dimanche 3 juin 2018

Voiture électrique à hydrogène, une action gâchée


Avant de mettre son poste ministériel en balance, Nicolas Hulot vient de prendre sans doute la meilleure décision énergétique de son action écologique, après ses reculades successives sur de nombreux sujets touchant à l’environnement comme le glyphosate et son mutisme sur la possibilité de construire dans les dents creuses du littoral. Il vient de donner son aval au développement de la voiture électrique à hydrogène, autrement dit à pile de combustible, en débloquant une subvention de 100 millions. En dehors du fait des subventions données à la voiture électrique qui méritent une discussion en elles-mêmes, nous allons voir pourquoi cette décision est malheureusement gâchée par ailleurs.

Qu’est-ce que la voiture électrique dite à pile de combustible, pour la différencier de la voiture à hydrogène alimentant un moteur thermique ? Contrairement aux batteries des voitures électriques "classiques", la voiture à hydrogène produit sa propre électricité grâce à une pile en contact avec l'hydrogène. Ce gaz "miraculeux" a la propriété de procurer une densité énergétique incomparable par rapport aux atomes de lithium des batteries traditionnelles. C‘est le premier point essentiel, et dit autrement il est plus performant, plus efficace. Cela se traduit par une autonomie de 600 km (soit l'équivalent d'un véhicule diesel), pour un temps de rechargement record de 3 à 5 minutes dans le parc actuel ! C’est un avantage considérable sur la voiture électrique à batterie dont l’autonomie est limitée pour l’instant à 300 km. Cette autonomie est d’ailleurs réduite en hiver, le rendement des batteries étant plus faible, et réduite aussi par le fonctionnement de la climatisation. Ce dernier point reste évidemment vrai pour les voitures à pile de combustible. Mais la recharge des voitures à batterie aux bornes les plus performantes demande au mieux une demi-heure. Ceci rend leur vitesse moyenne sur autoroute considérablement réduite.

Alors pourquoi cette voiture n’est-elle pas produite par les constructeurs français ? Parce que l’État subventionnait seulement les voitures à batterie pour favoriser Renault. Cette raison est contestable puisque d’autres constructeurs étrangers sont en mesuree de vendre ces voitures en France. Une partie de notre argent passe donc à l’étranger. C’est le danger de la politique de subventions, quel que soit le choix technique de la voiture électrique. Elle fausse la concurrence entre les différents modes de propulsion des véhicules, base d’une économie saine. Mais on ne peut pas passer sous silence le coût énorme actuel des automobiles à pile de combustible, de l’ordre de 68.000 euros. La fabrication des piles à combustible utilise notamment du platine, un métal plus cher que l'or ! Mais la recherche d’un métal moins coûteux est en cours, par exemple du fer, 200 fois moins cher. Ce n’est sans doute pas le point le plus difficile à régler.

L’autre point actuel est le manque de stations à hydrogène en France, seulement deux à Paris et plus d’une dizaine ailleurs. Toutefois il a fallu que les pouvoirs publics maillent le territoire de bornes de recharge électrique pour les voitures à batterie. Or il faudra beaucoup moins de stations à hydrogène vu l’autonomie de ces voitures et les sociétés privées prendront vite le relais lorsque cette voiture sera vendue en nombre. Pour être exhaustif, il faut noter aussi la difficulté d’éviter les fuites du carburant hydrogène, le gaz le plus léger. Mais il n’y a aucune raison de croire que cette difficulté ne sera pas maîtrisée. Le Japon a une avance notable sur ces véhicules à pile de combustible, en particulier au niveau des bus. Les asiatiques ont nettement pris une longueur d’avance avec Toyota, Hyundai, et leurs modèles sont arrivés en Europe. Alors que Paris suit la politique gouvernementale axée sur les véhicules électriques à batterie, la police de Londres a choisi l’hydrogène. La Hyundai Nexo propose un véhicule à pile de combustible avec une autonomie de 750 km. Elle remplace l'iX35 Fuel Cell que les parisiens voient tous les jours, puisque plusieurs dizaines de taxis ont ce modèle dans la capitale. Au catalogue en Allemagne, elle devrait être en France dès le mois d’août… mais au prix encore dissuasif, pour la plupart d’entre nous, de 69.000. 

La Toyota Mirai, la première Toyota à hydrogène de série, est très visible à Paris. Fabriquée seulement à 3.000 exemplaires, Toyota prévoit de décupler sa production à 30.000 véhicules par an, ce qui est encore très peu par rapport à sa production totale. Nous n’en sommes donc qu’au début de cette aventure et les deux constructeurs produisent simultanément des véhicules électriques à batterie et à pile à combustible. Les voitures électriques à batterie ont une longueur d’avance grâce aux choix gouvernementaux dont celui des subventions françaises, mais tout laisse à penser que les arguments en faveur de la pile à combustible finiront par l’emporter. C’est là où les orientations politiques ont une influence et l’Etat français s’est beaucoup trop pressé pour choisir la voie du véhicule à batterie et de dépenser pour établir un réseau de bornes de recharge sur tout le territoire alors que l’autonomie des véhicules les condamnent pour l’instant à une vocation urbaine. A 40.000 euros par borne de recharge rapide sur 20 à 30 minutes, un maillage de 25.000 bornes représente tout-de-même 1 milliard d’euros. Il faut ajouter à cela les crédits d’impôt consentis aux particuliers pour l’installation d’une borne chez eux. C’est donc nous tous qui payons pour les heureux propriétaires aisés possesseurs de véhicules électriques à batterie.

On le fait déjà pour les panneaux solaires et les éoliennes, auquel on va rajouter les subventions aux voitures à pile de combustible, cela ne fait-il pas beaucoup dans un pays en faillite ? Au moins pour les voitures à hydrogène le maillage du réseau sera plus faible, les distributeurs privés seront vite intéressés, et aucune installation ne sera nécessaire chez les particuliers. Par ailleurs elles éviteront le délicat problème du recyclage des batteries. Si l’on voit les effets financiers sur la précipitation du choix politique français, comme pour le réchauffement climatique, l’annonce sur la subvention aux véhicules à pile de combustible, est définitivement gâchée par l’ajout des énergies renouvelables, EnRia, comme pourvoyeuse de l’Hydrogène nécessaire. Alors réfléchissons un peu. L’hydrogène serait produit par l’électrolyse, méthode connue depuis des lustres mais très coûteuse en énergie. Elle a l’avantage d’être directement moins polluante que les autres méthodes de production par craquage[JO1] . Jusqu’ici on a donc fait le choix d’un coût élevé de l’hydrogène pour éviter la production de CO2, il faut le savoir. 

S’il s’agit d’utiliser les productions excédentaires d’électricité au-dessus de la consommation, ce qui est le cas la majeure partie du temps, cela évite de vendre celle-ci à vil prix à l’étranger. C’est donc une façon de cacher l’inutilité actuelle des EnRia en l’absence de moyens peu coûteux de stockage de masse de l’électricité. La production d’hydrogène par électrolyse est bien un moyen de stockage d’énergie, mais un moyen coûteux en électricité. Car en fait le véritable coût de l’électricité n’est pas celui où on le vend mais son coût de production, beaucoup plus élevé que l’hydraulique et le nucléaire. Donc parler de la production d’électricité par les éoliennes reste un cautère sur une jambe de bois et on ne peut surtout pas nous faire passer une augmentation des EnRia sous le prétexte de leur utilité pour la production d’hydrogène. Celle-ci sera bien plus rentable avec de l’hydraulique et du nucléaire.


Cette vision erronée est d’ailleurs toute incluse dans le plan énergétique pour la production électrique en 2050, dit 100% autonome sur la figure ci-dessus, vision totalement irréaliste voilant les simples lois de la physique. Voilà comment on voit les incohérences et les hésitations de notre politique énergétique, l’argent jeté par les fenêtres, l’obstination à justifier l’orientation des EnRia inadaptée à la France, et le retard technologique pris sur le transport et le nucléaire.

 
Miser sur la voiture à hydrogène est une bonne chose 

Mais avoir une politique énergétique cohérente

Et avoir le sens de l’efficacité des dépenses 

Est hors de portée de ce gouvernement.

Ou alors qui gagne à ce jeu de dupes ?

Claude Trouvé 
03/06/18


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