Le président a mobilisé les chaînes de télévision pour lancer des mesures phares en réponse au lancement de la campagne de son principal adversaire pour la présidentielle. On peut s’étonner que le président n’annonce qu’implicitement sa candidature et laisse à penser que sa déclaration attendra fin février ou début mars.
Il était simple et honnête de dire « Je serai candidat mais le temps n’est pas venu encore de m’y consacrer, m’occuper de l’Etat est mon premier devoir et je tiens à l’assumer le plus longtemps possible ». Un peu de clarté et de sincérité lui aurait permis de ne pas se faire prendre pour un manipulateur qui joue sur les deux tableaux. Dommage, car l'implicite ne vaut pas l'explicite.
Là n’est évidemment pas le plus important, l’important ce sont les actions qu’il veut entreprendre avant la fin de son mandat et sa vision sur l’avenir. Ses propos sur certains points du programme de l’illusionniste angélique Hollande devaient être contrebalancés par des actions crédibles et à la mesure du défi que la guerre économique nous impose. Résumons donc ses six propositions.
1. Une hausse du taux de TVA de 1,6 passant de 19,6 à 21,2 (au passage cela fait 2,2 points de plus que son modèle germano-Schroederiste) et une augmentation de 2% de la CSG sur les revenus financiers finançant en octobre 2012 la suppression de la part familiale des charges sociales patronales sur les salaires de 1.6 jusqu’à 2,4 SMIC.
2. Une modification du coefficient d’occupation des sols de 30% en hausse hors, permis de construire.
3. Une taxe Tobin rien qu’à nous (si si il a osé)
4. Passage de 4 à 5 % d’apprentis dans les entreprises de plus de 250 salariés, et doublement de l’amende si non respect.
5. Création d’une banque de l’industrie via Oséo.
6. Négociations, pour créer des accords de compétitivité avec discussions sur le temps de travail, dans chaque entreprise.
Que pouvons-nous en penser ?
1. La hausse de la TVA dite sociale puis devenue TVA anti-délocalisation ou TVA emploi ne peut être crédible que si deux conditions sont remplies. Elle doit être efficace et redonner de la croissance. Elle ne doit pas pénaliser le prix TTC des produits.
La baisse de 5,4% des charges patronales sur la masse salariale se traduit par une baisse du coût de production final très variable selon la part de la main-d’œuvre dans le coût de production. Selon les types d’industrie cela peut varier entre 1 et 3,8%, soit 2,5% en moyenne. Cela ne peut donc en aucun cas nous ouvrir sensiblement les marchés des grands pays émergents et est sans comparaison avec les simples variations monétaires. Pour ce qui est du marché européen, cela n’apparaît nullement décisif même vis-à-vis de l’Italie dont les producteurs joueront facilement sur leurs marges. Son efficacité est donc pour le moins douteuse.
Pour ce qui concerne la stabilité des prix pour le consommateur, elle n’existe déjà pas pour tous les produits importés puisqu’ils subiront l’augmentation de 1,6% de la TVA. Pour les produits « made in France » l’effet d’aubaine est à craindre car tout dépend si le marché est concurrentiel ou non et si la réflexion du producteur penche vers la baisse du prix de revient et non vers l’investissement ou la réduction des dettes. Le pouvoir d’achat sera probablement écorné, donc la croissance. Cette mesure impopulaire est de toute façon prise bien trop tard.
L’augmentation de deux points de la CSG sur les revenus financiers va principalement toucher les petits épargnants français qui vont sur la Bourse de Paris et qui n’ont pas les nombreux moyens de cacher leurs gains utilisés par les gros investisseurs. Gare aussi aux assurances-vie ! C’est en plus la deuxième fois qu’on les décourage de prendre des actions.
2. La modification d’occupation des sols sans permis de construire risque de déboucher sur des constructions ne respectant pas l’environnement, les sites historiques, les contraintes de toutes sortes. Elle peut intéresser les promoteurs mais peu les particuliers vu la difficulté d’emprunter pour eux. De plus agrandir son logement donnera du travail mais n’influera nullement sur les loyers. Elle apparaît comme un bricolage précipité.
3. La Taxe Tobin sur un seul pays risque de se heurter à l’UE et aura de plus pour conséquence de faire fuir les investisseurs de la Bourse de Paris, tarissant du même coup les gains de cette taxe alors que ce mouvement de retrait a déjà commencé.
4. L’obligation de 4 à 5% d’apprentis sous peine de sanctions ne s’attaque pas aux véritables causes du manque d’engouement des entreprises, causes qui se trouvent en amont. C’est de l’autoritarisme aveugle donc néfaste.
5. La création d’une banque de l’industrie, où l’on sait que l’obtention chez OSEO d’un crédit est soumise à des conditions telles que beaucoup y renoncent, devra faire peau neuve.
6. La dernière action, qui n’a aucune chance de voir le jour si Sarkozy n’est pas réélu, pourrait être une véritable avancée dans le dialogue salariés-patronat. Elle pourrait coller avec la réalité du marché et toute souplesse mise dans le fonctionnement d’une entreprise est un acte bénéfique. L’esprit des discussions actuelles en France n’est pas du tout celui qui règne en Allemagne. Les salariés considèrent qu’ils sont là pour critiquer toute proposition patronale de façon à en tirer le meilleur profit pour eux. A contrario le patronat tire la couverture de son côté. La discussion sur un véritable projet d’entreprise où chacun défend un point de vue constructif dans le sens de l’intérêt général de l’entreprise n’est pas encore dans les mœurs françaises. C’est un vrai handicap de l’industrie française mais il s’agit d’une véritable révolution culturelle si l’on veut aboutir à autre chose que de la confusion ou de l’autoritarisme.
Terminons par le triste constat que, même en joignant les deux programmes dans une « Sarkoland » sur la compétitivité des entreprises, c'est-à-dire le cumul de la baisse des charges patronales et de l’effort sur l’innovation, la recherche, le lien renforcé université-entreprise, la formation, on est loin d’un remède efficace à court terme pour relancer l’industrie française.
L'écart à combler est urgent et d’une autre importance quand le déficit s'accroît chaque année. C’est 25% de compétitivité qu’il faut retrouver pour équilibrer la balance des paiements. L’homéopathie ne remplacera pas la chirurgie par la monnaie, un protectionnisme intelligent et une banque centrale française ou une BCE prêtant aux États à taux d'emprunt zéro. C'est la seule voie possible, puisque nous sommes le pays européen le plus tourné vers le marché hors UE.
Le choix se limitera-t-il entre Charybde et Scylla ?
Prenons un Argonaute pour passer le détroit
ou allons à Messine pêcher la sardine
Sinon pauvre France !