La
dépense du plan énergétique apparaît comme un fait acquis pour une majorité de
Français et même de Gilets Jaunes. Pour ces derniers le fait de sauver leur
pouvoir d’achat ne saurait faire oublier celui de sauver la planète. Le plan
énergétique de remplacement de l’énergie nucléaire par des énergies renouvelables
aléatoires et intermittentes, EnRia, est donc validé dans leur esprit. Le coût
de cette opération n’est pas négligeable par rapport au coup de pouce annoncé
par Macron. Celui-ci a parlé de 5 milliards d’euros par an, mais il s’agit du
coût direct affecté au budget 2019 mais la réalité est toute autre car il s’agit
de 10 millions par an, passé partout comme l’on dit. C’est donc l’équivalent du
cadeau princier. Autrement dit l’arrêt de la mise en œuvre des EnRia permettrait
de renouveler le cadeau princier chaque année.
Il
est connu que les énergies renouvelables sont subventionnées dans leur
implantation et dans leur production, on ne peut donc nier qu’il s’agit d’une concurrence
faussée vis-à-vis des autres énergies. La démonstration en est fournie par l’Espagne,
l’un des pays à avoir eu un plan énergétique vert conséquent, où l’arrêt des
subventions a immédiatement tari l’implantation supplémentaire des EnRia. J’ai
montré dans de très nombreux articles que la politique énergétique verte française
ne correspondait pas à un besoin mais à une idéologie de sauvetage urgent de la
planète, où la nécessité de protéger nos ressources naturelles s’est désormais mise
à la remorque de l’urgence du réchauffement climatique. Si l’on peut parler de
démarche idéologique pour la France, il n’en est pas de même en Allemagne. La France
offre l’une des plus faibles émissions de CO2 due à la production
électrique. Elle le doit à sa production à 75% par l’énergie nucléaire.
La position allemande
est beaucoup plus rationnelle car ce pays est l’un des plus pollueurs des pays
européens avec un taux de CO2 émis double de celui des français par
habitant. La raison tient essentiellement à l’utilisation massive du charbon et
du lignite pour la production électrique à hauteur de 50%. De plus ceci ne génère
pas seulement du CO2, non nocif pour notre santé à ces taux, mais de
nombreux polluants qui eux le sont. L’objectif, de réduire ces émissions, est
donc tout-à-fait réaliste. Par ailleurs les écolos verts allemands sont moins
sensibles que les français au sauvetage de la planète par la réduction du CO2,
mais plus à l’arrêt du nucléaire et au sauvetage des ressources de la planète. L’Allemagne
s’est donc donné un double objectif, d’une part arrêter le nucléaire, d’autre
part diminuer la pollution par la production thermique en électricité polluante
et non renouvelable. Ce dernier objectif contient le résultat attendu de la
baisse du CO2 émis.
L’Allemagne
s’est donc tournée vers les EnRia (solaire et éolien) car son énergie
hydraulique est faible, de l’ordre de 3% à 5% selon les années, et sans possibilité
d’évolution. Le caractère intermittent et aléatoire des EnRia nécessite un complément
de pilotage par les autres énergies. J’ai estimé en regardant les bilans électriques,
belges, français et allemands, qu’en gros 1 kWh d’EnRia produit a entraîné
annuellement 1 kWh d’énergies pilotables. On notera que le total des énergies
pilotables (charbol, gaz, hydraulique, biomasse) a produit de l’ordre de 400 TWh
en 2017 et a permis de réguler facilement les 145 TWh des EnRia (solaire et
éolien). L’arrêt des dernières nucléaires en 2022 est toujours possible avec une
augmentation des EnRia mais il ne sera guère possible d’aller plus loin que
l’arrêt de la moitié des centrales à charbon restantes sauf en poussant la
biomasse. Le plan vert allemand arrive à son terme. On
constate par ailleurs sur le tableau précédent que la production brute croît
légèrement de moins de 1% par an et que tout supplément de production des EnRia
ne peut qu’augmenter l’exportation alors que l’Allemagne est déjà le premier
exportateur européen.
Les
graphiques ci-contre montrent l’évolution comparée des différentes énergies de
2002 à 2018 et la variation entre ces deux années. Si la production du nucléaire
est en très forte baisse, celle du charbon est aussi importante mais moindre. L’éolien
et le solaire sont en très forte hausse ainsi que la biomasse, renouvelable
mais polluante. On notera que le gaz et le lignite évoluent peu. On voit donc
que vis-à-vis des émissions de CO2, la disparition du charbon est compensée par
l’augmentation de la biomasse plus polluante. On ne peut donc pas s’attendre à
un effet significatif sur les émissions de CO2. La consommation est
très inférieure à la production, même compte tenu des pertes en ligne et des
importations. Le calcul pour 2017 fait ressortir une exportation croissante à
hauteur de 80 TWh essentiellement composée des productions éoliennes et solaires.
L’Allemagne devient de plus en plus exportatrice d’une électricité arrivant
inopinément sur le marché de gros européen en surfant sur la flexibilité du
réseau électrique européen, flexibilité qui n’est pas sans limite et peut
conduire l’Europe au blackout. On a vu plus haut que cette politique va trouver
ses limites en 2022 avec l’impossibilité de poursuivre plus loin l’arrêt des
centrales à charbon. Or les exploitants des centrales à charbon qui doivent
faire face à des productions de plus en plus hachées pour le pilotage des EnRia
sont entrés dans une phase de non-rentabilité et l’ont fait savoir au gouvernement
fédéral.
En résumé l’objectif
de décroissance du nucléaire et du charbon est atteint mais celui de la
diminution du CO2 ne l’est pas. Les chiffres officiels des émissions
de CO2 sont donnés par Franhoser ISE (Allemagne) et RTE France (France).
La France génère principalement l'électricité par des centrales nucléaires, et
a généré en 2016 530 TWh d'électricité (avec une moyenne 58 grammes d'émissions
de CO2 par kWh). L'Allemagne fermera toutes ses centrales nucléaires
d'ici 2022. En 2016, l’Allemagne a généré 545 térawattheures (TWh)
d'électricité (avec une moyenne de 560 grammes d'émissions de CO2
par kWh). En conséquence, presque dix fois plus que la France, plus de 300
millions de tonnes. Malgré l’augmentation de capacité des EnRia (l'énergie
solaire et éolienne) en Allemagne, les émissions de CO2 ont augmenté
en 2016, pour la deuxième année de suite. Par ailleurs remplacer les centrales
à charbon par des usines à biomasse s’explique par les subventions accrochées
au KWh produit alors que les exploitants des centrales à charbon voient leurs
conditions d’exploitation se détériorer avec des productions hachées dues au
pilotage des EnRia et ceci sans subvention. Elles ne deviennent plus rentables.
C’est environ 65% de la production allemande qui est subventionnée. L’hydraulique
et la biomasse sont considérées comme énergies renouvelables subventionnables. C’est finalement une somme de l’ordre de 45
milliards de subventions par an que donne l’Allemagne pour les EnR dont 13
milliards pour l’éolien et le solaire.
Ceci
est à comparer avec les 5 milliards du budget 2019 affectés à la transition
énergétique en France, et aux 10 milliards de coût réel. On voit que l’Allemagne
s’est lancée dans des dépenses somptuaires avec pour seule réussite l’arrêt des
centrales nucléaires. Toutefois le coût du kWh est le plus élevé derrière le
Danemark et l’Allemagne ne respecte pas ses obligations demandées par la COP21
de diminution des émissions de CO2 par la production électrique,
celle-ci représentant 40% de ses émissions totales. L’Allemagne satisfait donc
la peur du nucléaire des écologistes au prix d’un courant cher, de dépenses
somptuaires par an pour les subventions aux EnR, d’une exportation grandissante
de courant, aléatoire et intermittent, exporté en Europe, en dessous du prix coûtant,
et avec le risque de déstabiliser le réseau européen de distribution. La France
devrait en tirer la leçon avant de voir doubler le prix de son kWh, se ruiner
un peu plus chaque année en subventions aux EnRia, et voir croître ses
émissions en CO2 à cause de l’obligation de faire produire plus aux
centrales thermiques pour le pilotage des kWh supplémentaires des EnRia. Tout
ça pour le plaisir d’arrêter des centrales nucléaires, fournissant un kWh
meilleur marché, et non polluantes en CO2 mais aussi en souffre,
nitrates, particules fines, etc. L’Allemagne n’attend que notre arrêt des
centrales nucléaires pour nous fournir du gaz russe pour nos nouvelles
centrales thermiques, comme celle de Landivisiau, et devenir indispensable et
raquetteuse de notre économie.
En s’ingéniant à singer l’Allemagne pour
l’austérité
Mais aussi pour une énergie verte
inépuisable
La France surfe sur des rêves
idéologiques
Et se tire deux balles dans le pied !
Claude Trouvé
05/01/19