Les
prévisionnistes de Bercy et de la Commission de Bruxelles ont fait tourner
leurs ordinateurs sur leurs modèles mathématiques pour les chiffres de
croissance et de chômage pour 2014. La Commission table sur 1% de croissance et
11% de chômage soit 0,2% de plus qu’en 2013 mais admet ne pas avoir des
précisions suffisantes sur le Pacte de Responsabilité pour en tenir compte. Bercy
de son côté pense que la croissance sera de 0,9% et le Président repousse
l’inversion du chômage à fin 2014 en affirmant que le Pacte de Responsabilité
et le Crédit Impôt Compétitivité vont permettre de tenir ces objectifs. Est-ce
un pari tenable et quel doit être alors l’impact de ses deux instruments sur la
croissance ?
Lors
d’un article précédent j’ai pu montrer que l’impact de la croissance sur le
chômage avait probablement été divisé d’un facteur proche de 3 en 2012-2013 par rapport
à la période 2007-2012. C’est ce qui explique que nous bénéficions
moins que les autres pays du sud d’une reprise de la croissance. La période
2012-2013 a donné de l’ordre de 0,22%
de hausse de chômage pour 1% de
croissance au lieu d’une baisse du
chômage de 0,42% pour la période précédente 2007-2012. Cette différence
vient sans doute de la situation économique déjà plus dégradée en 2012 qu’en
2007 et d’une politique économique moins efficace depuis 2012 sans que l’on
puisse à ce stade différencier le poids de l’une et de l’autre.
La
probabilité insuffisante, vu la dispersion statistique des valeurs
trimestrielles, de croissance et de variation du chômage, utilisées, demande
une vérification de ces résultats avec les prévisions de la Commission de
Bruxelles. Elle est facile puisque Bruxelles table justement sur 1% de
croissance et que ma prévision donne 0,22% de hausse du chômage pour cette
croissance, d’où 11% de chômage pour 10,8% en 2013. Il y a bien concordance sur
l’estimation du chômage entre les deux approches.
Sur
cette base on peut donc refaire l’estimation du chômage selon la prévision de
Bercy sur l’hypothèse d’inexistence du pacte de responsabilité comme l’a fait
la Commission européenne. Avec les 0,9% de croissance annoncé, selon moi le
chômage augmenterait de 0,27%. A l’inverse si l’on part de la promesse d’une
inversion significative du chômage avec une baisse de 0,1% par exemple, la
croissance devrait être de 1,73% sans la mise en œuvre du pacte de responsabilité.
La conclusion est donc que la prévision de Bercy n’est effectivement pas
tenable sans le pacte de responsabilité.
Celui-ci
doit donc « doper » l’efficacité de la croissance sur le
chômage. On peut trouver la valeur de l’efficacité de la croissance nécessaire en
posant la double contrainte de 0,9% de croissance et d’une baisse du chômage de
0,1%. Le résultat c’est un doublement de l’efficacité de la croissance sur le
chômage qui est nécessaire. Dans ce cas 1% de croissance entraîne alors 0,18%
de baisse du chômage. On peut alors espérer que 0,9% de croissance, comme prévu
par Bercy, donne une baisse de 0,1% du chômage et que l’objectif de l’inversion
du chômage soit atteint fin 2014.
Est-il
possible que le pacte de responsabilité réalise cet objectif ?
Théoriquement oui, puisque dans la période précédente, 1% de croissance
entraînait une baisse de plus de 0,42% du chômage, soit plus de deux fois plus.
Toutefois n’oublions pas que durant cette période la dette publique s’est
augmentée de 600Mds€. Or le gouvernement actuel ne peut plus se permettre d’augmenter
le déficit public sans compromettre la confiance des investisseurs et le faible
taux d’intérêt de ses emprunts car on n’est plus dans une sortie de crise aigüe
comme en 2009.
Notre outil industriel s’est affaibli en
nombre d’entreprises depuis 2009 et la compétitivité de nos entreprises aussi.
Notre capacité, à rétablir une efficacité de la croissance sur le chômage, s’est
donc sûrement dégradée. Par ailleurs la définition des conditions d’application
du pacte ne seront connues au mieux que fin mars 2014. Sa mise en application
demandera encore un délai de mise en place, et les 50 milliards du CICE et du
pacte de responsabilité ne seront totalement versés qu’en 2017. L’efficacité
pour 2014 va en être réduite d’autant, vu les sommes qui pourront arriver
réellement dans les entreprises et les contraintes supplémentaires que ne vont
pas manquer de demander les syndicats et l’Etat.
Trop
d’incertitudes pèsent sur l’efficacité réellement disponible du pacte de
responsabilité en 2014 pour que l’on puisse raisonnablement espérer une
inversion du chômage en 2014. Ce serait déjà bien que cela se produise en 2015.
Le pacte de responsabilité s’annonce plutôt comme un effet d’aubaine pour les
entreprises qui pourront en bénéficier pleinement, donc les grosses. Il leur
permettra sans doute d’éviter quelques délocalisations ou fermetures mais sera
surtout utilisé pour augmenter les marges trop basses et les dividendes avant
de penser à des investissements et en dernier lieu à des embauches. Car pour
ces dernières il faut auparavant reprendre position sur des marchés perdus et
en regagner d’autres.
Des mots, des mots qui masquent des
actions manquées,
Des allers retours, des tracasseries
administratives,
Et un Etat de moins en moins crédible
Inspirant… la méfiance… un comble !
Claude Trouvé
Coordonnateur MPF du Languedoc-Roussillon
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