Pendant que se déroule à Bruxelles la réunion au sommet des chefs d’Etats, réunion de poker menteur ou tout le monde se réclame de l’Europe en tirant la couverture à soi, une guerre économique d’une autre ampleur se déroule actuellement…. la guerre des monnaies. Elle rend d’ailleurs dérisoire les querelles entre les pays du nord, le Royaume-Uni, l’Allemagne, et la France tête de file des pays du sud. Comme l’avait fait Margaret Thatcher, Cameron repartira de Bruxelles avec son dégrèvement sur sa participation au budget européen. L’Irlande aura renégocié le remboursement des prêts de la BCE et desserré ses mesures d’austérité. L’Allemagne n’aura rien lâché sur la politique d’austérité qu’elle impose. La France gardera la plupart des avantages de la PAC et obtiendra le renforcement du pacte de croissance.
Ainsi chacun rentrera, comme d’habitude, en criant victoire. La baisse de 3,5% du budget européen représente 33,6Mds€ et il y a fort à parier que ce n’est pas sur son budget de fonctionnement interne que la Commission Européenne va rogner. Par ailleurs cette somme est dérisoire par rapport à la somme des budgets des pays de l’UE. Le but pour chacun est de ne pas perdre la face, c’est dire avec quel enthousiasme l’Europe est en train de se construire ! En fait rien n’est réglé avant l’avis du Parlement européen qui risque de renvoyer la copie aux signataires. La dislocation de l’UE est toujours une menace devant les disparités croissantes avec la crise et les politiques d’austérité.
Mais ce marchandage, tragico-comique est bien peu de chose par rapport à la guerre qui se livre entre les monnaies fortes sur le plan mondial ou tout au moins celles sur lesquelles se font la grande majorité des échanges économiques, dollar, euro, yen, franc suisse, yuan. En un peu plus d’un mois le dollar a perdu 9% par rapport à l’euro qui voisine vers les 1,35 dollar. C’est une situation inquiétante, car ce mouvement de l’Euro va provoquer, s’il persiste, une véritable catastrophe pour l’économie française d’autant plus que le yen, la livre et le franc suisse font de même.
Le mouvement actuel ne traduit pas tant la « force » de l’Euro que la faiblesse, voulue ou subie, des autres monnaies. En effet, au Japon, le nouveau gouvernement conservateur du Premier Ministre Shinzo Abe a décidé de mener une politique de dépréciation agressive du Yen pour relancer l’économie de son pays. Les États-Unis ont connu un 4ème trimestre 2012 très décevant, avec une croissance nulle et une légère remontée du taux de chômage, qui atteint actuellement 7,9%. La Banque Centrale des États-Unis est à nouveau à la manœuvre, et l’on s’attend à de nouveaux achats massifs de dettes publiques et privées. Le dollar se déprécie. On observe des phénomènes similaires avec la Livre Sterling. Pour le taux de change entre la Livre et l’Euro, ici encore il est clair que des raisons économiques (la stagnation de l’économie britannique) poussent les dirigeants de la Bank of England à chercher une dépréciation de leur monnaie.
Le décrochage de la monnaie suisse est beaucoup plus faible à 3%, ce qui tend à montrer que la Suisse ressent la crise sur son économie mais reste toujours une monnaie attractive. On voit bien que c’est une baisse des monnaies de référence qui propulse l’euro vers le haut et non une dynamique économique plus forte. La déclaration de Pierre Moscovici le dimanche 3 février selon laquelle l’Euro serait fort parce que sauvé est donc parfaitement inappropriée.
La France est le pays le moins intégré de l’Europe puisque ses exportations ne sont qu’à 50% sur les pays européens. Elle est donc particulièrement sensible à la guerre des monnaies. Selon les économistes une augmentation de l’euro de 10% entraînerait une baisse supplémentaire de 1,2% et au moins 120.000 chômeurs supplémentaires. Les récentes mesures de « compétitivité emploi » vont voir leur effet annulé et la France ne peut plus faire grand-chose, à part diminuer ses dépenses publiques… un rêve. Elle peut se tourner vers la BCE. Celle-ci pourrait aussi se livrer à une monétisation importante des dettes en Europe, sur le modèle des politiques dites de « Quantitative Easing » inaugurées par la FED depuis 2009. L’Allemagne, qui cherche à reprendre le contrôle de la BCE pour s’assurer de la mise en œuvre des plans d’austérité, s’y opposera.
La France comprendra-t-elle un jour que perdre le contrôle de sa monnaie
C’est abandonner aux autres la santé économique du pays ?
Claude Trouvé
Coordonnateur MPF du Languedoc-Roussillon
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