Avant
de mettre son poste ministériel en balance, Nicolas Hulot vient de prendre sans
doute la meilleure décision énergétique de son action écologique, après ses
reculades successives sur de nombreux sujets touchant à l’environnement comme
le glyphosate et son mutisme sur la possibilité de construire dans les dents
creuses du littoral. Il vient de donner son aval au développement de la voiture
électrique à hydrogène, autrement dit à pile de combustible, en débloquant une
subvention de 100 millions. En dehors du fait des subventions données à la
voiture électrique qui méritent une discussion en elles-mêmes, nous allons voir
pourquoi cette décision est malheureusement gâchée par ailleurs.
Qu’est-ce que la voiture électrique dite
à pile de combustible, pour la différencier de la voiture à hydrogène
alimentant un moteur thermique ? Contrairement aux batteries des voitures
électriques "classiques", la voiture à hydrogène produit sa propre
électricité grâce à une pile en contact avec l'hydrogène. Ce gaz
"miraculeux" a la propriété de procurer une densité énergétique
incomparable par rapport aux atomes de lithium des batteries traditionnelles. C‘est
le premier point essentiel, et dit autrement il est plus performant, plus
efficace. Cela se traduit par une autonomie de 600 km (soit l'équivalent d'un
véhicule diesel), pour un temps de rechargement record de 3 à 5 minutes dans le parc actuel ! C’est
un avantage considérable sur la voiture électrique à batterie dont l’autonomie
est limitée pour l’instant à 300 km. Cette autonomie est d’ailleurs réduite en
hiver, le rendement des batteries étant plus faible, et réduite aussi par le
fonctionnement de la climatisation. Ce dernier point reste évidemment vrai pour
les voitures à pile de combustible. Mais la recharge des voitures à batterie
aux bornes les plus performantes demande au mieux une demi-heure. Ceci rend
leur vitesse moyenne sur autoroute considérablement réduite.
Alors pourquoi cette voiture n’est-elle
pas produite par les constructeurs français ? Parce que l’État
subventionnait seulement les voitures à batterie pour favoriser Renault. Cette
raison est contestable puisque d’autres constructeurs étrangers sont en mesuree
de vendre ces voitures en France. Une partie de notre argent passe donc à
l’étranger. C’est le danger de la politique de subventions, quel que soit le
choix technique de la voiture électrique. Elle fausse la concurrence entre les
différents modes de propulsion des véhicules, base d’une économie saine. Mais
on ne peut pas passer sous silence le coût énorme actuel des automobiles à pile
de combustible, de l’ordre de 68.000 euros. La fabrication des piles à
combustible utilise notamment du platine, un métal plus cher que l'or ! Mais la
recherche d’un métal moins coûteux est en cours, par exemple du fer, 200 fois
moins cher. Ce n’est sans doute pas le point le plus difficile à régler.
L’autre
point actuel est le manque de stations à hydrogène en France, seulement deux à
Paris et plus d’une dizaine ailleurs. Toutefois il a fallu que les pouvoirs
publics maillent le territoire de bornes de recharge électrique pour les
voitures à batterie. Or il faudra beaucoup moins de stations à hydrogène vu
l’autonomie de ces voitures et les sociétés privées prendront vite le relais
lorsque cette voiture sera vendue en nombre. Pour être exhaustif, il faut noter
aussi la difficulté d’éviter les fuites du carburant hydrogène, le gaz le plus
léger. Mais il n’y a aucune raison de croire que cette difficulté ne sera pas
maîtrisée. Le Japon a une avance notable sur ces véhicules à pile de
combustible, en particulier au niveau des bus. Les asiatiques ont nettement
pris une longueur d’avance avec Toyota, Hyundai, et leurs modèles sont arrivés
en Europe. Alors que Paris suit la politique gouvernementale
axée sur les véhicules électriques à batterie, la police de Londres a choisi l’hydrogène.
La Hyundai Nexo propose un véhicule à pile de combustible avec une autonomie de
750 km. Elle remplace l'iX35 Fuel Cell que les parisiens voient
tous les jours, puisque plusieurs dizaines de taxis ont ce modèle dans la
capitale. Au catalogue en Allemagne, elle devrait être en France dès le mois
d’août… mais au prix encore dissuasif, pour la plupart d’entre nous, de 69.000€.
La Toyota
Mirai, la première Toyota à hydrogène de série, est très visible à Paris.
Fabriquée seulement à 3.000 exemplaires, Toyota prévoit de décupler sa
production à 30.000 véhicules par an, ce qui est encore très peu par rapport à
sa production totale. Nous n’en sommes donc qu’au début de cette aventure et
les deux constructeurs produisent simultanément des véhicules électriques à batterie et à pile à combustible. Les voitures
électriques à batterie ont une longueur d’avance grâce aux choix
gouvernementaux dont celui des subventions françaises, mais tout laisse à
penser que les arguments en faveur de la pile à combustible finiront par
l’emporter. C’est là où les orientations politiques ont une influence et l’Etat
français s’est beaucoup trop pressé pour choisir la voie du véhicule à batterie
et de dépenser pour établir un réseau de bornes de recharge sur tout le
territoire alors que l’autonomie des véhicules les condamnent pour l’instant à
une vocation urbaine. A 40.000 euros par borne de recharge rapide sur 20 à 30
minutes, un maillage de 25.000 bornes représente tout-de-même 1 milliard
d’euros. Il faut ajouter à cela les crédits d’impôt consentis aux particuliers
pour l’installation d’une borne chez eux. C’est donc nous tous qui payons pour
les heureux propriétaires aisés possesseurs de véhicules électriques à
batterie.
On le fait
déjà pour les panneaux solaires et les éoliennes, auquel on va rajouter les
subventions aux voitures à pile de combustible, cela ne fait-il pas beaucoup
dans un pays en faillite ? Au moins pour les voitures à hydrogène le
maillage du réseau sera plus faible, les distributeurs privés seront vite
intéressés, et aucune installation ne sera nécessaire chez les particuliers. Par
ailleurs elles éviteront le délicat problème du recyclage des batteries. Si
l’on voit les effets financiers sur la précipitation du choix politique
français, comme pour le réchauffement climatique, l’annonce sur la subvention
aux véhicules à pile de combustible, est définitivement gâchée par l’ajout des
énergies renouvelables, EnRia, comme pourvoyeuse de l’Hydrogène nécessaire. Alors
réfléchissons un peu. L’hydrogène serait produit par l’électrolyse, méthode
connue depuis des lustres mais très coûteuse en énergie. Elle a l’avantage
d’être directement moins polluante que les autres méthodes de production par
craquage[JO1] . Jusqu’ici
on a donc fait le choix d’un coût élevé de l’hydrogène pour éviter la
production de CO2, il faut le savoir.
S’il s’agit
d’utiliser les productions excédentaires d’électricité au-dessus de la
consommation, ce qui est le cas la majeure partie du temps, cela évite de
vendre celle-ci à vil prix à l’étranger. C’est donc une façon de cacher
l’inutilité actuelle des EnRia en l’absence de moyens peu coûteux de stockage
de masse de l’électricité. La production d’hydrogène par électrolyse est bien
un moyen de stockage d’énergie, mais un moyen coûteux en électricité. Car en
fait le véritable coût de l’électricité n’est pas celui où on le vend mais son
coût de production, beaucoup plus élevé que l’hydraulique et le nucléaire. Donc
parler de la production d’électricité par les éoliennes reste un cautère sur
une jambe de bois et on ne peut surtout pas nous faire passer une augmentation
des EnRia sous le prétexte de leur utilité pour la production d’hydrogène.
Celle-ci sera bien plus rentable avec de l’hydraulique et du nucléaire.
Cette vision erronée est
d’ailleurs toute incluse dans le plan énergétique pour la production électrique
en 2050, dit 100% autonome sur la figure ci-dessus, vision totalement
irréaliste voilant les simples lois de la physique. Voilà
comment on voit les incohérences et les hésitations de notre politique
énergétique, l’argent jeté par les fenêtres, l’obstination à justifier
l’orientation des EnRia inadaptée à la France, et le retard technologique pris sur le transport et le nucléaire.
Miser sur la voiture à hydrogène est une bonne chose
Mais avoir une politique énergétique cohérente
Et avoir le sens de l’efficacité des dépenses
Est hors de portée de ce gouvernement.
Ou alors qui gagne à ce jeu de dupes ?
Claude Trouvé
03/06/18
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