Quand Macron se vante de
représenter le Nouveau Monde, il fait œuvre d’usurpateur ou de manipulateur,
car il n’est que le dernier suppôt français de l’Ancien Monde et sa jeunesse
relative n’y change rien. C’est le représentant du Nouvel Ordre Mondial, celui
de la globalisation et du dépouillement progressif de l’identité et du pouvoir
des nations dans leur appartenance à un ensemble de territoires de plus en plus
vaste. Ce monde est celui concocté depuis bien longtemps et qu’il me semble
avoir toujours connu sauf pendant la période gaullienne vite effacée par ses
successeurs, celui du double piège tendu par les Etats-Unis et l’Allemagne dont
nous ne sommes toujours pas sortis, cage bien fermée par les puissances de
l’argent et l’OTAN. C’est ce pourquoi Macron a été porté au pouvoir par ses
mentors et se doit de pousser l’UE vers le fédéralisme en demandant la
mutualisation de la dette, un Ministre des Finances européen entre autres. Son
incapacité à faire bouger l’Allemagne peut lui valoir d’ailleurs d’être
abandonné par ceux qui l’ont promu.
Non le Nouveau Monde
est ailleurs et son cœur est à l’Est de l’Europe, chez Xi Jinping et Poutine.
Ce duo, auquel va se joindre l’Inde dont l’influence est montante va constituer
un trio dont la puissance économique, démographique et militaire est en train
de surpasser les Etats-Unis même si ce n’est pas encore fait sur la puissance
militaire. Mais d’ores et déjà l’entente entre ses trois pays ne permet plus
aux Etats-Unis d’avoir un conflit armé menaçant les territoires ou les intérêts
vitaux de ces trois pays. Mais ces pays construisent une nouvelle vision des
relations internationales sans rejeter les bases d’un libéralisme vieux comme
le monde qui diffère sur un point fondamental, l’idée d’une gouvernance
mondiale où les nations disparaissent par délégation de leurs pouvoirs. C’est
devenu un lieu commun de dire que l’avenir du monde se situe en Asie du
Sud-Est, il suffit de s’y rendre pour le constater. Dans les années 90 je
l’avais remarqué en Malaisie et à Singapour dont le PIB/habitant était de 40%
inférieur à celui de la France. Aujourd’hui il est 40% supérieur au nôtre.
Kuala-lumpur nous offrait ses varans dans la rivière, aujourd’hui c’est une
capitale de la Malaisie de 1,75 millions d’habitants avec ses gratte-ciels,
dont les tours jumelles les plus hautes du monde, et son circuit de formule 1.
Mais quelle que soit la réussite
spectaculaire de ces pays, le phénomène majeur est la constitution d’une
alliance solide, jugée improbable par leur histoire, entre la Chine et la
Russie, piliers d’un nouveau concept, celui du Nouveau Monde. La Russie, dont
la culture est beaucoup plus proche de la nôtre que la Turquie, frappe à la
porte de l’UE depuis une dizaine d’années et s’est vue systématiquement rejetée
et même affublée du titre d’ « ennemi » et sanctionnée pour
l’acquisition de la Crimée après un vote particulièrement significatif de sa
population russophone, laquelle avait été détachée de l’URSS et rattachée à l’Ukraine
sans le consentement de celle-ci. Ce refus de la Russie par l’UE est une pièce
très importante dans la construction de ce Nouveau Monde grâce au duo
Chine-Russie. Leur fort sentiment nationaliste ne pouvait pas conduire à une
union de type européen. Ce sentiment est d’ailleurs assez général dans cette
partie du monde. Je me souviens de cette rencontre avec le Vice-Ministre de
l’Industrie japonaise où celui-ci au moment du traité de Maastricht m’avait
dit : « Vous allez vous y
engluer ».
Tout est parti de ce
duo Chine-Russie avec des liens de plus en plus forts entre ces deux pays,
chacun gardant la souveraineté sur sa nation. Cela avait commencé en 1994 sous
Boris Eltsine où un accord de non-agression nucléaire avait été signé. Mais c’est
en 1998 que l’idée est venue d’un « partenariat égal et fiable »
pour se prémunir de l’influence américaine, idée concrétisée par un accord
bilatéral et une Hotline entre les deux pays, alors que la Russie était au plus
bas économiquement et militairement. L’année 2001 marque l’histoire du XXIème
siècle par la création russo-chinoise de l'Organisation
de coopération de Shanghai (OCS), acte de naissance du Nouveau Monde.
Curieusement c’est cette année où s’écroulaient les tours jumelles à Manhattan,
signal de dépassement de l’apogée de l’hégémonie américaine. L’OCS est composée
actuellement de 8 pays, Chine, Kazakhstan, Kirghistan, Russie, Tadjikistan, Ouzbékistan,
et depuis juin 2017 au sommet d’Astana, l’Inde et le Pakistan. L’OCS se réunit
annuellement et le dernier sommet a eu lieu les 9 et 10 juin derniers à Qingdao
en Chine, sommet auquel participaient des pays observateurs, l'Iran,
l'Afghanistan, la Mongolie et la Biélorussie.
L’OCS représente plus
de 3,2 milliards d’habitants, soit 42% de la population mondiale, et 37,5
millions de km2, soit 8,3 fois la superficie de l’UE. L’OCS, 35% de
la superficie de l’Eurasie, est une union économique, politique et militaire.
On remarque qu’il ne s’agit pas d’une armée commune, comme le projet européen,
mais d’alliance militaire. L’OCS s’intéresse aussi à de multiples autres
sujets : éducation, science, technologie, santé, protection de
l’environnement, tourisme, media, sports, humanitaire et culture. En 2017 l’OCS
s’est 37.200 milliards de dollars de PIB (PPA), pas loin des 40.000 milliards
de l’UE et USA réunis. C’est aussi 1 015 millions de tonnes de pétrole par an
face aux 1 806 millions de l’OPEP et des 1 087 de l’OCDE, et environ
55% des ressources mondiales de gaz. C’est enfin 5,6 millions de soldats et 364
milliards de dollars de budget militaire face à l’OTAN avec 900 milliards dont
600 fournis par les Etats-Unis.
Mais l’influence de la
Chine et de la Russie ne s’arrête pas là et dépasse les frontières de l’Asie
avec l’association des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud)
depuis 2010 dont le dernier sommet a eu lieu en Afrique du Sud et en juillet
dernier. En population les BRICS sont équivalents à l’OCS et représentent entre
23 et 25% du PIB mondial. Leur association est basée sur la non-ingérence, l’égalité et le gagnant-gagnant. A but essentiellement
économique, les BRICS ont globalement le plus fort taux de croissance des pays
émergents et Goldman Sachs prévoyait déjà en 2003 qu’ils seraient
économiquement prépondérants en 2050.
Dans ces associations et
accords multiples et souples, tout évolue très vite. La création d’une banque
asiatique d’investissement en concurrence de la Banque monde, le projet
pharaonique des routes de la soie, les constructions de gazoduc, la
construction de liaisons nord-sud en Asie, et le projet de monnaie remplaçant
le dollar sont en cours. Les échanges entre la Chine et la Russie utilisent le
yuan. Ce Nouveau Monde prend le pas sur l’Ancien dans un combat inévitable où
la guerre économique fera rage dans un nouvel équilibre militaire en réalisation.
Mais il nous projette le refus de l’hégémonie américaine et de la gouvernance
mondiale par le pays le plus puissant, l’inutilité du carcan d’une union de
type européen et la vertu de l’indépendance des nations dans des accords
multiples regroupant des intérêts communs. Le nez écrasé contre la vitre, les
peuples européens passent à côté de l’opportunité de prendre ce TGV en marche
en continuant à se lier économiquement et militairement aux Etats-Unis alors
que leur avenir est l’Eurasie alors que la Russie et la Chine sont en train de
s’impliquer en Afrique où notre avenir y est aussi écrit dans l’histoire.
La France refait 80 ans plus tard l’erreur de la ligne Maginot
En se calfeutrant derrière la toute puissance américaine
Et la prédation économique du leadership allemand
Qui n’a oublié que l’Europe fut à Aix-la-Chapelle.
A l’Ouest survit l’Ancien Monde qui nous pille
A l’Est éclot l’espoir d’un Nouveau Monde,
D’un vent d’avenir dans l’indépendance
Perdue par une union contre nature.
Claude Trouvé
01/08/18
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