L’image
est belle et tragique d’un feu, qui illumine le ciel et pétarade de vie joyeuse,
et de ces objets qui se tordent dans la flamme, se rabougrissent dans un dernier
soupir et disparaissent à nos yeux dans une lente agonie. C’est l’image de la France
dans ce qu’elle a de plus pathétique, de plus grandiose aussi, et de plus
déconcertant, la France qui se meurt et doit constamment renaître de ses
cendres, la France qui stupéfie le monde par la brillance de sa culture et son
incarnation des valeurs humaines les plus fondamentales mais oscille entre la
conquête du monde et le repli sur soi. L’actualité de ces derniers jours nous
la révèle telle qu’elle est aujourd’hui, héritière d’un passé qu’elle a du mal
à assumer, en plein doute sur son avenir mais prête à s’enflammer pour
continuer à rêver.
Johnny Hallyday meurt au lendemain de la
mort de Jean D’ormesson et génère une collision, un embouteillage d’hommages
pour les chaines d’info en continu. Deux messes françaises ont totalement
occulté le reste de l’information, la vie du monde s’est arrêtée sur ces
commémorations pour un grand nombre de français de milieux souvent très
différents mais complémentaires. La France s’enflamme pour un esthète de la
langue française, un merveilleux écrivain cabot, un pur joyau de la galanterie
et de l’humour français. Jean D’Ormesson ne laissera sans doute pas une trace
immortelle dans la littérature française, son humour parfois caustique n’égalera
pas Voltaire. D’ailleurs lui-même en était parfaitement conscient. Mais sa vie
d’aristocrate, à l’abri du besoin toute sa vie, nous a enchanté par la légèreté
de son esprit brillant aux réparties affûtées. Pour ceux qui aiment la langue
française et la danse des mots, Jean D’ormesson laisse un vide que pour l’instant
personne ne peut combler. Cet Immortel a eu droit à un hommage national, c’est
bien payé parce qu’il a peu fait rayonner la France au-delà de ses frontières
et nous lui avons manifesté notre sympathie tout au long de sa carrière, ce qui
n’est souvent pas le cas des autres Immortels. Jean d’Ormesson a été comblé par
la vie et nous a comblés par son art de nous faire goûter la beauté de la langue
française. Sa plume légère a donné de la joie de vivre aux amateurs de belles
lettres.
Je viens d’écouter les discours
enflammés autour du cercueil de Johnny Hallyday après son parcours escorté dans
les rues de Paris. Tout le gouvernement était là et à part la Cour des Invalides
l’hommage était même finalement plus important que celui de l’Académicien. Le
terme de héros, de gloire nationale convient à tous ceux qui ont aimé ses
chansons mais cela mérite-t-il vraiment un tel hommage ? Il n’a fait carrière
qu’en France et, contrairement au jazz de la Louisiane francophone qui a transformé
en profondeur le monde de la musique, ses chansons et son apport musical ne sont
pas français. Le rock’n roll, mélange de jazz, de blues et de country, est de
création purement américaine. Ce sont les Beatles qui l’ont importé dans toute
l’Europe. L’apport de Johnny est la traduction de chansons américaines, et sa
manière de jouer avec un investissement personnel qui a envoûté le public
français, avide peut-être de s’approprier le rock que les Beatles avaient porté
au sommet de la popularité. J’ai eu l’occasion de l’approcher au plus près au
moment où il touchait le fond de l’utilisation de l’alcool et de la drogue, il
n’était pas beau à voir. Je garderai de lui sa proximité avec le public, une
certaine humilité et de nous avoir laissé de très belles interprétations qui
lui survivront longtemps. J’oublierai qu’il a oublié de payer ses impôts en
France et mis sa tombe à Saint-Barthélemy, une niche fiscale bien connue. Mais que
fera-t-on pour Aznavour qui écrit ses chansons et a fait rayonner la culture
française dans le monde entier ? Qu’a-t-on fait pour Piaf, chantée encore dans le monde entier ?
Cette
double mort montre combien la France s’enflamme pour le plus futile, comme si
la réalité ne pouvait que détruire son âme profonde, et est capable de rejeter dans
une immense colère ce qui ne la fait plus rêver. Louis XVI est mort dans l’enthousiasme
de la révolution et la France a tourné une page de son histoire dans des
souffrances qui ont duré une génération. Elle en tire une grande gloire alors
que nous nous retrouvons dans l’UE de 28 pays européens qui ont pour la plupart
suivi une autre route plus pacifique. Cela explique l’étonnement de la presse
étrangère devant nos enthousiasmes soudains et nos jugements à l’emporte-pièce,
notre préférence pour le rêve à la réalité, notre amour de la parole plus que
des actes, de l’idéologie plutôt que du pragmatisme. La France a besoin de rayonner,
de faire parler le monde entier, de s’y montrer même si son coq se déplume de
jour en jour. La France a une chance inouïe dans le monde, elle est à l’abri de
la plupart des grands catastrophes naturelles, bordée d’eaux qui lui ouvrent
les portes du Nord, de l’Atlantique, de la Méditerranée et du monde entier.
Dotée de frontières naturelles, d’un climat tempéré et d’un château d’eau
central, elle a pu créer dans le sang le pays de la « douce France »,
que le monde entier a envie de connaître.
La France est belle
quand elle rayonne, mais désormais la langue et l’histoire ne suffisent plus
pour séduire le monde et la France ne veut pas le voir. Elle se découvre
tout-à-coup en incapacité de s’assumer seule comme le font la plupart des pays
du monde. Elle croit alors qu’en s’appuyant sur ses voisins elle va
naturellement reprendre sa place et s'appuyer sur l’UE et l’OTAN. Elle croit
que le monde s’émerveille de ses grandes envolées, aussi bien l’Obama-mania que
le Trump-bashing, la guerre contre Daech aussi bien que l’ingérence au Mali, l’idéologie
écologique aussi bien que la guerre au nucléaire. Tout doit être porté à l’excès
et peu importe la réalité, c’est l’expression de son besoin d’exister. La
Macron-mania finira mal mais la France considère que rêver un ou deux ans, c’est
mieux que prendre conscience de son déclin, de sa destruction interne. On ne
rêve plus quand on devient SDF mais heureusement les français ne sont pas
encore les grecs à qui désormais on va prendre leurs maisons parce qu’ils ne
peuvent plus payer le foncier. Ils en prennent seulement le chemin.
L’enthousiasme est la force de la
jeunesse qui s’accorde bien avec la sagesse de la vieillesse. Enthousiasme et
sagesse sont deux concepts que la France ne sait pas souvent employer ensemble.
Elle oscille entre les deux et plus dans le premier que dans le second. C’est
le peuple britannique qui a fait l’analyse à postériori de son engagement dans
l’UE. La France ne veut pas abandonner l’enthousiasme d’une humanité où nous oublierions
la guerre, un rêve impossible certes mais qui fait vivre… si l’on ferme les
yeux. Macron vante l’UE qui protège, mais qui protège qui ? Les
multinationales ? Qui protège quoi ? La paix ? Alors pourquoi
sommes-nous en guerre au sein de l’OTAN au Moyen-Orient et pourquoi nous
préparons-nous aux frontières de l’UE à affronter la Russie, désignée « ennemi
numéro 1 » par une puissance étrangère qui mène une guerre économique
contre nous ? Pourquoi alors l’UE nous impose-t-elle une migration,
souhaitée par l’Allemagne, que nous ne pouvons pas mettre au travail ?
Protège-t-elle du glyphosate ?
La France
rêve de moulins à vent, de l’énergie gratuite, de la voiture électrique, de
voyage dans les étoiles, mais sans trop réagir côtoie de plus en plus de
sans-abris, de pauvres dans les organisations caritatives, de magasins et d’usines
qui ferment. Elle croit toujours que le chômage va baisser et veut oublier que
les retraites diminuent et que des banques licencient, ferment leurs
implantations et leurs distributeurs de billets, que l’on nous prépare à la
disparition de la monnaie fiduciaire, sonnante et trébuchante, ce qui permet de
bloquer tous les comptes en banque ou même d’y puiser de l’argent si besoin. La
mutualisation de la dette des pays européens et la nomination d’un super
ministre de l’Économie vont accentuer la fin des pouvoirs régaliens de l’Etat.
La France pense Noël qui doit durer jusqu’au Printemps que nous promet Macro et rêve... mais les yeux fermés.
La France a ses outrances et se berce d’illusions
Mais la France doit croire en ses
chances.
Elles sont réelles et à sa portée.
Encore faut-il qu’elle…
Ouvre les yeux !
Claude Trouvé
09/12/17
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