Stéphane Le Foll, ancien
porte-parole du gouvernement et ministre de l’Agriculture, se penche dans les
médias sur l’avenir du parti socialiste dont il espère bien prendre la tête. On
est stupéfait de voir que celui qui a soutenu et œuvré depuis la première heure
aux côtés d’un Président qui n’a même pas osé se présenter peut avoir le culot
d’envisager de reconquérir le pouvoir. Si le parti socialiste peut renaître c’est
en tout cas avec une nouvelle génération. Il faut d’abord se poser la question
de l’utilité d’un parti qui ne tient plus qu’au mot « égalité » dans le triptyque « liberté, égalité, fraternité » et encore ! Le
social-libéralisme n’a pas réellement cet objectif quand il mise sur les aides
publiques au Medef et pond la loi travail de l’UE. Ces élites veulent ignorer
ce que le peuple ressent plus ou moins profondément, le constat d’échec de l’UE
protectrice et solidaire. Mais le vrai clivage ne cesse de se creuser entre des
peuples aux intérêts différents, voire contradictoires.
Pour
ne pas traîner le boulet d’un quinquennat raté, Le Foll rejette d’un revers de
main toute idée de bilan de cinq ans de pouvoir. Durant ces cinq ans, le
pouvoir était quasi-monarchique avec un Parlement aux ordres et une couverture
territoriale d’élus très majoritaire au niveau régional et départemental. Mais
en plus la chance lui a souri avec la baisse de l’euro, du prix du baril et des
taux d’intérêt, trois éléments favorables que le gouvernement précédent n’avait
pas réunis, en proie en plus à une crise bancaire et financière de grande
ampleur venue des Etats-Unis. Le pari de « l’inversion de la courbe du chômage » n’a pourtant pas pu être
tenu et la France a continué à s’endetter. François Hollande termine l’année
2016 avec un taux de chômage de 10,1% en catégorie A des sans-emploi et place
la France dans les 10 plus forts taux de chômage de l’Espace Economique
Européen. La France est seulement le pays le moins mauvais du club Méditerranée,
mais moins bon que ses voisins de l’Allemagne, de la Suisse, du Royaume-Uni et
même de la Belgique.
Mais on peut penser que le
gouvernement a hérité d’une situation détériorée et qu’il a réussi mieux que
les autres pays sur les deux indicateurs chers aux français, le taux de chômage
et le PIB/habitant qui conditionne le niveau de vie de chacun. Malheureusement
il n’en est rien comme le montre le graphique ci-contre représentant les variations
depuis 2011 jusqu’à 2016 du taux de chômage et du PIB/habitant. On constate qu’il
y a un lien fort entre le taux de chômage de la population active et le PIB/habitant
selon le sens prévisible de la diminution du chômage avec l’augmentation du
PIB/habitant. Cependant trois pays s’écartent sensiblement de la loi générale à
savoir l’Irlande, Malte et la Roumanie.
Si l’on
reprend l’étude statistique sans ces trois pays, on a un lien très fort qui
nous indique que pour 10% de hausse du PIB/habitant, on a une baisse du taux de
chômage de plus de 2,9%. L’augmentation annuelle du nombre d’habitants étant de
0,5%, on en déduit que 1,5% d’augmentation du PIB fait normalement gagner 0,3%
sur le taux de chômage. On remarque que la France durant ce quinquennat a
fait moins bien que la moyenne des pays de l’UE et même que celle de la zone
euro. Elle est en retard surtout par rapport au Royaume-Uni et à l’Allemagne et
même par rapport à l’Espagne et au Portugal qui ont fait plus baisser le
chômage avec une augmentation comparable du PIB/habitant sur 5 ans. On note
la performance des Pays Baltes et la contre-performance de la Grèce, de Chypre,
mais également de l’Italie.
Le
résultat global de la France sur les deux indicateurs principaux concernant l’ensemble
de la population est comparativement mauvais et ceci sans équivoque. Il reste à
savoir si pendant ce quinquennat et à défaut, la France a fait mieux sur les
déficits du budget de l’Etat. Le graphique ci-contre représente les variations
de la dette/PIB et du PIB/habitant. On note qu’il n’y a pas de lien statistique
entre les deux indicateurs. Cependant là encore la France fait moins bien
que l’UE et la zone euro puisqu’elle a plus augmenté sa dette avec un
PIB/habitant inférieur. On note la performance de l’Irlande et de l’Allemagne
qui ont très peu augmenté la dette. C’est l’inverse pour la Grèce, mais surtout
pour Chypre qui cumule baisse du PIB/habitant et forte hausse de la dette.
Notons que, pour une variation de la dette du même ordre, le Royaume-Uni a
beaucoup plus augmenté son PIB/habitant. L’Allemagne et le Danemark augmentent
plus le PIB/habitant avec une dette inchangée ou en baisse.
Il est commun de penser que
l’augmentation de la dette est liée à celle des dépenses des administrations
publiques d’où la nécessité des rabots budgétaires à laquelle se livre le nouveau
gouvernement. La représentation de la dette et des dépenses des administrations
publiques n’apporte pas une réponse claire sur ce
sujet. Si la Bulgarie, l’Estonie ont vu leur dette et leurs dépenses publiques
s’envoler et la Grèce diminuer sa dette et ses dépenses publiques, ce n’est pas
le cas de la Slovénie, de Chypre et de l’Espagne pour lesquels la rigueur
budgétaire n’a pas empêché la dette de croître. On voit à contrario la dette
diminuer et les dépenses augmenter avec l’Allemagne. La France réussit moins
bien que l’ensemble de l’UE et de la zone euro ; sa dette augmente plus
avec une augmentation comparable des dépenses publiques. La raison
principale d’augmentation de la dette ou des déficits budgétaires est autre. Un
complément d’étude est nécessaire pour déterminer si cela est dû à une
insuffisance des rentrées fiscales ou à la destination des dépenses publiques différente
entre les pays.
Un
autre lieu commun, cher au Medef, est la nécessaire maîtrise des coûts de
main-d’œuvre et son impact négatif sur la croissance et en conséquence sur le
chômage. C’est ainsi que l’on fait accepter les aides aux entreprises sous
forme de diminution des charges, de crédit d’impôts et de blocage du SMIC
au-delà de l’inflation. J’avais déjà montré que c’était la politique inverse
qui était la bonne. Le graphique sur les variations des coûts de main-d’œuvre et
du PIB/habitant sur les pays européens entre 2011 et 2016 montre que ce lien
est très fort et croissant. Une augmentation de 10% du coût de main-d’œuvre entraîne
une augmentation du PIB/habitant de 7,3%. La France fait encore nettement
moins bien que l’UE et la zone euro durant le quinquennat Hollande avec une
augmentation plus faible du coût de main-d’œuvre et du PIB/habitant. Aux
deux extrêmes on retrouve Chypre et la Grèce, deux des pays de l’UE et de la
zone euro où le coût de la main-d’œuvre génère le chômage et la croissance, ce
qui est le marqueur d’un quinquennat raté. D’une façon générale on peut dire
que la politique de l’offre se trouve injustifiée par la comparaison avec les
autres pays européens. On peut même dire que les résultats ci-dessus montrent
que 10% d’augmentation du coût de main-d’œuvre entraîne une augmentation du PIB/habitant de 7,3% et une diminution du taux
de chômage de près de 2,2% selon ce qui se passe en moyenne dans les différents
pays de l’UE. Il reste à voir quel est le type d’augmentation du coût de main-d’œuvre
qui joue ce rôle, le salaire, les charges ou les impôts ? De même que sur
l’origine de la dette, il reste un domaine d’exploration que nous verrons dans
un prochain article.
En attendant Stéphane Le
Foll, au lieu de faire des exégèses sur la définition du socialisme qui
pourrait le propulser vers la prochaine présidentielle, ferait mieux de s’interroger
sur les raisons de l’échec du quinquennat précédent et de se demander pourquoi
les pays hors de l’UE, voire de la zone euro, ont de meilleurs résultats que la
France. Nos concitoyens devraient cesser de croire à l’enfumage qui leur fait
miroiter une meilleure vie en les ponctionnant pour des entreprises dont la
survie n’est liée qu’à leur adaptation aux lois du marché et non aux milliards
que l’Etat déverse sur eux. Comme pour l’agriculture, les subventions
permanentes ne conduisent que dans une impasse en freinant l’adaptabilité au
marché, elles ne doivent avoir qu’un rôle transitoire.
La politique de tirage de la couverture à soi par le Medef
Ne vise que l’augmentation des marges des sociétés
Et le rabot sur tous les coûts de main-d’œuvre
Est promu pour des raisons mercantiles
Loin du bonheur du peuple servile !
Claude Trouvé
Coordonnateur MPF du
Languedoc-Roussillon
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