François Hollande a mobilisé la foule de ses partisans, c’est bien. Comment a-t-il fait ?
Il y a des attitudes emblématiques sur la nécessité de justice et d’égalité, cela ne mange pas de pain et chacun sait que si les inégalités peuvent être visibles, personne n’aura à justifier une égalité qui ne peut exister par définition. Il y a l’argument du cœur, de l’empathie, c’est le « je vous aime », ce qui est un minimum pour celui qui va devoir défendre les français. On aurait pu penser qu’il dise « je vous écoute et je serai le premier défenseur de la démocratie », ce qui l’aurait démarqué de son principal rival. Enfin il y a l’attaque contre les riches qui soulève une ovation de tous ceux qui ne rêvent que de l’être et qui en bavent de jalousie. Il aurait pu dire que tout sera fait pour les pauvres, les indignés qui sont dans la rue, qui n’en ont rien à faire que certains soient riches mais qui veulent survivre sans mendier.
Dans le même registre on cible sur les banques qui ont ruiné la France. Les banquiers sont la proie facile dans les incantations. Il est vrai que ce sont des gens riches, grassement payés, avec des actionnaires largement récompensés. Le seul problème c’est que les socialistes français sont les premiers, mais pas les seuls, responsables de la fortune des banquiers en ayant institué la libre circulation des capitaux et l’interdiction faite à la BCE de prêter aux Etats. Les fautifs se sont eux, pas les banquiers qui n’ont fait que profiter d’une rente de situation.
Pour ce qui est du rattrapage de promesses faites un peu à la légère, celle des 60.000 postes supplémentaires dans l’Education Nationale, elle s’est finalement fondue dans un maintien global des effectifs des fonctionnaires. Il eut été alors normal de préciser quelles administrations vont céder ces postes, alors qu’on réclame plus de policiers, plus d’agents à Pôle Emploi, plus de prisons et que pour la justice il faut que celle-ci en ait les moyens, ce qui n’est pas le cas. On peut donc être dubitatif sur la volonté nouvelle de ne pas augmenter le nombre de fonctionnaires. Ce serait une première socialiste et les preuves ne sont pas données.
Enfin les mesures d’allégement d’impôt pour les sociétés n’ont d’impact véritable que si elles sont importantes et on n’a aucun chiffre sur son ampleur et sur la compensation qui devra être trouvée. Il faut tout de même se souvenir que la France doit rechercher l’équilibre budgétaire en trouvant 90 milliards. Donc toute promesse reste du vent tant que les chiffres ne seront pas fournis et, si rien ne change dans le fonctionnement de l’Europe, la réussite de ce challenge est très faible.
Le problème crucial de la rigueur qui n’handicape pas la croissance, tout en réduisant la dette, est le point fondamental d’une politique pour la prochaine législature. Malheureusement le maintien des dogmes de l’euro et de la libre circulation des biens et des capitaux ne laisse qu’une marge de manœuvre infime aux nations. La demande de laisser la BCE prêter directement aux Etats nous fait ressembler aux Etats-Unis dont on voit que sa dette est énorme, grâce justement à la planche à billets, et croît plus vite que celle de l’Europe. Les américains avec leur monnaie de réserve le peuvent encore, pas nous. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’Allemagne n’acceptera pas de changer le rôle de la BCE dans un traité, ou tout au plus admettra ce qui se passe actuellement dans le sauvetage de la Grèce ou des banques et ce d’une façon ponctuelle et contrôlée.
Pour la même raison l’Allemagne a refusé les eurobunds et ne reviendra pas là-dessus même si la France revient à la charge. Il en est de même sur l’illusion de pouvoir influencer l’économie chinoise. Ce que l’on fera sera toujours fait sans leur accord s’ils n’y voient pas leur intérêt.
La seule idée qui est conforme aux possibilités de la France est de faire appel à l’épargne. Ceci peut être d’autant plus intéressant si la France perd son AA+ et voit augmenter le taux de ses prêts. Sinon il faut trouver une attractivité du taux d’un livret d’épargne suffisamment fort et moins élevé que les prêts aux banques pour que le volume soit en rapport avec le remboursement de la dette publique par la croissance.
Ce premier discours de campagne qui ravit les supporters de Hollande ne résout malheureusement qu’en paroles les difficultés dans lesquelles se trouve la France et tous les pays du Sud de l’Europe. Notre déficit commercial de 75 milliards, avec un écart de 200 milliards sur l’Allemagne, ne peut y trouver une réelle source d’espoir. Notre protection sociale de 560 milliards par an, dont 260 pour les retraites qui ne vont faire que croître, est en déficit depuis 20 ans dont 35 milliards cette année et survit grâce au crédit. On ne peut croire que notre dette sera pas plafonnée en 2015 dans un contexte de récession qui va perdurer.
Ce discours oscille entre l’illusionnisme et l’angélisme de la part du représentant d’un parti qui fustige le fonctionnement de l’Europe qu’il a créée mais qui pense que l’on peut la rebâtir solidement sur des fondations qui s’enfoncent inégalement du Nord au Sud.
“N’attendez pas de solutions de la part
de ceux qui ont créé les problèmes”
Albert Einstein