Dans
le genre politique poker-menteur nos relations avec la Russie sont un modèle du
genre, comme celles de nos relations avec le Qatar et l’Arabie-Saoudite. Les
liens avec le Qatar sont ceux qui nous ont engagé dans une aventure en Libye,
et un double jeu en Syrie avec la complicité des frères musulmans. Le Qatar
s’est mis à se comporter comme une grande puissance régionale, collaborant avec
l’OTAN pour provoquer la chute du Colonel Mouammar Kadhafi, soutenant par tout
moyen les Frères Musulmans d’Égypte pour succéder à Hosni Moubarak, mettant à
la disposition du parti An Nahda, la branche tunisienne de la confrérie,
d’importants moyens financiers, et propulsant directement ses membres de la prison
au parlement. Il a contribué à dévier un mouvement animé par des revendications
populaires vers un conflit entre le régime syrien et des « djihadistes sans frontières », secondés par des « frérots », otages jusqu’à l’obsession
d’une stratégie de conquête de pouvoir. Le Qatar est impliqué dans le dossier
syrien « jusqu’à la moelle ».
C’est
dire combien les injonctions de Macron envers le Qatar pour une union contre le
terrorisme font rire ou se moquer dans les chancelleries. Personne n’est dupe.
Cette connivence de la France est exploitée pour vendre des armes en fermant
les yeux sur leur utilisation, et les largesses fiscales consenties pour l’implantation
du Qatar chez nous. Qui paie finalement les Rafale ?
Mais
notre attitude envers la Russie n’est pas plus claire et se nourrit de déclarations
belliqueuses et de tractations en sous-main, principalement dans le domaine de
l’énergie, avec l’Allemagne en première ligne pour l’approvisionnement en gaz
car celle-ci en est de plus en plus dépendante. En effet la pression mise par l’écologie
sur la suppression des centrales à charbon, dans un pays où la pollution
générée par la production électrique est très supérieure à la nôtre, une
politique de remplacement progressif des centrales à charbon, par des centrales
au gaz deux fois moins polluantes, permet de stabiliser la pollution. La France
dispose de 13 centrales au gaz de capacité installée de 5,75 GW et en prévoit une
nouvelle à Landivisiau dans le Finistère. Cette puissance est comparable à la
capacité solaire installée de 6,77 GW mais elle a produit 50% de TWh en plus pendant
l’année 2016. Toutefois nos besoins actuels en énergie thermique pour la
production électrique vont s’accroître inexorablement avec la progression des
énergies renouvelables intermittentes et aléatoires, les EnRia. Notre
dépendance au gaz ne peut qu’augmenter dans l’avenir.
Notre refus d’envisager
la production et même la prospection du gaz de schiste pourtant présent dans
notre sol nous fait choisir volontairement la dépendance au gaz et à son
importation. Or l’Europe ne dispose que des sites de production de la Norvège,
au maximum de sa production, du Royaume-Uni et des Pays-Bas dont l’ensemble des
deux productions est la moitié de celle de la Norvège. L’Union européenne
dépend à 48% des importations de gaz russe. Voilà de quoi faire réfléchir
sur notre suivisme des Etats-Unis dans la désignation de la Russie comme « ennemi
numéro un » ! La stratégie d’approvisionnement de l’Union Européenne doit
donc reposer sur une diversification de son portefeuille de fournisseurs afin
de réduire sa dépendance aux pays exportateurs. C’est là que Donald Trump joue
sa carte du gaz de schiste et essaie de séduire les pays de l’Est entre autres.
Mais le gaz russe est déjà 20% moins cher que celui de tous les autres pays et
le gaz de schiste est encore plus onéreux malgré les progrès techniques.
Il
appartient donc aux États-Unis d’accentuer la méfiance sur notre voisin russe,
non seulement pour des raisons militaires d’encadrement de ce pays par l’OTAN
mais pour diminuer la dépendance de l’UE à l’importation du gaz russe. « L’indépendance n’a pas de prix »
peut faire valoir Trump pour justifier la récupération d’un pourcentage de
fourniture de gaz au détriment de la Russie. Il faut bien comprendre que la
stratégie étasunienne est essentiellement basée sur la création de conditions
empêchant tout rapprochement de l’Europe, et à fortiori de l’UE, vers la
Russie. En effet ces deux entités sont géographiquement et économiquement faites
pour s’entendre.
C’est la grande peur des États-Unis de voir se créer un bloc
eurasiatique qui échapperait à leur contrôle et qui pourrait être indépendant
sur le plan militaire et économique. La Russie dispose de richesses naturelles considérables.
Elle prend la première place dans le monde par ses stocks du gaz (32 % des
stocks mondiaux, 30 % de la production mondiale), la deuxième place par son
niveau de la production de pétrole (10 % de la production mondiale), la
troisième place par ses stocks de charbon (22 bassins houillers, 115 gisements,
y compris en Russie européenne avec près de 15,6 %, en Sibérie - 66,8 %, sur
l'Extrême-Orient - 12,9 %, sur l'Oural - 4,3 %). Par ses stocks de minerais de
fer la Russie prend aussi la première place, de l'étain - deuxième, du plomb -
troisième. Aussi la Russie prend la position dominante mondiale de
l’approvisionnement en bois.
Les
sanctions contre la Russie ont forcé celle-ci à augmenter son indépendance
vis-à-vis des produits importés de l’UE, et elles ne produisent plus guère d’effet
grave sur l’économie russe, alors que l’impact sur les exportations
européennes, en particulier agricoles, est toujours aussi handicapant. En accord
avec la Chine, la Russie prend des dispositions pour s’isoler de la Banque
mondiale d’investissement, du FMI, et de tout ce qui pourrait la rendre dépendante
du monde occidental. Les sanctions ne sont plus qu’une posture de l’UE et de la
France justifiant notre appartenance au monde occidental régenté par les États-Unis. Si leur efficacité tend vers zéro, notre dépendance à la Russie, en
particulier pour le gaz, n’a pas faibli. Malgré les tensions politiques avec la
Russie, l’Europe ne peut échapper au gaz russe, car la Norvège et l’Algérie,
les autres gros fournisseurs, ne peuvent produire plus, sauf à se tourner vers
le gaz de schiste américain.
La Russie s’affirme
de plus en plus comme le premier fournisseur de gaz de l’Eurasie. Elle vient d’ailleurs
d’inaugurer, hier 7 décembre, le site gazier arctique de Yamal en Sibérie. La
première cargaison de gaz naturel liquéfié (GNL) quitte ce vendredi 8 décembre
la péninsule de Yamal en Sibérie à bord du méthanier brise-glace « Christophe-de-Margerie », du nom de
l'ancien patron de Total. L’usine de liquéfaction associée va produire à terme 16
millions et demi de tonnes de GNL par an. Mais le plus cocasse est le montage
financier. L’investissement est de 27 milliards de dollars porté par le groupe
privé russe Novatek à 50%, le français Total, 20%, et le groupe pétrolier
chinois CNPC, 20%. La cohabitation des sanctions votées et aggravées récemment
contre la Russie avec un montage économique mêlant la France aux deux ennemis
des États-Unis a de quoi laisser rêveur ! Christophe-de-Margerie a payé le
prix de la guerre économique. N’oublions pas que par le gazoduc Turkstream,
dont le premier tronçon turc a été inauguré en juin dernier, la Russie s’apprête
à proposer l’alimentation de l’Europe aussi par le sud.
Les
réticences actuelles de l’UE empêchent la Grèce de disposer de ressources au
passage prévu de ce gazoduc. C’est une façon de plus de la maintenir sous
dépendance. Les ressources énergétiques et minières sont à la base de la
plupart des grands conflits où viennent se mêler des luttes religieuses qui
servent de prétexte ou d’allumette. Ceci montre combien la politique française va
à l’encontre du simple bon sens en se calfeutrant dans une UE aux ordres d’une
oligarchie qui a impulsé la politique américaine jusqu’à Obama et le fait
encore avec un énorme carcan sur Trump. La
Russie avec ses richesses naturelles et la Chine avec celles du charbon, mais
surtout des Terres rares et du Lithium, tiennent une place incontournable dans
la géopolitique mondiale. Ce sont ces pays qui sont complémentaires du continent
européen. Que faisons-nous dans cette dépendance mortifère aux États-Unis, qui
amorcent leur déclin, et n’en ont pas fini avec les guerres depuis deux siècles ?
Non seulement l’UE se prépare au
dépeçage
Par son refus originel de puissance
Mais la France y perd tout
Pour ne plus pouvoir
Choisir son camp
Celui de la paix !
Claude Trouvé
08/12/17
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