L’une
des tâches essentielles de l’État est de maintenir l’indépendance et les moyens
de la Justice, dont le rôle doit être de distinguer les « punissables »,
quel que soit leur statut social, sans favoritisme, et de veiller à l’application
des peines. Pour se faire il existe un Ministère de la Justice et des lois sur
lesquelles s’appuie l’ensemble des magistrats. Ce ministère dispose du
ministère public ou parquet qui est chargé de défendre l'intérêt de la
collectivité et l'application de la loi. Son rôle est essentiellement d’exercer
l'action publique pour les infractions pénales causant un trouble à l'ordre
public et d’être à l'initiative des poursuites (ou des non-poursuites). Il est
théoriquement susceptible d'intervenir devant toutes les juridictions de l'ordre
judiciaire, en particulier au pénal et au civil. En gros on peut dire qu’il est
le représentant de l’Etat dans une Justice voulue indépendante et exercée par
la magistrature du « Siège » qui rend les décisions de justice en
application du Droit.
Les
magistrats du parquet, magistrature, dite « Debout », est
hiérarchiquement liée au Garde des Sceaux qui a sur elle un pouvoir
disciplinaire. Formés par l’École nationale de la magistrature de Bordeaux, les
magistrats du parquet sont nommés par le Président de la République, sur proposition
de la Garde des Sceaux après avis consultatif du Conseil supérieur de la
Magistrature. La réforme constitutionnelle prévue pour donner à celui-ci un
droit de véto a été abandonnée en juillet 2013. On voit là le talon d’Achille
de cette organisation où l’ingérence du politique est forte. C’est le cas de la
pression exercée sur les Procureurs de la République. C’est ainsi que le juge d’instruction
ne peut instruire une affaire à charge et à décharge que sur « saisine »
du Procureur de la République. C’est ainsi que des affaires peuvent ou non être
instruites au bon vouloir du Procureur, donc parfois du gouvernement. De plus le
juge d’instruction instruit une affaire en coordination avec le Procureur.
On
voit que dans ce domaine l’État tire beaucoup de ficelles et même si la
magistrature du siège est censée juger en toute indépendance, elle a des règles
de recrutement, de formation et d’avancement quasiment identiques à la
magistrature du parquet. Dans le cas en particulier des affaires arrivant en
justice par le Procureur de la République, les conditions d’indépendance de la
Justice ne sont pas forcément réunies. Il y a là un débat de fond dans une
démocratie où l’on pourrait souhaiter au moins une magistrature du siège nommée
et avancée par un Conseil supérieur de la Magistrature lui aussi plus autonome.
A l’inverse l’État veille jalousement à ne pas créer un pouvoir parallèle même
au détriment d’une justice indépendante comme cela est voulu dans l’esprit de
la Constitution.
Mais l’État se sert des lois pour restreindre les libertés, augmenter le domaine du « punissable »
et durcir les décisions de justice. C’est le cas de Manuel Valls qui ne sait
plus quoi faire pour montrer l’autorité de l’Etat en surfant sur les attentats
du 13 novembre. Il vient d’annoncer son intention d’étendre la déchéance de
nationalité « aux cas de délinquance les plus graves », ce qui laisse
un large champ d’application pour l’instant et pour l’avenir. La déchéance de
nationalité a deux aspects pour l’inculpé, la déchéance des droits civiques et
l’arrêt des aides et subventions qui lui étaient éventuellement accordées. Ce
dernier point va être celui qui va avoir un impact sur les individus issus des
classes défavorisées, il n’est donc pas égalitaire. Par ailleurs la déchéance
de nationalité n’enlève pas les droits et aides des sans-papiers.
Si la justice fonctionne mal aujourd’hui, c’est que,
sous prétexte d’une idéologie laxiste, d’un manque de place dans les prisons et
d’un manque de moyens des différents tribunaux et magistrats, on a une justice
lente et un nombre insupportable de délinquants qui n’exécutent pas leur peine
dans la privation totale ou réellement contrôlée de liberté. L’allègement des
peines pour des raisons de moyens n’a aucun sens et diminue la sécurité du
citoyen. Il faut donc redonner des moyens à la Justice et tout mettre en œuvre pour
que les délais entre le délit, la décision de justice et l’exécution de la
peine soient le plus court possible. Si certaines affaires demandent des délais
longs d’instruction, la plupart peuvent être soldées rapidement si les moyens
de la justice sont suffisants. On ne doit pas croupir longtemps en prison en
attente de jugement, cela libèrerait des places.
Les instructions du Ministère de la Justice de ne pas déférer certains
délinquants pour des raisons d’âge, de gravité du délit, de race, ne sont pas
acceptables. Elles sont la porte ouverte à toutes les dérives et à une
démobilisation des forces de police et de gendarmerie. Il a des lois et tout
contrevenant doit être puni, quel qu’il soit. Il ne peut y avoir une justice à
plusieurs vitesses et modulables en fonction des individus. Sinon le principe d’égalité
devant la loi perd tout son sens et la démocratie aussi. Notre pays est entré
dans la voie de la facilité où l’on adapte la loi, non plus en fonction des
principes fondateurs de la République mais en fonction des besoins politiques
de l’Etat. Cette façon d’assurer le fonctionnement de la Justice, devoir
régalien indispensable à une démocratie et à la sécurité de la population,
conduit à la rendre injuste, lente, inefficace et dangereuse pour la sécurité
du citoyen.
Il n’est
pas de pays démocratique sans une Justice,
En
mesure de faire respecter les lois et de punir,
Indépendante
du pouvoir exécutif, qui garantit
Les
droits et les devoirs du citoyen.
Claude
Trouvé
Coordonnateur
MPF du Languedoc-Roussillon
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