1. Le dialogue social
La grande période de concertation entre les syndicats ouvriers et patronaux aura duré quatre mois. Deux conceptions s’affrontent comme le laisse sous-entendre le vocable de la « flexisécurité ». C’est le mariage harmonieux que souhaite le gouvernement entre deux contraires. Les syndicats, dont les représentants sont issus du monde fonctionnaire, ne conçoivent que la garantie de l’emploi à vie. Le monde entrepreneurial veut supprimer toute rigidité dans l’embauche, le licenciement, le type de contrat et la flexibilité du temps de travail. Autrement dit les syndicats ouvriers veulent le beurre, les patrons l’argent du beurre et l’Etat le paye sur la crémière, en l’occurrence nous.
J’ai eu à faire face dans une grande entreprise à ses moments d’affrontement à la française d’un soi-disant « dialogue social » qui est en réalité un « affrontement syndical ». Ce dernier freine le dialogue social et interdit le dialogue humain dans les entreprises où officient les représentants syndicaux. Ce dialogue humain existe encore dans les PME et les sondages d’opinion montrent que les salariés s’y sentent mieux entendus. Si l’importance de représentants du personnel n’est pas à remettre en cause, le dialogue social en France est désastreux. Il faut qu’un changement radical de mentalité se fasse jour si l’on veut que les entreprises françaises puissent rivaliser avec les entreprises allemandes.
Par ailleurs il faut mettre fin à la subvention de l’Etat vers les syndicats dont les ressources viennent à 80% de celui-ci et seulement pour 15% des salariés syndiqués. Cette situation n’existe qu’en France et est particulièrement anormale. Quand on sait de plus que par le biais d’une représentation paritaire, ils détiennent la gestion de toutes les branches de la Sécurité Sociale, on se trouve dans une situation où leur pouvoir n’est même plus contrôlé par les salariés, puisque l’influence économique de ceux-ci est faible. L’Etat doit reprendre les rênes de la gestion de ces dépenses sociales, fromage qui permet entre autres des milliers d’emploi incontrôlés, l’achat ou la mise à disposition de centaines de locaux.
Ce privilège doit être aboli sous peine de voir l’argent public dilapidé. Evidemment, s’il est un sujet sur lequel les syndicats patronaux et ouvriers sont soudés, c’est bien celui là. On ne lâche pas un tel fromage. Pourtant non seulement il nous coûte mais son efficacité est déplorable par suite de l’affrontement improductif entre patronat et syndicats ouvriers. Cette inefficacité est d’autant plus grande que l’on veut des accords nationaux contrairement à ce qui se passe en Allemagne. On conçoit aisément que des accords par branche, voire par entreprise, sont plus faciles à obtenir. Des cas concrets mais isolés ont déjà donné lieu à des accords qui ont permis la survie d’entreprises. C’est pourquoi l’intervention de l’Etat sous forme de lois et décrets est la pire des solutions, pour le consensus et l’efficacité.
Il faut que chacun comprenne que les conflits sociaux qui minent une entreprise rendent celle-ci inefficace et ne sont pas de l’intérêt du patron. C’est pourquoi Yvon Gattaz, ancien patron des patrons disait : « Le secret de la paix sociale c’est le traitement des griefs dès leur origine ». Dans l’état actuel de la conception française du syndicalisme, " ceux qui croient naïvement qu’il suffirait de rendre les syndicats plus forts pour améliorer le dialogue social ont une totale méconnaissance de l’entreprise ". Celle-ci doit pouvoir négocier dans un climat constructif de confiance en la parole de chacun.
Contrairement aux pratiques actuelles qui veulent que l’entreprise propose et que les syndicats disposent, il est important que les propositions puissent émaner de part et d’autre dans la recherche d’une solution au problème posé dont la validité soitt préalablement reconnue. L’accord obtenu doit avoir une durée qui n’est plus remise en cause sauf évènement exceptionnel par aucune des deux parties pour permettre de travailler dans l’apaisement et permettre à l’entreprise d’envisager l’avenir sur des données sociales sûres.
La France revendique le droit de grève comme un acquis social mais elle le pratique beaucoup plus souvent que dans les pays où l’économie marche bien. Il faut que là aussi les mentalités changent. La grève est le moyen ultime de se faire entendre. Elle n’est pas le moyen pour les syndicats de montrer leur utilité dans leur organisation. Pour qu’il ne soit pas utilisé à tout bout de champ et particulièrement dans les métiers qui font alors pression sur la vie des citoyens, il faut que cela coûte au gréviste et que, dans le cas des réquisitions refusées, la sanction soit grave pour leurs auteurs. Il est de l’intérêt de tous de pratiquer la négociation et de tout faire pour éviter la grève.
Enfin il était anormal, à l’heure actuelle, que le monopole du syndicalisme soit détenu par cinq syndicats plus ou moins liés à des partis politiques. Un pas a été franchi dans ce privilège avec la loi du 20 août 2008 sur la représentativité des syndicats qui ont obtenu au moins 10% des suffrages exprimés dans les entreprises et 8% dans les branches. De plus les délégués syndicaux, qui ne sont pas élus mais nommés par les syndicats, ont perdu leur monopole de signer les accords d’entreprise. Des délégués élus par au moins 30% des suffrages pourront aussi le faire. On pourra peut-être sortir des « grand-messes » nationales et progresser vers les négociations d’entreprise comme en Allemagne.
La négociation d’entreprise est sans doute
La meilleure arme contre les délocalisations
Il reste à l’Etat d’avoir le courage de la généraliser !
Claude Trouvé
Coordonnateur du MPF du Languedoc-Roussillon
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