Dans ces dernières semaines avant l’élection présidentielle, nous devrions nous réjouir de pouvoir exprimer notre choix du guide de notre pays pour les cinq ans à venir. Cet acte devrait nous remplir d’espérance d’un monde meilleur. L’ambiance générale n’est pourtant pas à l’euphorie et nombreux sont ceux qui pensent que leur vote ne changera rien à une situation qu’il déplore. Que se passe-t-il ?
Quand un peuple ressent l’inutilité de son vote, est-il toujours dans un Etat démocratique ? La démocratie c’est le gouvernement du peuple pour le peuple. La Vème république a donné un vent de démocratie avec l’élection du président de la république au suffrage universel et l’institution du référendum. Ce dernier était la consultation ultime sur des sujets fondamentaux pour l’avenir du pays, son choix était irrévocable et le général De Gaulle s’y est soumis. Quand le peuple ne suit plus son chef, il est de son honneur de passer la main !
Cinq pouvoirs œuvrent dans une démocratie moderne, l’exécutif, le législatif, le judiciaire, le médiatique et le syndical. Ces cinq pouvoirs doivent œuvrer dans la moralité publique et exercer en toute honnêteté leur pouvoir de contrôle.
L’exécutif a joué son rôle, au-dessus de la mêlée sous De Gaulle et Pompidou, tous deux hommes de terrain, l’un dans la guerre et l’autre dans l’entreprise. Les « affaires » étaient des affaires d’Etat, comme l’affaire Ben Barka, et non celles d’affairistes mouillant les gouvernants. Le passage de Giscard d’Estaing, énarque et haut fonctionnaire de ministère, a vu la flambée du chômage, du déficit public et de l’immigration et les premières affaires mêlant l’Etat et les profits personnels comme l’affaire des diamants.
La présidence de Mitterrand, qui avait traversé les partis politiques de tous bords, a amplifié la dégradation de l’exécutif au-dessus de tout soupçon avec l’affaire Urba. Les suicides suspects de dirigeants proches du pouvoir se sont succédés dont un premier ministre et à l’Elysée même, le responsable des chasses du président. Ce dernier s’est fait verser dès son arrivée, depuis ses "fonds secrets", 1 million de francs par mois "en billets neufs de 500 F" en plus de son salaire de président (Marianne 2). Sous la présidence de Chirac, énarque et haut fonctionnaire qualifié de « super-menteur », le financement du parti n’a reculé devant aucun artifice. Son premier ministre et lui-même ont finalement été condamnés par la justice. Mais que doit-on penser d’une démocratie où un président de la république est élu avec 80% des voix… comme les républiques bananières.
Sous Sarkozy, seul non-fonctionnaire de la bande, le président qui a dépassé son prédécesseur sur les promesses non tenues, on voit œuvrer un ministre des affaires étrangères, condamné par la justice sur des affaires publiques, sans aucun scrupule. Ce dernier interprète à sa façon le mandat de l’ONU pour notre intervention en Libye et envoie nos services secrets et des armes en Syrie sans aucun mandat international ni consultation des représentants du peuple. Sarkozy nie la démocratie du référendum sur la Constitution européenne et impose sa copie dans le traité de Lisbonne. Par ailleurs les affaires de pots de vin, de marchés illicites se multiplient et certaines vont le rattraper très vite avec son mentor Balladur.
Les choses n’ont fait qu’empirer dans le fonctionnement normal de l’exécutif dans une véritable démocratie. Mais le législatif n’est pas en reste. Le sens de l’Etat et de la représentation du peuple s’est délité au profit de manœuvres axées sur la réélection, de marchés publics dévoyés à leur intérêt personnel. De plus le Parlement est en très grande majorité un parlement de fonctionnaires, peu préparés à diriger un état moderne. Les chefs d’entreprise sont quasiment absents ou les seuls présents sont fournisseurs de l’Etat. La représentation de l’ensemble des professions est loin de fournir l’équilibre nécessaire à la démocratie.
Le pouvoir judiciaire est lui-même infiltré par le pouvoir exécutif et le Parquet exerce une pression malsaine. Le pouvoir médiatique, de plus en plus puissant et envahissant, est aux mains de grands groupes, les Lagardère, Dassault, Vivendi et Bertelsmann, LVMH, Pinault-Printemps-Redoute, Wendel-Investissement (Baron Seillière). Une presse dont la survie est souvent assurée par l’Etat ne peut que suivre les dogmes politiques des grands partis. Enfin le pouvoir syndical, pouvoir d’opposition systématique, paralyse le pays sans état d’âme, empêche le travail par des piquets de grève sans, comme en Allemagne, discuter et respecter de vrais contrats avec le patronat. Le mécontentement du peuple, ainsi créé, est l’outil de pression syndicale au profit d’une corporation au détriment des autres.
Que dire enfin de cette mascarade des 500 signatures qui oblige le candidat sans parti important à courir la France dans 30 départements au moins, avec dans chacun 50 signatures au plus ? C’est un travail à plein temps sur au moins une année. Mais que penser des difficultés d’un parti important, boycotté par les partis dominants pour la recherche des signatures ? Où est le fonctionnement de la démocratie où tout est fait pour que les partis dominants se partagent le gâteau en éliminant toute concurrence et tout débat de fond. Où est le débat démocratique quand les partis dominants proposent la même politique européenne alors que l’Europe est en survie à coups de centaines de milliards injectés par la BCE ? Où est la démocratie quand les dogmes de l’euro et de la mondialisation sans contrainte ne peuvent être remis en cause par le peuple ?
La démocratie est-ce le « politiquement correct » ?
La démocratie est-ce la « pensée unique » ?
L’apparence de démocratie cache toujours une dictature !
Claude Trouvé