Avant de regarder les
dégâts que l’arrêt du nucléaire peut entraîner, je voudrais insister sur le leurre
d’information que représente une unité de radioactivité souvent utilisée. En
dehors du Sievert qui est utilisé pour quantifier les doses de radioactivité
reçue, donc l’ensemble du nombre de particules et de leur énergie, il est
courant de voir des articles ou des reportages qui parlent de Becquerels. Cette
unité correspond à une désintégration de noyau par seconde, elle est à l’échelle
de l’atome, donc très petite et a remplacé le Curie qui était une unité beaucoup
trop grande.
Mais on est tombé d’un extrême dans l’autre et les chiffres annoncés
par les mesures faites par un compteur Geiger, qui compte les désintégrations
qui le frappe, donnent des valeurs en centaines de milliers de Bq, voire en
millions ou plus. Ils impressionnent le lecteur qui ne dispose d’aucune échelle
relative de comparaison. C’est ainsi que j’ai pu voir un reportage à Fukushima
où les mesures faites en s’approchant du sol donnaient des chiffres « effrayants »
qui n’étaient pourtant même pas de l’ordre de ce que l’on mesure sur des
engrais phosphatés. Evidemment les anti-nucléaires s’en servent abondamment pour
cultiver la peur de cette énergie. Entrez un compteur Geiger dans une maison
bretonne en granit et il va se mettre à crépiter et saturer la première échelle
de mesure. C’est sans doute la raison qui fait dire à Macron que les bretons
sont des illettrés… rendus fous par la radioactivité.
Il n’est
pas de mon intention de dire que la radioactivité est sans danger. Marie Curie en
a subi l’effet la première en manipulant 8 tonnes de pechblende pour extraire 1g
de radium mais alors elle était bombardée non pas par des centaines de désintégrations
mais par des centaines de milliards. Tout est une question d’échelle. Contrairement
au danger chimique, la protection contre la radioactivité, dite la
radioprotection, ne réserve pas de surprises, le phénomène physique est parfaitement
connu. Les protections sont adaptées au niveau de radioactivité selon les utilisations
faites. Cette industrie est particulièrement surveillée et les rejets de
substances radioactives dans les rivières et dans la mer sont soumises à des
normes nationales de rejet et déclarées dans toutes les préfectures.
Bref
la France est exemplaire dans le domaine de l’énergie nucléaire et,
contrairement aux États-Unis, recycle au maximum, à la Hague, les combustibles
usés. C’est du presque totalement renouvelable avant l’heure. Elle minimise
ainsi les déchets ultimes et prend son temps pour les stocker définitivement
avec une installation à Bure en cours de construction et qui ne recevra une
validation que lorsque toutes les précautions seront prises. Par ailleurs elle
sera surveillée pendant un siècle avant d’être définitivement fermée. La France
est le pays qui maîtrise totalement le cycle du combustible à partir de l’extraction
de l’uranium de la mine en passant par les traitements chimiques du minerai, l’enrichissement,
la fabrication des combustibles, la production d’électricité dans les
réacteurs, la récupération de l’uranium et du plutonium des combustibles usés,
et leur réutilisation dans des combustibles mixtes MOX pour repartir dans les réacteurs.
Tout
ceci pour dire que cela ne s’est pas fait en un jour et a demandé que le
fleuron de la science et de l’ingénierie française puisse au bout d’un
demi-siècle parvenir à cette maîtrise et à cette excellence reconnue dans le monde
entier jusqu’à la fin du siècle dernier en tous cas. La France a été le pays phare
avec les Etats-Unis dans le monde de l’énergie nucléaire. Le premier coup lui a
été porté par l’arrêt de Superphénix, un réacteur de quatrième génération dit
surgénérateur. Ce prototype industriel faisait suite au réacteur expérimental
Phénix qui avait démontré la faisabilité et l’intérêt de ce nouveau type de
réacteur à neutrons rapides. Il permettait de multiplier par un facteur d’au
moins 60 les réserves d’uranium et donnait donc une indépendance plus grande à
la France. Pour des raisons politiques, sous la pression écologique, Jospin en
a signé l’arrêt. Comme pour tous les prototypes, des incidents, essentiellement
dans la partie non nucléaire, ont interrompu plusieurs fois la production. Cela
a suffi pour trouver des raisons à son arrêt au grand dam de notre Prix Nobel de
physique, Georges Charpak. Cette technologie était aussi expérimentée par les
russes, qui eux ont continué à travailler pour bientôt la vendre au monde
entier, plus de 25 ans après nous.
Ce
premier coup d’arrêt signait une première victoire du « Sortir du
nucléaire », mais les solutions alternatives n’intéressaient guère le
monde des grandes multinationales tournées vers le pétrole. C’est le réchauffement
climatique et la lutte contre le CO2 qui servent d’argument majeur
pour promouvoir les énergies renouvelables, les EnRia. L’argumentation est
alors bâtie d’une part sur la dangerosité du nucléaire, et d’autre part sur la
pollution des centrales thermiques, ce qui permet d’éliminer toutes les
énergies fossiles non renouvelables. Mais il reste un point noir, les EnRia ne
savent pas produire un kWh bon marché et demandent de lourds investissements. Par
le battage des COPx, la nécessité d’investir pour sauver la planète se répand
dans les gouvernements qui y voient un argument politique pour justifier leur
utilité dans des actions « vertueuses » et vertes. Il faut amorcer la
pompe pour que les grandes entreprises mondiales s’y intéressent et les
milliards commencent à valser jusqu’à la COP21 avec ces 100 milliards, dont on
dit désormais qu’ils sont notoirement insuffisants. Cette fois les grands
lobbies se pourlèchent les babines et font pression pour que l’argent arrive.
Il faut
donc que l’on augmente la pression sur les cerveaux des populations, dont la
nôtre en premier plan, pour que tout un chacun délie les cordons de sa bourse avec
toute la joie de participer à une action « vertueuse ». C’est un peu
avant que la France ait basculé dans une impasse technique et financière. La
force politique des écologistes allemands a lancé un plan d’arrêt du nucléaire
dans ce pays sans d’ailleurs vraiment s’engager sur l’arrêt des centrales thermiques.
Pourtant ce pays pollue beaucoup plus que la France. L’écologie idéologique
française a sauté sur l’occasion pour lancer la nécessité d’un plan vert sans
être poussée par une augmentation de la consommation électrique. Nous devons
avoir donc environ 7.000 éoliennes implantées et le plan en prévoit 20.000 dans
les cinq prochaines années.
D’abord
en Allemagne, comme en France, le triple objectif de réduction du CO2,
d’arrêt des centrales nucléaires et thermiques, va s’avérer impossible. La
reculade de Hulot, qui avoue que l’on ne peut pas arrêter les 17 centrales
nucléaires et toutes les centrales à charbon en même temps, n’est que la prise en
compte masquée d’une impossibilité physique. J’ai montré dans des articles
précédents, à partir de l’étude des évolutions de consommation électrique par
type d’énergie en Allemagne et en France, que les EnRia, énergies
intermittentes et aléatoires, donc non pilotables, ne peuvent être couplées au réseau
que si une production suffisante d’énergies pilotables leur est associée. En
gros sur un an, 1kWh d’EnRia a entraîné 1 kWh d’énergie pilotable. L’énergie
pilotable d’une façon quasi instantanée est l’énergie thermique qui permet de
faire face à la consommation à tout moment.
En
conséquence, plus on développe les EnRia, plus on doit produire d’électricité
thermique, donc de CO2 mais aussi tous les autres polluants émis par
ces centrales. De plus la surproduction par le couple EnRia et énergie thermique,
ne dégage qu’une faible part d’énergie pour arrêter le nucléaire qui représente
au départ 75% de la consommation. L’Allemagne et la France vont ainsi dans le
mur sur un simple plan technique. La diminution de la production d’électricité
thermique par les EnRia est impossible. Pour lutter contre l’émission de CO2,
la seule solution est l’arrêt des centrales au charbon pour des centrales au
gaz moins polluantes. La course en avant des EnRia pour arrêter le nucléaire ne
peut que se solder par une augmentation corrélative de la production thermique
et une augmentation du coût du kWh. Mais cette compétition programmée entre EnRia et énergie
nucléaire a de graves conséquences économiques et financières dont nous
parlerons dans un prochain et dernier article.
Le rêve idéologique français de l’énergie
gratuite
Signe en fait un pas vers l’augmentation
Du prix de l’électricité de 75%
Pour engraisser des lobbies
Qui chauffent le climat
De notre acceptation !
Claude Trouvé
16/12/17
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