Royaume-Uni et Irlande
1. Royaume-Uni
Le Royaume-Uni a dépassé le seuil d’alarme de 1 décès/million le 16 mars, soit 10 jours après la France, et 14 jours après l’Italie, premier pays touché en Europe. Il devient le pays le plus atteint après la Belgique par son nombre de décès par habitant avec 0,070% de la population le 24 juillet. Ce même jour le taux de mortalité est de 0,047% en France et de 0,009% dans le monde. Ceci montre au passage que le taux de mortalité de ce coronavirus est faible et que les pays de l’Europe de l’Ouest sont anormalement touchés, puisque la Belgique est à 0,086%, l’Espagne à 0,061%, et l’Italie à 0,058%. Le 2 août son taux de létalité est de 15,12% (cas/décès), plus élevé que celui de la Belgique à 14,09%, de la France à 13,30%, et que le taux mondial à 3,80%. Faut-il rappeler que le nombre de morts au niveau mondial atteint 690.000 aujourd’hui mais a dépassé le million lors de la grippe de Hong Kong comme pour la grippe asiatique la décennie précédente. A-t-on autrefois mis à mal l’économie mondiale et particulièrement celle des pays européens et américains pour ces pandémies ? Est-ce simplement que notre rapport à la mort a changé ou plutôt que des puissances mondiales jouent leur propre partition contre les peuples ?
Le Royaume-Uni a pris le parti en tout début de crise épidémique de suivre l’exemple suédois fondamentalement basé sur le principe de l’immunisation collective. Dès que des cas sont apparus au Royaume-Uni le 31 janvier, une campagne d'information sur la santé publique a été lancée pour conseiller les gens sur la manière de réduire le risque de propagation du virus. Le conseiller médical en chef du gouvernement britannique, Chris Whitty, a exposé une stratégie pour lutter contre l'épidémie, basée sur quatre objectifs : contenir, retarder, la science et la recherche, et le quatrième, pour atténuer. Dès le 3 mars, le Premier ministre Boris Johnson a dévoilé le Plan d'action contre les coronavirus basé sur une politique d'immunité collective, stratégie très risquée pour sa population, stratégie que le Royaume-Uni était seul à suivre avec les Pays-Bas et la Suède. Ce n’est que le 24 mars que le renoncement à la politique d’immunité collective est officialisé alors que le seuil de 1 décès/million a été dépassé depuis 8 jours, et le confinement national ordonné pour trois semaines. Le port du masque n’est obligatoire que dans les transports en commun et recommandé dans les espaces clos que depuis le 15 juin et rendu obligatoire depuis le 24 juillet à l’exception des pubs et des restaurants.
On voit que l’idée de l’immunisation collective est restée en filigrane malgré son abandon officiel. Les mesures de restriction de liberté ont été beaucoup moins strictes qu’en France et la gêne psychique et physique du port du masque et du confinement a été limitée au maximum. Le Royaume-Uni le paie par un nombre de décès à 0,070% très élevé qui le place en deuxième position mondiale et est pointé par certains comme l’échec de cette politique. Toutefois on note que si le Royaume-Uni se place entre la Belgique (0,086%) et l’Italie (0,058%), ces deux derniers pays ont pourtant appliqué un confinement généralisé et un port de masque beaucoup plus tôt. La réponse sanitaire n’est donc pas évidente à juger. Mais on peut noter que le Royaume-Uni a manqué de lits, de matériels, et de personnels de santé après une politique d’austérité sévère sur les hôpitaux. Son taux de létalité (cas/décès) à 15,12% est supérieur à celui de la Belgique, et de l’Italie. Si le Royaume-Uni avait eu le même taux de létalité que ces deux pays, il aurait évité le décès de 3000 personnes environ et son taux de mortalité se serait rapproché de celui de l’Espagne, un autre pays ayant appliqué une politique de confinement et de port du masque beaucoup plus stricte. Les bénéfices pour le Royaume-Uni sont un moindre impact sur l’économie avec seulement -2,19% au 1er trimestre 2020 à comparer à -5,34% pour la France et -3,18% pour l’UE, et une meilleure immunisation de la population. Il a par ailleurs choisi des mesures sociales pour le chômage partiel des salariés à hauteur de 80% du salaire comme en France mais un minimum social pour les professions indépendantes.
2. Irlande
La pandémie du Covid-19 en Irlande s’est propagée à partir du 29 février 2020. En Irlande, les écoles ont fermé dès le vendredi 13 mars, contre le vendredi 20 mars au soir en Angleterre. Les consignes sur le confinement à résidence ont été différentes entre l’Irlande du Sud et l’Irlande du Nord qui suit les consignes britanniques. Un habitant de l’Irlande du Sud présentant des symptômes liés au coronavirus doit rester isolé pendant 14 jours, et seulement 7 jours en Irlande du Nord. Le confinement généralisé de la population a été décrété, la distanciation physique demandée ainsi que le port du masque dans les transports en commun, et le télétravail a été préconisé. Mais le manque de personnel de santé et de tests a provoqué une mortalité très supérieure aux principaux pays européens. La plupart des commerces ont été autorisés à rouvrir dès le 8 juin. Il a été mis fin le 29 juin à toutes les restrictions sur les déplacements, et les lieux de culte, bars, restaurants, salles de gym, musées, théâtres, cinémas et salons de coiffure ont été réouverts. Mais le port du masque obligatoire depuis début juillet dans les transports en commun n’est appliqué que par 50% des voyageurs.
Les mesures prises en Irlande sont assez identiques à celles de la France mais moins répressives et moins strictes. On n’avait pas besoin de s’autoriser à sortir avec un document justificatif et l’aération dans les endroits verts ou le bord de mer était autorisée. Malgré une pénurie de masques, et de matériel médical, l’Irlande a instauré très tôt un dépistage dans des lieux publics avec des drive-tests à Dublin. C’est sans doute un point capital dans l’intervention précoce finalement reconnue comme primordiale dans le monde.
C’est sans doute ce qui a permis à l’Irlande d’obtenir un résultat sanitaire meilleur que le Royaume-Uni et même que la France. Avec 19% de plus que le Royaume-Uni des cas enregistrés, l’Irlande recense 48% de décès en moins et 20% en moins que la France au 1er août avec 0,036% de la population. Son taux de létalité (décès/cas) est 6,7% pour 15,3% au Royaume-Uni et 13,3% en France.
La campagne de tests étant plus étendue qu’au début de l’épidémie, le nombre de cas constaté augmente légèrement depuis le 9 juillet sans faire sensiblement augmenter le nombre de décès. L’Irlande voit la fin de l’épidémie et le nombre supplémentaire de cas semble directement lié à l’augmentation du dépistage. Loin au-dessus de l’Allemagne avec 4 fois plus de décès/habitants que celle-ci, l’Irlande réussit un meilleur score sanitaire que ses voisins, Royaume-Uni, Belgique et France. En particulier elle a laissé plus que ces deux dernières un comportement civique responsable moins dirigiste et répressif. Dans sa comparaison avec le Royaume-Uni, on doit noter une réaction plus précoce et plus coordonnée dès le départ avec un souci de dépistage au plus vite en fonction des moyens disponibles. Il semble que la coordination avec les médecins de ville ait été sur ce point plus étroite d’où un dépistage mieux ciblé. Il s’en est suivi un afflux plus progressif des malades et une moindre saturation des moyens hospitaliers. Il n’en reste pas moins que l’écart de résultats entre ces deux pays mérite que des experts en tirent des conclusions permettant de mieux circonscrire les stratégies payantes dans deux pays ayant pratiqué le confinement à résidence. On notera que le port du masque n’a pas été réellement imposé sauf en phase finale dans les transports en commun mais que la distanciation sociale a été fortement recommandée.
La croissance du 1er semestre 2020 de l’Irlande n’est pas publiée au 1er août, mais sur le 1er trimestre 2020, l’Irlande qui a bloqué son économie avant la mi-mars a été un des rares pays européens à afficher une croissance de +1,23%, alors que celle du Royaume-Uni était de -2,19% et celle de la France de -5,94% ! Elle réussit même à faire mieux que l’Allemagne à -2,02%. On ne peut pas préjuger du chiffre du 2ème trimestre mais l’Irlande devrait afficher un meilleur résultat que le Royaume-Uni et la France.
Conclusion
L’Irlande est en fin d’épidémie et elle apparaît désormais maîtrisée. Ce n’est pas encore le cas du Royaume-Uni même si l’évolution s’est considérablement ralentie. Elle contient le nombre de décès dans celui d’une grosse grippe saisonnière alors que le Royaume-Uni est le siège d’une surmortalité. Il est très probable que le résultat économique ira dans le même sens si l’on en croit les croissances respectives du 1er trimestre 2020. Le 1er cas au Royaume-Uni est constaté le 1er février, le 1er mort le 5 mars. C’est seulement le 3 mars que le plan d’action basé sur l’immunité collective est dévoilé alors que le nombre de cas était déjà de 51. La politique de tests a été pas mise en place et seulement le 24 mars est déclaré le confinement alors qu’on dénombrait déjà 423 morts. C’est un décalage de 32 jours entre le 1er cas et la première décision politique d’action, de 53 jours avec la deuxième décision politique de confinement. En Irlande le 1er cas confirmé est du 1er mars, soit un mois plus tard que le Royaume-Uni, et le 1er décès le 11 mars soit 6 jours après celui du Royaume-Uni. Dès le 10 mars le pouvoir politique d’Irlande décrète un plan d’action de confinement mais totalement en œuvre le 13 mars soit 12 jours après le 1er cas constaté et alors qu’un seul décès était encore constaté. La conclusion la plus probable de la meilleure réussite de l’Irlande par rapport au Royaume-Uni est à chercher de ce côté de la précocité d’action.
L’article précédent, où la politique sanitaire belge a été confrontée à celle des Pays-Bas, a comparé deux approches sanitaires différentes dans deux pays que l’histoire, la géographie et l’économie rend très proches. Ce n’est pas le cas du Royaume-Uni et de l’Irlande où la politique du confinement à résidence a finalement prévalu. Mais la précocité de l’action a là aussi joué un rôle décisif allié à un dépistage précoce sur les foyers de contagion. On note au passage que dans les deux cas le port du masque n’a pas apporté la preuve de son efficacité et que le confinement généralisé et tardif ne permet plus de contenir le développement de la contamination. Il est remarquable de constater qu’avec une politique plus précocement réactive, et une liberté de déplacement plus préservée, le confinement en Irlande a eu le même résultat qu’aux Pays-Bas avec une politique sanitaire basée sur l’immunisation collective, la distanciation, et le dépistage. On peut raisonnablement avancer que ce n’est pas le confinement généralisé et vraisemblablement pas le port du masque mais bien le dépistage précoce ciblé, le diagnostic, le tri avec isolation physique des seuls contaminants ou hospitalisation, qui apparaissent comme les facteurs principaux de la lutte contre la propagation et le traitement de l’épidémie.
Le prochain article sur ce sujet s’intéressera au couple Espagne et Portugal, deux pays pratiquant le confinement mais dont les résultats sanitaire et économique sont très différents. Cet article et le précédent amènent néanmoins à un commencement de réflexion qui peut se résumer ainsi :
La proximité de deux pays n’induit pas des similitudes
Dans leur comportement sanitaire et économique
Mais il y a un lien entre ces deux comportements.
Les politiques sanitaires sont toutes formatées
Sur 2 principes, autoritarisme ou confiance,
Agissant plus ou moins précocement
Avec les moyens disponibles
En personnels et matériels.
Confinement et masques
N’ont pas pu démontrer
Leur réelle efficacité,
L‘autoritarisme
Non plus.
Claude Trouvé
03/08/20
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