C’est bien la vraie question à se poser d’abord, celle qui est préalable à tout examen d’une autre solution. Pour y répondre, il faut se remémorer pourquoi nous y sommes. Nous avons pris l’euro parce que nous avons pensé que s’allier au mark garantissait une monnaie plus forte que le franc donc des intérêts d’emprunts plus faibles alors que nous étions entrés dans la spirale de la dette. De plus la BCE, située à Francfort selon la volonté allemande, avait pour mission de lutter contre l’inflation, cauchemar historique des allemands. La fluctuation de la monnaie unique s’en trouvait très atténuée et permettait des transactions commerciales plus sereines.
Comme l’Allemagne était en position de force, malgré les séquelles de la réunification, elle a pu ainsi bénéficier d’une compétitivité renforcée dans les pays à monnaie autrefois plus faible. Son principal client étant la France sans réciprocité, celle-ci a vu progressivement sa balance commerciale se détériorer. Le gain immédiat sur les intérêts d’emprunts faits par la France ne compense plus la détérioration de son commerce extérieur. L’accord n’est donc plus gagnant-gagnant et notre situation, ainsi que plusieurs autres pays, Grèce, Irlande, Portugal, Espagne, Belgique et Italie se dégrade d’année en année quel que soit le gouvernement.
La seule façon de ne plus s’endetter est désormais liée à des plans de rigueur, car notre compétitivité, handicapée par une monnaie surévaluée par rapport au yuan, au yen et au dollar, n’est pas en mesure de booster la croissance. Il faut ajouter que celle-ci dépend pour les 2/3 de notre consommation intérieure mais le 1/3 restant est en plus grande partie à l’extérieur de l’UE. C’est une caractéristique propre à la France très différente de l’Allemagne qui exporte beaucoup et principalement dans l'UE..
Il est illusoire de penser que la recherche de l’équilibre budgétaire, et à fortiori la relance, puisse se faire sans taxes et impôts nouveaux qui affaibliront notre pouvoir d’achat et, par répercussion, la croissance et les rentrées fiscales. C’est un cycle infernal qui demandera de longues années de sacrifices de notre niveau de vie pour en sortir, si l’on en sort, car il s’agit d’une partie à haut risque. Elle demande des économies n’affectant ni le pouvoir d’achat, ni le chômage et des relances de l’économie n’affectant pas la dette ! Autrement dit un pilotage sur piste verglacée hypersensible aux évènements économiques et monétaires.
Les économistes évaluent à 4% ou 5% l’effort sur le pouvoir d’achat à réaliser pour avoir les moyens d’amorcer la relance avec une chance de voir le bout du tunnel avant 2018. C’est la raison pour laquelle il est aberrant et condamnable de ne pas explorer d’autres solutions. Deux autres voies sont possibles.
La première est celle de la monnaie non plus unique, mais commune. Les pays gardent leur monnaie mais les échanges commerciaux se font dans la monnaie commune, disons en ECU. La parité serait revue chaque année à partir d’un panier de monnaies. Ceci a déjà existé sous le nom de SME avant la naissance de l’euro. Cette option a l’avantage de redonner à chaque pays la flexibilité nécessaire pour ajuster sa monnaie à sa compétitivité et garantit un maximum de stabilité monétaire. Cette option aurait due être envisagée dès 2009. La recherche trop longue des solutions pour sauver l’euro, solutions toujours remises en cause, montre que le temps du consensus sur une telle idée est malheureusement dépassé.
Dans la mesure où l’Allemagne persiste à infliger à la zone euro une cure d’austérité sans transformer la BCE en banque centrale en lien direct avec les Trésors publics des différents pays et que la réglementation des mouvements spéculatifs ne se met pas en place, il ne reste qu’une seule solution autoritaire d’affrontement avec l’Allemagne, c’est la menace, réelle et affirmée avec conviction, de sortie de l’euro.
Elle parait plus douloureuse mais est probablement la seule meilleure, possible et réaliste, compte-tenu de l’urgence et du contexte de retour sur des réflexes nationaux des différents pays. Contrairement au dogme établi, sans démonstration autre que notre appauvrissement sans fin, cette solution a l’avantage de nous redonner une chance plus rapide et plus sûre de relever notre croissance, réduire notre chômage et réindustrialiser notre pays. Son atout est la dévaluation comme l’ont fait d’autres pays avec succès, l’Argentine, la Russie et la Suède entre autres avec une perte de pouvoir d'achat faible et surtout très passagère.
Des économistes de grand renom l’affirment avec le MPF et d’autres (cf. les articles de Patrick Louis sur le site MPF). Ce serait donc une aberration historiquement condamnable qu’un grand débat n’ait pas lieu sur ce sujet ! Ajoutons que si l’on garde la voie du dogme actuel de l’euro et du libre-échangisme, la tension entre l’Allemagne et la France risque de devenir de plus en plus grave. Ces deux peuples vont finir par s’accuser mutuellement, les uns de cigales irresponsables et les autres de vampires se nourrissant du sang des autres, comme cela commence à se dire. Ceci serait catastrophique car nous pouvons imaginer beaucoup d’autres types de collaboration avec un pays si proche de nous et qui doit désormais rester un pays ami.
Mieux vaut une discorde négociée des gouvernants
sur les intérêts spécifiques de leur pays
Qu'une capitulation et une colère explosive des peuples !
Claude Trouvé le 17/01/12