La faillite d’un certain nombre de pays d’Europe n’est plus un sujet tabou, les médias s’en accaparent. L’Europe, dans son ensemble, devient le continent malade de l’économie mondiale et la réussite de l’Allemagne aux dépens des autres pays européens ne peut suffire. L’ensemble des pays de la zone euro plonge et les autres pays de l’UE, hors euro, qui n’ont pas consenti ou pu consentir de dévaluation lors de la crise amorcée en 2007, comme le Danemark, la Lettonie et la Lituanie dont les taux de change sont accrochés à l’euro, sont aussi en difficulté.
L’Europe, qui s’est livrée au libre-échangisme, ne peut lutter contre une économie mondiale où règnent le dollar, le yuan et le yen, monnaies que ces pays maîtrisent globalement au gré de leurs intérêts. La préférence communautaire, qui n’est plus possible sans refaire les traités, demande l’assentiment de 27 pays et, vu la difficulté de toutes les discussions actuelles, on ne peut imaginer que cette décision soit prise rapidement.
L’Allemagne qui devient le pays incontournable de l’Europe impose à tous ses partenaires une stratégie de contrôle de la dette, stratégie qu’elle a pu soutenir grâce à un commerce extérieur bénéficiaire, principalement sur le dos des autres pays européens. Elle a de plus bénéficié de sa place au centre de l’Europe en faisant réaliser les composants de ses produits dans les pays européens à faible coût, troquant le label, « made in Germany » par celui de « made by Germany ». Comme la France, elle s’est ainsi désindustrialisée mais a maîtrisé son chômage grâce à une démographie déclinante.
Cette stratégie arrive prochainement à son terme par l’appauvrissement de ses partenaires. La perspective de devenir le principal pourvoyeur des pays guettés par le défaut de paiement, Grèce, Irlande, Portugal et ceux qui sont menacés comme l’Espagne et l’Italie, amène chez elle une discussion de fond sur le bénéfice à retirer de sa présence dans la zone euro. Le citoyen allemand, qui paie plus que nous la facture de la dette des autres, ne supportera pas indéfiniment de payer pour ceux qui sont d’ailleurs affublés de noms d’oiseau dans la presse.
La France fait l’erreur historique de s’accrocher à la politique allemande qui ne convient nullement à son profil économique et social. Contrairement à l'Allemagne notre commerce extérieur est largement déficitaire et notre croissance est très majoritairement liée à la consommation intérieure. Les plans d’austérité et de taxes sociales ou financières aboutissant à rendre les services et les produits plus chers, contrairement à ce que l'on veut nous faire croire, n’aboutiront qu’à faire reculer la croissance dans une récession plus importante encore. Les exemples sont sous nos yeux avec la Grèce, le Portugal, l’Espagne et bientôt l'Italie !
La Grèce est à l‘agonie et ne peut espérer s’en sortir sans une « restructuration de sa dette» (joli euphémisme pour le défaut de paiement) de 50 à 70% mais les conditions imposées sur la rigueur budgétaire, avec plus de 30% de baisse des salaires, plomberont rapidement son économie. Seule une dévaluation peut lui permettre de s’en sortir, comme ce fut le cas pour l’Argentine (fin 2002) et la Russie (août 1998) qui ont récupéré des taux de croissance élevés. L’Irlande avec des taux à dix ans de 11% va suivre avec le Portugal, lui en pleine récession après les mesures drastiques d’austérité qui lui sont imposées. L’Espagne avec un taux de chômage de 20% et des taux d’intérêt qui talonnent les 6% est aussi dans une phase critique que la suppression des allocations chômage va aggraver. Il en va de même pour l’Italie qui n’assure pas que le nouveau tour de vis va suffire, surtout si les « indignés » s’en mêlent.
L’effet déflationniste de la zone euro ne peut aujourd’hui que s’accroître avec les ajustements budgétaires prévus. De plus le totalitarisme du couple Merkozy est de plus en plus insupportable pour les autres pays européens. Les décisions prises à deux comme « le pacte de compétitivité », qui est en fait qu’une capitulation en rase campagne devant les exigences allemandes, reposent le problème de l’union sur des bases d’égalité. A moins d’admettre, comme Orwell, que « nous sommes tous égaux, mais certains le sont plus que d’autres », on est en train de détruire le principe politique sur lequel est bâtie une zone monétaire.
Les mouvements centrifuges des pays de l’Europe et de la zone euro se multiplient avec la position de démarquage du Royaume-Uni, la décision unilatérale des impôts sur les sociétés en Irlande, le non-respect de l’accord de Schengen par le Danemark, le refus de règles bancaires par la Hongrie. La difficulté croissante de résoudre à 27 et même à 17 les difficultés économiques communes montrent que, loin d’avoir rapproché les peuples de l’objectif inavoué de l’Europe fédérale, celle-ci va vers l’explosion. La rigidité d’une monnaie unique et d’une politique européenne, axée sur la politique allemande appliquée à un patchwork de pays trop différents d’elle-même, vont détruire l’Europe de Maastricht.
L’Europe sociale est désenchantée
L’Europe économique est désargentée
L’Europe démocratique est bafouée
L’Europe des peuples est à construire !