Après le dernier Conseil européen terminé dimanche 3 mars, où l’on a fait semblant de croire que le cas de la Grèce était réglé, il faut attendre jeudi pour savoir si les banques privées effaceront 70% de la dette grecque à leur égard. S’ils n’effacent pas au moins 80% de la somme prévue, la Grèce se trouvera en défaut de paiement. Le FMI doit aussi confirmer son engagement après avoir examiné le plan de rigueur proposé par les grecs. Autant dire que tout n‘est pas réglé d’autant plus que la Grèce pourrait avoir besoin d'une aide supplémentaire et qu’on ne peut exclure un renforcement de la puissance de feu du Mécanisme européen de stabilité (MES), le futur fonds de secours permanent de la zone euro, estime le chancelier autrichien Werner Faymann !
Pendant ce temps la BCE fait marcher la planche à billets avec des centaines de milliards d’euros injectés vers les banques par le rachat d’obligations pourries. A ce rythme l’Allemagne commence à s’inquiéter de difficultés possibles de celle-ci, auquel cas il serait fait appel au financement des États. La Hongrie rue dans les brancards au sujet de la soumission de son budget au contrôle européen et s’expose à des mesures de rétorsion de Bruxelles. L’Espagne défie Bruxelles en n'obtempérant pas à l’injonction d’un plan de rigueur ramenant la dette annuelle à 4,4% du PIB. Elle ne s’engage que sur 5,8% ! L’Irlande va soumettre le pacte budgétaire à un référendum, mais la France au Parlement seulement. Le Royaume-Uni et la République Tchèque ne signeront pas ce nouveau pacte budgétaire, qui restera un accord intergouvernemental.
Sarkozy, dans sa dernière intervention au Conseil européen, a conclu que nous devons accepter une double Europe, l’UE et la zone euro. Mais les pays européens se dispersent encore sur l’accord de Schengen ou le lien éventuel de leur monnaie avec l’euro, comme la couronne danoise. On perçoit que l’unité est en fait de moins en moins effective et que chaque pays signe ou non, applique ou non. Chacun prend ce qui lui convient. Plus la pression est mise vers la réalisation d’une Europe fédérale, plus le danger de perte d’autonomie pousse les pays à discuter âprement les accords qui vont les lier.
On comprend la colère d’Angela Merkel devant l’intention de François Hollande de rediscuter un accord obtenu si difficilement et avec l’appui de la France. Mais le climat de discussions, où le nationalisme interfère avec la volonté de solidarité européenne pour rendre l’Europe plus crédible aux yeux des pays émergents et de leurs banquiers ainsi qu’à ceux des agences de notation, est une évolution salutaire. Le danger d’une hégémonie d’une Europe, au pouvoir supranational à la mode allemande, flotte sur les nations en difficulté.
L’Europe est globalement en état de faiblesse et attend le secours de la Chine. Celle-ci se réserve le droit de critiquer le laxisme de nos Etats-Providence avant de s’engager dans des investissements. Elle attend des réformes socio-économiques fortes. La France n’y échappera pas ou elle devra vendre son patrimoine immobilier et industriel comme elle a commencé à le faire avec le Qatar. Doucement nous nous approchons du cas de la Grèce que l’Agence de notation Moody’s vient de placer au plus bas de l’échelle.
Les mesures de rigueur préconisées par les socialistes, le centre et l’UMP ne sont pas au niveau de celles prises par le Royaume-Uni et l’Italie. Mise sous surveillance négative la France aura bien du mal dans ces conditions à conserver sa note actuelle, du triple AAA chez Moody’s et de AA+ chez S&P, avant les élections. Notre balance commerciale continue à alimenter l’Allemagne et le « made in France » n’est pas près de l’équilibrer. La population française n’a pas encore pris la mesure de la crise mais l’Etat-Providence va vers des mesures déchirantes. Le chômage va encore progresser et le pouvoir d’achat diminuer sensiblement. Les mouvements sociaux des « indignés » s’enclencheront dès les élections passées.
Mais la France ne sera pas seule à souffrir. La scission entre pays du nord et du sud ne peut que s’accentuer et couper l’Europe en deux. L’euro étouffe les pays du sud et la France, ce malade qui s’ignore, devra bientôt choisir son camp. La sortie probable de l’euro pour la Grèce sonnera l’heure des grandes remises en cause du fonctionnement de l’UE. La vraie croissance pour les pays du sud ne pourra pas s’installer dans la mondialisation et l’euro. En effet le recours à l’endettement pour la booster est sous la contrainte de la baisse de l’endettement annuel à 0,5% et de l’objectif de ramener la dette à 60% du PIB. Croissance et rigueur sont inconciliables aussi rapidement. L’augmentation des impôts et taxes est en cours mais la baisse du train de vie de l’Etat est à peine amorcée en France et de plus la récession arrive.
La place de la France se dessine plutôt comme le leadership des pays du sud pour sortir de l’euro vers une monnaie commune (et non unique) et constituer un bloc capable de discuter avec l’Allemagne du fonctionnement de l’UE. Son attelage avec l’Allemagne, dans les bottes d’une rigueur imposée par un pays fournisseur, ne peut permettre de retrouver dynamisme, compétitivité et croissance. L’UE, qui s’endette chaque jour un peu plus, va devoir se restructurer avant d’imploser. La France doit emprunter 200 milliards en 2012, l'Italie 450. Le Mécanisme Européen de Stabilité ne suffira pas à sauver l'UE. L’écart entre les pays forts et faibles continuera à s’agrandir. L’arrivée des pays des Balkans ne peut que creuser l’endettement de l’UE et l’écart entre les économies nationales.
La grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf
Cela ne vous fait penser à rien ?
Claude Trouvé