Les « sans-dents » sont-ils
dans nos banlieues ou dans nos campagnes ? On parle beaucoup des banlieues
et de ses zones de non-droit. Il y règne l’utilisation maximum des aides
diverses de l’État et la « débrouille ». Ici la débrouille c’est les
trafics d’armes et de drogues, quand ce n’est pas le vol, le racket et le
vandalisme vengeur. On s’apitoie sur cette jeunesse au chômage, on excuse la
radicalisation de plus en plus importante de cette jeunesse qui ne croit plus
en rien sinon en Allah, mais surtout pas en la France. On se culpabilise de ne
pas offrir tous les logements décents nécessaires, toutes les activités
sportives et culturelles avec les installations qui vont avec. Enfin, si la
situation se détériore dans ces banlieues où le premier prénom est Mohammed et
ses variantes, on se persuade que c’est de notre faute. La honte nous monte aux
joues. Oui c’est vrai nous n’aurions jamais dû permettre le regroupement familial,
ni ouvrir les portes à une immigration clandestine ou non contrôlée comme nous
le demande l’UE.
A contrario
nous pensons à nos belles campagnes avec une émotion contemplative. Il nous
monte à l’esprit un ressenti d’air pur, de produits du terroir, de paysages
bucoliques, de silence, d’herbe fraîche, de blés dorés, de vignes, de vaches,
de moutons montant dans les alpages, de chèvres sautant de rocher en rocher, de
champs d’artichauts et de betteraves, etc. Pour un peu nous nous ferions
agriculteur, berger, éleveur. Tous ces gens ont bien de la chance de vivre dans
des conditions idéales, loin du bruit et de la pollution des villes, loin du
rythme infernal que la vie actuelle impose à ses habitants. Dans nos esprits la
vie dans les banlieues nous semblent un enfer, et celle dans nos grandes villes
un purgatoire. Les jeunes pensent : Si j’y trouvais un travail, j’irais
volontiers vivre à la campagne rêvent beaucoup de citadins, et l’envie se fait
de plus en plus jour, mais…
C’est
cette pensée qui ouvre la porte à une réflexion sur la réalité de ce qui se
joue sous nos yeux sans que nous n’en prenions conscience, aveugles que nous
sommes. Ce monde idéalisé de la campagne française a aussi lui des zones d’exclusion
mais cette fois non par la volonté de ses occupants des banlieues mais par
abandon d’une société qui passe à côté sans la regarder, donc sans la voir. Il
y a là aussi la débrouille mais les armes sont celles de la solidarité, du peu
qui reste, le mot d’ordre est de manger après on fait avec. Où sont ces exclus ?
Dans nos campagnes silencieuses où l’on accepte son destin sans mot dire comme
ce jeune couple Julie et Simon, 23 et 20 ans qui vivent dans un village du
Puy-de-Dôme. Lui, ancien bûcheron, a dû abandonner son travail pour maladie
professionnelle et désormais ils vivent chichement mais restent au village.
Comme
beaucoup d’autres couples comme eux, agriculteurs et petits commerçant, artisans,
forains, etc., ils vivent aussi de la « débrouille » mais c’est celle
de la solidarité. Ils vivent dans des fins de mois difficiles, dans le
surendettement, dans la peur du banquier et ils nous disent : « La priorité pour l’instant, c’est de manger
à peu près à notre faim, le reste passe après… ». Les loyers ne sont pas chers mais les maisons
ont le confort minimum, sans isolation et la température intérieure ne monte
pas en hiver au-dessus de 9°. Loin de la misère souvent explosive des banlieues
françaises, la pauvreté des campagnes est une réalité plus silencieuse,
invisible. C’est ce que met en lumière le travail d’Agnès Roche, sociologue à
l’Université de Clermont Auvergne. Ce sont les « sans dents » du monde
rural, où un agriculteur se suicide chaque jour, la France abandonnée. La
pauvreté est associée en partie à la crise agricole dans une agriculture liée
aux subventions de l’UE qui alimentent surtout les grosses exploitations qui
investissent sans difficulté dans les machines agricoles, ce qui n’est pas le
cas des jeunes de 30 ans qui continuent l’entreprise familiale ou qui tentent
leur chance pour fuir le stress de la vie dans les grandes villes.
Globalement les villages deviennent des
hameaux, les agriculteurs se tuent au travail et voient leurs revenus fondre au
soleil. L’école ferme, le bureau de poste aussi, le médecin et les jeunes s’en
vont, puis les commerçants, et quand le café ferme, le village est mort. Ce n’est
heureusement pas le cas dans toute la France, mais peu de régions y échappent
et le Massif Central dans son ensemble fait partie des régions les plus
touchées. On doit écouter ce que dit ce jeune couple : «On a été obligés d’installer un rideau sur
la porte d’entrée pour couper le vent qui passe comme si on était dehors. Les
fenêtres, c’est du simple vitrage, c’est du carton, les montants en bois
prennent l’humidité, le bois gonfle, on ne peut pas ouvrir les fenêtres.» ce
n’est pas mieux que dans les taudis de nos banlieues. Là aussi le refuge
devient l’alcool et la drogue. On touche alors de près la misère rurale, la
mort de notre petite agriculture par l’afflux des normes européennes, la
concurrence de pays étrangers et la pression des grandes enseignes.
Mais
ce tableau noir n’est pas une fatalité, c’est le fruit des directives
européennes qui ont favorisé une agriculture productiviste pratiquée par des
agriculteurs dont la taille des exploitations transforme l’exploitation en
usine exportatrice à la recherche du profit maximal du capital investi. C’est
donc à un changement de paradigme que la France doit s’atteler. Elle doit
retrouver sa vocation agricole avec une agriculture diversifiée et de qualité.
Il faut échapper à l’UE qui bloque le développement des circuits cours,
directement du producteur au consommateur. L’utilisation d’internet permet
d’élargir la zone de chalandise. Pourquoi faire venir le gigot de
Nouvelle-Zélande et polluer la mer et l’air par le transport ? L’État doit
favoriser ce type de distribution. Ensuite il faut protéger notre pays de l’introduction
de produits actuellement moins chers et de moindre qualité. La compétitivité de
nos agriculteurs peut être assurée soit par des taxes sur les produits importés
soit par une dévaluation monétaire possible par la sortie de l’euro suivant les
pays concernés. Il faut débarrasser nos agriculteurs des normes européennes
trop contraignantes pour la vente des produits sur notre sol. Le développement
de la permaculture et biologique est à la portée de la petite agriculture et
offre un créneau dans une population plus regardante sur la qualité que sur le
prix. C’est un créneau porteur.
La petite France rurale est abandonnée à
un désert progressif
Il n’y a pas de fatalité car les causes
sont connues.
Toutefois la France doit retrouver la
liberté
De gérer le devenir de son agriculture
En sortant des griffes de l’UE !
Claude
Trouvé
Coordonnateur
MPF du Languedoc-Roussillon
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