Emmanuel
Macron a vanté une nouvelle coopération de la France avec l’Afrique, discours
habituel depuis 1990 et la soi-disant fin du néo-colonialisme. Rien n’est
véritablement changé, la France continue à défendre ses intérêts en Afrique et maintient
une présence militaire partout où ses intérêts sont menacés. Il n’y a toujours
pas de collaboration d’égal à égal. La façon dont Macron a traité verbalement le Président du Burkina-Faso est révélatrice de sa considération pour lui.
Il ne parlait pas à un égal mais à un homme inférieur tout juste bon pour les
travaux manuels. Son commentaire suivant arguant qu’il aurait fait de même avec
un dirigeant européen ne fait qu’aggraver son cas. En effet on nous somme, sous
menace de racisme, de ne plus parler d’un nègre, ni d’un noir, ni d’un homme de
couleur, mais d’un homme de la diversité. Le but est de gommer toute expression
de supériorité, or justement pour cette diversité les propos de Macron sont une
expression de celle-ci.
Mais
la France a pris plus d’un métro de retard sur ce continent. Pour n’avoir pas vraiment
tourné la page et envoyé ses troupes au Mali pour une offensive
éclair, mis un président aux ordres, la France se retrouve de nouveau
considérée comme un envahisseur. Le problème berbère du Mali, le conflit
nord-sud, n’est toujours pas réglé. La France veut simplement occuper le Sahel
pour protéger les intérêts de ses grandes compagnies, le problème malien n’est
pas le sien. Elle le règle en mettant ce pays sous sa tutelle. La France n’est
plus seule, elle coopère avec les États-Unis sur le territoire francophone
africain. La présence américaine au Niger se renforce de 800 hommes, arme ses
drones, et construit une nouvelle base. Ce pays héberge donc deux armées pendant
que l’ONU envisage le retrait d’Afrique des forces « de paix ». Les États-Unis s’implantent militairement selon la tactique habituelle soit de
lutte pour la démocratie menacée par les troubles qu’ils encouragent, et soit
de casse des régimes forts et rebelles, le but étant toujours le même, la
mainmise sur les ressources naturelles.
Ce qui appartient aux États-Unis ne pourra pas appartenir aux autres. Si ce constat prend d’autant plus de valeur,
si j’ose dire, c’est que, depuis le retrait des anciens pays coloniaux, les chinois
n’ont pas perdu leur temps. Tels des fourmis laborieuses, ils ont noué des
contacts avec l’ensemble des pays d’Afrique, non pas au départ pour une
présence militaire destinée au maintien de l’ordre, mais sur un échange donnant-donnant.
La Chine subventionne les infrastructures et demande des participations dans l’exploitation
des richesses naturelles. Cette tactique a été menée avec succès dans de
nombreux pays d’Afrique et désormais l’Afrique ne peut plus se passer de la
Chine. Ce continent devient donc un terrain d’affrontement entre deux superpuissances,
la Chine et les États-Unis. Ces derniers essaient de rattraper leur retard mais
la tâche est difficile et peut amener un affrontement militaire. En effet la
Chine est passée à la deuxième phase de sa stratégie, la phase militaire avec l’implantation
de bases militaires comme à Djibouti où les américains font de même.
Si l’Afrique
est au centre d’une nouvelle géopolitique, c’est qu’elle est située géographiquement
entre l’Asie et les Amériques. Comme l’Europe, entre Russie et États-Unis, l’Afrique
devient aussi un terrain de conflits possibles entre le bloc Chine-Russie, épine
dorsale des BRICS, et un bloc occidental où les Etats-Unis font la loi. Mais l’avenir
se construit en Asie avec l’énorme projet des routes de la soie, l’une terrestre
de l’Asie jusqu’à l’Europe, l’autre maritime de l’Asie à l’Afrique. Pour cette
dernière Djibouti et Nairobi sont les points d’entrée. La Chine a désormais les
moyens de bouleverser la géopolitique mondiale et d’étendre son influence sur
le supercontinent Europe-Afrique-Asie. C’est un vieux rêve qui engloutit déjà
des milliards et la Russie multiplie ses efforts pour exporter ses richesses
naturelles en s’associant à ce grand projet et en finançant les gazoducs vers l’Europe.
L’énergie
reste le moteur principal des affrontements et les Etats-Unis s’opposent à la
Russie en Europe pour la rendre dépendante de ses gaz de schiste alors que la
Russie cherche à augmenter ses livraisons. C’est la raison de la présence de
plus en plus importante des soldats US aux frontières Est de l’UE. Face au
combat économique, géostratégique, entre l’hégémonie américaine et le monde
multipolaire qui se construit en Asie, l’Europe et l’Afrique deviennent des
enjeux majeurs. L’Europe détient une richesse monétaire qui en fait une consommatrice
à exploiter et l’Afrique une détentrice de ressources naturelles indispensables
à l’expansion des entités en présence. La France a raté le coche et sa
politique actuelle est sous le joug de Bruxelles, de Berlin (Bonn) et de Washington. Elle
est mêlée de plus en plus à la politique américaine sur l’Afrique et dans un
affrontement brutal avec la Russie sur l’Europe, et va l’être avec la Chine sur
l’Afrique. L’Afrique n’attend plus grand-chose du coq déplumé français. Même le
Maroc se tourne vers la Chine après la visite de Mohammed VI à Pékin.
La
présence de nos armées sur les territoires où nos intérêts sont menacés n’est
qu’une politique de défensive qui n’apporte que peu d’aide aux pays occupés et
manipulés. Elle ne peut que déboucher sur plus d’engagements militaires et plus
de ressentiments des populations qui sont les victimes des conflits. Comme en
Libye et au Moyen-Orient, les Etats-Unis vont combattre et alimenter le terrorisme
pour justifier leur implantation, et comme en Libye et au Moyen-Orient nous
continuerons à les suivre dans cette voie. L’Algérie est dans le collimateur,
avec ses richesses pétrolières et sa tendance à écouter la Russie. Son régime
est en proie à des conflits internes et on peut s’attendre à des problèmes
migratoires avec le refoulement des migrants vers ce pays après la prise en
main de leur contrôle en Libye. Ne croyez pas à cette action humanitaire de
lutte contre l’esclavage, c’est encore la manipulation habituelle qui cache les
vrais buts des actions à venir.
Dès
qu’une nation se mêle des problèmes d’une autre, les résultats soit sont
tangibles rapidement et les conditions de retrait de la nation intervenante sont
actés, soit cela devient de l’occupation et la mainmise sur les richesses du
pays aidé. Dans l’UE la Grèce, en cours de dépeçage, est un bel exemple, mais
en Afrique la Libye en est un autre car les richesses du sous-sol sont à prendre.
En Europe l’oligarchie ploutocratique judéo-américaine fait son œuvre par le trio
UE-BCE-Berlin de captation de l’argent des classes moyennes des pays du Sud principalement
en l’inondant de produits à bas coût et en l’incitant à consommer. Les fortunes
chinoises, russes, américaines, qataris, saoudiennes, commencent à se partager
le patrimoine, les entreprises et les terres françaises.
La France est devenue
une proie dans une géopolitique mondiale où la libre circulation des capitaux
ne peut que profiter aux riches nations, particuliers, et lobbies. La
Chine est en train d’avoir du succès dans les Balkans occidentaux, en
particulier en Serbie, au Monténégro et en Bosnie-Herzégovine, où la
puissance financière de l’UE est absente. La Chine a investi dans de multiples
projets de connectivité et d’énergie en Serbie – parmi lesquels la liaison
ferroviaire à grande vitesse très controversée entre Belgrade et Budapest. La
construction du tronçon serbe a commencé cette semaine, avec 85% du coût total (environ
2,4 milliards d’euros) provenant de la Banque Export-Import de Chine.
L’aveuglement
de la politique française est sans aucun doute beaucoup plus grave encore que
tout le reste, politique énergétique comprise. Elle va peser de tout son poids
sur le recul de la France sur l’échiquier mondial. Dès que l’Allemagne va avoir
résolu ses problèmes internes, et cela pourrait évoluer rapidement, nous ne
ferons que suivre nos deux tuteurs, Berlin(Bonn) et Washington : le premier sur l’avenir
de l’UE, avenir remis largement en question, et le second pour l’Afrique, la
Syrie, l’Iran, la Russie et la Chine. La voix médiane de la France, déjà
assourdie, deviendra inaudible. En Afrique, le levier linguistique et
historique ne nous sera plus d’aucun secours et l’Afrique se tournera vers l’Est
et l’Ouest. La position historique et diplomatique de la France doit revenir à
une position médiane.
Dans l’UE la France est devenue petite,
Hors d’elle elle a encore une chance
De redevenir grande à condition
De ne pas choisir son camp
Et de lutter pour la paix !
Claude Trouvé
02/12/17
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