Depuis trente ans les gouvernements successifs se sont attachés à satisfaire les différentes corporations qui constituaient leur électorat et à puiser allègrement dans les recettes plus qu’elles ne pouvaient donner. L’Etat-Providence et son système de protection sociale était le bien français que l’étranger était censé nous envier.
Les 35 heures, qui supposaient que nous pouvions dans toutes les branches d’activité encaisser plus de 10% de plus de coût salarial soit de 2 à 7% sur les coûts totaux dans les entreprises privées et publiques, ont largement dépassé notre enrichissement par la croissance. De plus, si le gain en emploi a existé les deux premières années, il s’est rapidement évanoui pour ne laisser que la dette et surtout l’idée que le travail est un mal nécessaire en particulier dans l’esprit des jeunes générations. Le Sarkozysme n’a fait que contourner le problème sans le résoudre.
Les politiques de déconcentration ont été menées sans véritable contrôle de gestion en particulier sur les collectivités territoriales et le coût global n’a cessé d’augmenter. Nicolas Sarkozy, sous l’effet de la crise, a entrepris de supprimer un fonctionnaire sur deux pendant que les administrations se voyaient surchargées de lois, décrets, procédures, de statistiques de plus en plus nombreuses. Les réductions appliquées sans discernement sur les différentes administrations, ajoutées à la recherche du chiffre pour raison de productivité, a engendré une lassitude grandissante chez les fonctionnaires. L’idée bonne au départ n’a abouti qu’à une désorganisation qui rend l’administration de l’Etat moins efficace.
Le travail d’analyse et de rationalisation des tâches, travail que fait toute industrie performante, n’a pas été effectué auparavant et la charrue a été mise avant les bœufs. Le coût des administrations n’a ainsi cessé de croître en pourcentage du PIB et a alimenté la dette tout en diminuant le nombre de fonctionnaires donc le service rendu.
La Constitution a été révisée pour un tiers de ses articles. La solidité d’une Constitution s’acquiert par sa stabilité au cours du temps. Le besoin d’une révision de cette ampleur n’avait aucun degré d’urgence mais elle a obscurci ce qui était clair avec des textes fourmillant d’exemptions. Le rôle des Assemblées, du Conseil Constitutionnel et même de la Cour des Comptes a affaibli le pouvoir du président sans apporter une meilleure démocratie et une meilleure efficacité. Le fait que le Président puisse s’exprimer devant l’Assemblée Nationale n’amène rien à sa fonction.
La démolition des fondamentaux du Gaullisme, que même François Mitterrand n’a pas osé changer, s’est poursuivie avec notre entrée dans l’OTAN. La voix de la France est étouffée et notre dépendance ne nous autorise même pas à sortir rapidement d’Afghanistan sauf à renier nos engagements. Dans le même temps le budget de la défense diminue en pourcentage du PIB, nous plaçant désormais derrière l’Allemagne. Seule notre force de frappe nous permet encore de siéger valablement au Conseil de Sécurité. Notre accord de défense avec le Royaume-Uni, ayant inclus celle-ci, on peut se demander ce qu’il adviendra de son indépendance vu la collusion de ce pays avec les États-Unis.
La démolition du Gaullisme a continué avec la confusion des rôles. Le Président s’occupe de tout, va au charbon. Le Premier Ministre est réduit au rôle de Chef de Cabinet et peut prendre de la hauteur. Sa cote de popularité a ainsi toujours été plus élevée que celle du président. La confusion est d’autant plus grande que ce sont les Conseillers du Président qui ont barre sur les ministres quand on ne voit pas en plus tout-à-coup un olibrius ni élu ni nommé, comme Bernard Henry-Levy, s’affubler du rôle de ministre des Affaires Etrangères.
Le Sarkozysme a aussi fait reculer la démocratie puisque que le verdict du seul référendum a été bafoué par la signature du traité de Lisbonne. La voix du peuple n’est plus souveraine. Il ne fallait pas le faire ou alors son respect était impératif. Par ailleurs les conditions, mises dans la nouvelle Constitution, pour que le peuple puisse de lui-même l’imposer, sont si difficiles à réunir qu’aucun ne verra le jour. La révolution le précèdera.
Son « casse-toi, pauv’con », qui retentit désormais de plus en plus chez les futurs électeurs, a rabaissé la fonction présidentielle et introduit une familiarité qui se traduit par des propos de l’homme de la rue et non ceux d’une élite en charge d’un pays. Notre image à l’étranger s’en est détériorée à un point que, seule la lecture de la presse étrangère peut nous révéler. Ceci n’avait pas été le cas avec Jacques Chirac et François Mitterrand.
Nous avons désormais un Etat brouillon, à l’image de son président « vibrionnaire », ainsi que des administrations désenchantées où la vénérable notion de service public s’est affaiblie. La réussite toute relative de la traversée de crise, bonne seulement par rapport aux pays du sud de l’Europe, nous laisse dans une situation de dépendance accrue vis-à-vis des Etats-Unis et de l’Allemagne. La détérioration de notre commerce extérieur, notre désindustrialisation et l’augmentation de la dette montrent que le Sarkozysme n’a pas pris les mesures nécessaires pour revivifier le pays.
La législature suivante ne pourra se contenter de « mesurettes » mais le pays ressort très affaibli du Sarkozysme et la tâche sera rude et longue même si le prochain président sait faire entendre la voix de la France dans ses traités européens et atlantiques, et les remettre en cause.
Quand la gangrène atteint le pied
Il faut se le couper rapidement
pour ne pas avoir à couper la jambe
Qui osera cet héroïsme ?
Claude Trouvé