Posons tout de suite que la croissance du taux de gaz carbonique dans l’atmosphère est due aux activités humaines et animales générant par effet de serre une augmentation des températures régnant sur le globe terrestre. Si cette théorie a reçu un aval international, elle est loin d’être partagée par de nombreux scientifiques, eux-aussi éminents, dont certains prônent que la variation des températures terrestres est liée aux variations de l’activité solaire et que le gaz carbonique est non une cause de l’augmentation des températures mais une simple conséquence. Laissons donc à la communauté scientifique le soin de vérifier ses théories sur une longue période d'au moins plusieurs dizaines d’années.
La volonté de diminuer les apports de gaz carbonique dus à l’activité humaine a donné un coup d’accélérateur aux énergies renouvelables, éoliennes et solaires en particulier, censées résoudre le problème d’une part de l’indépendance énergétique et d’autre part de l’apport de CO². C’est ainsi que l’Allemagne dont la production d’électricité d’origine nucléaire était trois fois moins importante qu’en France a décidé, suite à l’accident de Fukushima (séisme de magnitude 9 et tsunami de 14 mètres), de fermer les 7 centrales les plus anciennes sur les douze en fonctionnement en 2010. Elle réduit ainsi sa part du nucléaire à une dizaine de % et entame une nouvelle décroissance jusqu’à 0% en 2022 en misant sur l’accroissement des énergies renouvelables.
Les politiques très différentes des pays du monde entier sur la part d’électricité nucléaire n’ont pas comme motivation son impact sur la production de dioxyde de carbone puisque sa participation est infime et ne tient qu’à celui dégagé par la fabrication de ses composants. Elle est donc du même niveau que pour l’éolien et le solaire. C’est la notion de sécurité et plus spécialement l’appréciation que l’on a de ce que l’on nomme la sûreté, c’est-à-dire de tout ce qui est mis en œuvre pour éviter des effets dommageables sur l’homme et l’environnement. Le nucléaire est considéré ou non comme incapable de faire face aux pires catastrophes. On en prend ou non le risque comme pour toute activité industrielle potentiellement dangereuse.
Les pires catastrophes ayant été d’origine naturelle ou chimique pour les activités humaines, le débat peut durer longtemps. Mais d’un autre côté deux objectifs s’imposent aux États, le coût du Kwh et l’indépendance énergétique, les deux soumis à l’injonction de diminuer l’apport de CO². La décision allemande devrait pousser l’Allemagne vers les énergies renouvelables mais d’une part celles-ci sont soumises aux volontés de la nature (vent, jour, nuit) et d’autre part le coût du kwh, d’ailleurs subventionné, est beaucoup plus cher que le nucléaire, démantèlement et aménagements de sûreté compris (2 à 3 fois plus cher pour l’éolien).
L’Allemagne se tourne donc tout d’abord vers les centrales à gaz et à lignite qui offrent un coût du kwh raisonnable et une grande réactivité aux demandes de la consommation. De plus ce choix est bien adapté ensuite à la variabilité de la production éolienne et solaire. Par contre il rend l’Allemagne dépendante de la fourniture en gaz russe et, au fur et à mesure de la mise en œuvre des énergies renouvelables, elle deviendra productrice d’électricité de plus en plus chère. En attendant elle émet plus de CO² dans l’atmosphère et rend bien ambigüe la position des écologistes.
Ce choix énergétique n’est pas partagé par les autres plus grands pays du monde. Le Japon, malgré Fukushima, continue sa politique de construction de centrales nucléaires, le Royaume-Uni commande 5 centrales de nouvelle génération, la Chine prévoit la construction de nouvelles centrales, l’Inde et le Brésil également et enfin les États-Unis, les plus grands producteurs d’énergie nucléaire, sortent du moratoire sur le nucléaire.
L’éolien et le solaire accroissent inéluctablement notre dépendance au gaz et au charbon. En effet la puissance éolienne installée dans notre pays est de 5700 mégawatts (MW) mais non seulement celle distribuée au réseau est bien inférieure, le quart environ, mais encore elle a oscillé entre 200MW et 3800MW. Cette forte variabilité s’effectue de plus très rapidement. Elle nécessite le couplage ou le découplage sur le réseau de moyens de production à rapide mise en œuvre ou arrêt. Il faut donc faire appel aux centrales thermiques, à gaz, fuel ou charbon.
Donc plus on augmente la puissance éolienne plus on doit faire appel aux centrales thermiques. L’indépendance énergétique gagnée par les énergies renouvelables est reperdue par la dépendance des centrales thermiques due à leur combustible. Il en est de même sur le plan de la production de CO², l’ajout d’éoliennes entraîne une augmentation de cette production par les centrales thermiques. Globalement on ne gagne ni sur le coût ni sur la réduction des émissions de dioxyde de carbone par rapport au nucléaire.
Les réacteurs nucléaires, calés à leur niveau de rentabilité optimum, sont idéalement faits pour produire une puissance constante. Ils ne peuvent répondre à des variations rapides d’appel sur le réseau. Il faut donc disposer de centrales répondant à celles-ci. Le tout nucléaire ne peut, par construction, répondre à cet impératif. La consommation oscille entre un minimum et un maximum distants de 15 à 20%. C’est dans cette plage que se trouve le créneau raisonnable des énergies renouvelables et de leur complément indispensable à savoir les centrales thermiques au gaz, fuel et charbon.
Les décisions énergétiques des pays sont donc liées à leurs ressources naturelles et à la sensation de danger que peut procurer l’utilisation du nucléaire, sensation exacerbée, à tort ou à raison, par ses adversaires et cela plus ou moins activement selon les pays.
Une politique énergétique est spécifique à un pays
Sur des fondamentaux d’indépendance, de coût
Et de prise de risque raisonnée.
Claude Trouvé