique en double et en situation réelle pour le futur enseignant.
- Au bout de dix ans d’enseignement, obligation d’enseigner dans un établissement difficile pour obtenir un avancement.
- Ne laisser que trois baccalauréats possibles mais orienter certains élèves vers l’apprentissage et des enseignements manuels, de services, économiques ou artistiques en troisième.
- Ne pas surcharger l’enseignant en heures de cours par semaine mais augmenter le temps de l’année scolaire pour justifier une revalorisation du traitement.
- Développer le lien de l’université avec les représentants des métiers concernés.
- Augmenter les moyens de recherche dans les instituts, les universités et les grandes écoles.
- Ne pas engager des dépenses de l’Etat ou des collectivités territoriales pour les enfants de moins de quatre ans. L’école maternelle n’est pas obligatoire.
- Etc. Etc.
Revaloriser le statut de l’enseignant
Revaloriser la discipline à l’école
Faire l’école de la qualité avant celle de la quantité
Avant tout mettre l’élève en situation d’exercer un métier !
Claude Trouvé