samedi 18 août 2018

Bientôt le jour d’après et alors ? (Suite 3)


Les nombreux articles publiés sur ce blog concernant l’UE, l’euro et la politique économique française, en particulier depuis la dernière campagne présidentielle, montrent les dangers de la monnaie unique et les mauvaises orientations de la politique socio-économique française. Ils montrent aussi que l’Allemagne est apparemment la grande gagnante de l’UE et de la zone euro. Une publication du Comité Economique allemand de la CSU-CDU, le plus grand parti de la coalition et parti d’Angela Merkel, vient de mettre en exergue l’épée de Damoclès qui se rapproche de l’économie allemande. La Bundesbank approche des mille milliards de créances vis-à-vis des autres pays dont l’Italie, cette somme n’était que de 300 milliards en 2011 et elle ne comporte aucune garantie tangible de pouvoir récupérer cet argent en totalité. L’idée italienne de créer une monnaie parallèle intérieure permettant de mettre les euros italiens à l’abri de l’euromark, a décidé des politiciens allemands d’avancer la nécessité d’assortir tout nouveau transfert d’argent d’un nantissement permettant de garantir la solvabilité des pays concernés. Le chiffre de l’apport supplémentaire de créances à la Bundesbank à hauteur de 54 milliards durant le mois de mai 2018 a définitivement marqué les réflexions économiques au plus près du pouvoir allemand.

Tout ceci parait loin de nos préoccupations quotidiennes et d’une quelconque pensée du danger qui pourrait menacer notre croyance dans les vertus de l’euro, pensée constamment entretenue par le système politico-médiatique comme le principal frein à une reprise de l’indépendance économique et monétaire française. Ceci se fait en tenant à l’écart le peuple français de toute confrontation sur le sujet particulièrement technique et demandant des efforts de vulgarisation. Or si le français est ignare en géographie, il l’est tout autant en matière d’économie sous la vieille idée de l’argent sale qui maintient le secret même sur nos revenus personnels. En réalité ce qui se prépare va nous toucher très directement et nous conduire vers une situation où la solidité économique et financière des pays va jouer sur les échanges internationaux comme autrefois avec les monnaies nationales. Il faut savoir que tout achat dans un pays étranger de la zone euro passe d’un pays à l’autre par le système Target tenu par la BCE. Toutes les banques centrales nationales émettent leur monnaie et informent la BCE de la hauteur de leurs émissions avec des billets euros à l’effigie du pays émetteur. Nos achats de biens sur internet dans un autre pays de la zone euro passent par notre banque, puis par la Banque de France, puis par le système Target de la BCE, et arrive à la Banque centrale du pays étranger, qui fait suivre vers la banque du fournisseur. Par convention le passage de la Banque de France à la Bundesbank se fait dans un échange 1 pour 1, l’euro émis en France devient instantanément un euromark comme ceux émis par la Bundesbank donc l’Allemagne. 

Dans ce cas tout va bien dans le meilleur des mondes, l’acheteur est débité et le fournisseur crédité. Les + et les – s’équilibrent dans tous les passages intermédiaires. Mais si nous achetons des obligations allemandes ou si les transactions se font uniquement entre banques centrales, on a affaire à des créances et des dettes apparaissant dans les bilans des banques centrales, le système met implicitement en cause la solvabilité du pays concerné mais solvabilité garantie par l’échange conventionnel 1 pour 1. Mais si l’Italie fait un Italexit ou si le système s’écroule, le problème de la récupération réelle des créances se pose, et il se pose principalement pour la Bundesbank qui accumule les créances. L’Italie sera-t-elle solvable si elle a dévalué la lire et doit en plus rembourser en euros à l’Allemagne ? Alors à quoi réfléchit l’Allemagne ? A créer un nouvel accord Target, accord qui ferait que toute nouvelle créance accumulée par les banques centrales venant vis-à-vis d’un pays tiers devrait être nantie, « collatéralisée » selon le langage européen, donc garantie par des biens sonnants ou trébuchants.

Bof direz-vous. Néanmoins cela veut dire que la valeur de la garantie se négocie et que l’on en revient à un marché des cours sur la monnaie euro, où un euro-grec n’est plus équivalent à un euromark. Ce qui était déjà visible au niveau des emprunts des pays auprès des banques avec des taux différents par pays deviendrait vrai pour l’ensemble des transactions bancaires de pays à pays. C’est ce que Vincent Brousseau, ancien économiste de la BCE dont je vous incite à lire l’article sur UPR.fr, nomme « la sortie furtive de l’euro » et la fin de l’équivalence du 1 pour 1 dans les transactions, c’est-à-dire en fait le retour aux monnaies nationales. Si cette incitation allemande va jusqu’au bout de la création d’un Target3, les conséquences pour le jour d’après sont incalculables et remettront chaque pays devant ses responsabilités sans la possibilité de se servir des Targets pour cacher ses propres dettes et cela en prêt sans intérêt.
Revenons donc à la position de la France dans son déficit public et sa dette. Même si la France a fait progresser son déficit prévisionnel réel bien au-delà de l’inflation en 2017, tout en diminuant son pourcentage par rapport au PIB grâce à quelques astuces comptables sur les dépenses militaires pour l’UE retirées du budget et l’intégration des marchés de la prostitution et de la drogue ajoutés dans le PIB, elle n’est pas en bonne situation européenne. Elle se trouve dans les plus forts déficits en compagnie de l’Italie, la Roumanie, le Portugal et l’Espagne. Cette position peu enviable contraste avec celle de la Suède, l’Allemagne, les Pays-Bas et le Danemark qui engrangent des excédents. Si la France a diminué de 0,8%/PIB son déficit, et fait mieux que la zone euro avec 0,6%, elle n’est que légèrement au-dessus de la moyenne à 0,7% et fait moins que l’Espagne avec 1,2%. 

La différence marquée entre les pays du nord excédentaires voisins de l’Allemagne et les grands pays du sud montre que ces derniers sont des grands pourvoyeurs de richesses pour ceux du Nord. Mais la présence de pays excédentaires et bénéficiaires de l’aide européenne pose une question de fond : « Doit-on continuer à aider des pays qui ont des excédents budgétaires ? », c’est d’ailleurs ce qu’a compris la BCE et l’Allemagne qui arrêtent l’aide à la Grèce. J’ai montré l’impact du solde du commerce extérieur sur le PIB et ce que les Etats en font par rapport à la population sur le PIB/habitant. Mais qu’en est-il des excédents et déficits publics sur ce PIB/habitant ? Le graphique ci-dessous montre la variation du solde des budgets nationaux/PIB et d’autre part la variation du PIB/habitant calculée en référence à l’UE. Autrement dit sur une année donnée les variations du PIB/habitant tiennent compte de celle de l’UE par soustraction, l’UE figure alors avec une variation nulle sur le graphique ci-dessous. Par ailleurs le Royaume-Uni n’est pas représenté car l’année 2012 a vu la dévaluation de la livre et ceci fausse les résultats entre 2016 et 2017, ce ne sera plus le cas en 2018.

Tout d’abord l’Irlande apparaît comme un cas particulier dont l’origine est les taxes très faibles autorisées par l’UE sur les sociétés qui augmentent très sensiblement le PIB/habitant, lequel place l’Irlande à la 2ème place (2,4 fois le PIB/habitant de l’UE) derrière le Luxembourg mais loin devant l’Allemagne pour cet indicateur qui concerne directement le niveau de vie des populations. Ceci confirme combien la taxe sur les bénéfices des sociétés est un levier économique fondamental. La deuxième remarque concerne la France qui apparait comme un pays dont l’amélioration du déficit public/PIB ne profite aucunement au PIB/habitant. Autrement dit l’amélioration du déficit/PIB se fait par ponction sur la richesse du pays. Rappelons au passage que le déficit a néanmoins augmenté en valeur euro de 2016 à 2017.  L’Italie présente une situation similaire qui dure depuis des années et qui a abouti à une révolte électorale dont les conséquences ne sont pas encore toutes arrivées. A contrario l’Espagne redistribue son rattrapage du déficit. Dans une moindre mesure c’est aussi le cas de l’Allemagne, pays bien moins endetté que nous et au PIB/habitant supérieur. En fait seuls deux pays réduisent le PIB/habitant, le Luxembourg, pays riche, et la Suède qui fait face à un afflux très important de migrants. Ce pays devrait donner à réfléchir à ceux qui soutiennent mordicus que l’immigration est une chance. Ce postulat mérite au moins de distinguer les pays en manque de main-d’œuvre et puissants comme l’Allemagne par rapport aux autres au PIB/habitant plus faible et au chômage élevé. Les Italiens l’ont compris. On constate aussi combien il est intéressant d’être un paradis fiscal comme Malte, et la nécessité de ne pas aller trop loin dans la redistribution comme le Portugal qui reperd le terrain gagné. 

Il faut revenir sur la France qui pratique une politique d’austérité essentiellement sur les richesses du pays par les taxes et impôts sur les contribuables, les consommateurs et lâche des sommes considérables d’aide aux entreprises dont l’essentiel va aux grandes sans un retour suffisant sur la croissance par rapport aux autres pays. La France se saigne et régresse. La baisse du déficit/PIB ne donne qu’un satisfécit à l’UE qui réclame le passage en-dessous des 3% mais cela ne s’obtient pas par une meilleure santé de l’économie mais par une saignée sur 99,9% du peuple, les très riches devenant encore plus riches. L’actualité nous montre pourtant que la réussite d’un pays est aux mains des entreprises certes mais à condition que l’Etat crée les situations favorables, et sur ce point Trump est en passe de nous donner une leçon d’économie avec une croissance record à 4,1%. C’est d’autant plus vexant qu’il ne semble pas qu’il faille sortir des grandes écoles économiques pour appliquer des recettes de bon sens. L’actualité a un peu bouleversé le déroulement de cette série d’articles mais dans le prochain il sera question de tirer les leçons du passé et de persuader chacun d’entre nous que la voie suivie actuellement ne peut pas nous sortir d’une descente aux enfers qui s’accélère. 

Il n’y a pas de bon vent pour ceux qui n’ont pas de cap 

La France se comporte comme un bateau ivre

Ballotée entre l’Allemagne et les Etats-Unis 

Suivant leurs « invectives » économiques

Par le truchement d’une UE instable. 

L’esquif UE-euro-OTAN prend l’eau

Sautons avant de couler avec lui !

Claude Trouvé 
18/08/18

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