Une
part importante de la pensée écologique est basée sur le maniement d’un
catastrophisme plus ou moins proche dans le temps, même si l’écologie de base
est un principe de bon sens consistant à vouloir vivre mieux dans une attitude
de protection par rapport à un environnement agressif où la nature nous impose
sa loi et peut détruire l’humanité à tout moment (grosses météorites,
radiations mortelles venant du cosmos, éruptions volcaniques, surchauffe ou
refroidissement insupportables entre autres). L’homme lui-même s’est créé de
nouveaux risques ou inculqués comme tel avec la création de CO2
anthropique. La perte de la couverture de communication de la toile internet
sur quelques jours seulement peut désormais plonger l’humanité dans le chaos. L’interconnexion
grandissante des réseaux électriques européens et la part aléatoire
grandissante des énergies vertes créent une probabilité elle-même grandissante d’un
black-out sur l’Europe dont on ne peut pas évaluer la durée.
Je
voudrais ici examiner le catastrophisme répandu depuis plus d’un demi-siècle
sur l’épuisement des ressources naturelles dans un avenir de plus en plus
proche. La première ressource historiquement évoquée a été le pétrole et la menace
de dépassement du peak-oil, le moment où le débit de l’extraction du pétrole
devient plus important que l’accroissement des ressources exploitables, a fait
l’objet de maintes parutions plus ou moins scientifiques. Cela a d’ailleurs été
ma première lecture en arrivant dans le monde professionnel… en 1958. J’ai alors
bu mon premier bol d’inquiétude sur l’avenir de la planète. L’idée de cet article
m’est donc venu de la lecture d’un document qui m’a été transmis dont je vous
livre une phrase contenue dans le résumé :
« S'il reste encore de grandes quantités de
pétrole dans le sous-sol, nous atteignons actuellement (2020-2025) le pic de
production mondial, c'est-à-dire qu'il n'est plus possible d'accroître le
débit de produits pétroliers sortant du sous-sol. À brève échéance, la
production ne s'arrêtera pas brutalement, mais elle amorcera un déclin. Ce
pic pétrolier posera (et pose déjà) de grandes difficultés tant notre
économie est structurellement fondée sur cet approvisionnement massif en
énergie bon marché. »
Les
prévisionnistes des années 1970 prédisaient qu’on ne trouverait plus une goutte
de pétrole en l’an 2000 comme al Gore qui avait prédit la fonte totale des
glaces du pôle nord dès 2003. Il s’agit donc là d’une réactualisation d’un
catastrophisme inculqué depuis longtemps dans les esprits. Elle est soutenue en
permanence par une utilisation imparable du bon sens : « À
brève échéance, la production ne s'arrêtera pas brutalement, mais elle amorcera
un déclin ». Certes mais le problème est la date de l’échéance et
celle-là fait partie de l’avenir incertain. Qui gagnera le match entre
consommation et production ? La production sera-t-elle impossible ou la
consommation deviendra-t-elle nulle à cause de son remplacement par une autre
énergie ? Cela me fait penser à la réflexion d’un scientifique de renom
sur la radioactivité : « La radioactivité émet des particules qui
détruisent nos cellules humaines, donc elle est nocive pour l’homme ».
Ce propos peut servir à proscrire toute utilisation du nucléaire pour produire
de l’énergie. En fait le corps régénère en permanence des cellules, le problème
est donc de savoir si la radioactivité artificielle est supportable ou non, sachant
que nous supportons la radioactivité naturelle même dans des régions habitées
du globe où elle est mesurée comme étant hors normes. Comme pour le pétrole il
s’agit de l’équilibre entre création et destruction.
Les
renseignements sur l’évaluation des réserves, sur les prospections et les
débits d’extraction du pétrole sont fournis par les compagnies pétrolières.
Celles-ci ont une politique d’information qui leur est propre puisqu’elle a une
influence directe sur le prix de vente du baril. L’annonce d’un pic fait monter
les prix, le report dans le temps de celui-ci calme la frénésie qui consiste à
stocker outre-mesure le pétrole. La première constatation est qu’il faut se
méfier des chiffres annoncés par les compagnies qui sont juge et parti.
Toutefois on ne fait pas œuvre novatrice en affirmant « un jour ou l’autre on
ne pourra plus extraire une goutte de pétrole ». Néanmoins la situation du
marché pétrolier a été déjà bouleversée par le gaz de schiste produit par les
USA et qui, non seulement garantit leur autonomie pour l’instant, mais influe
directement sur l’UE avec un contrat négocié avec la Pologne et une pression
sur le gazoduc North Stream 2. D’ailleurs il est bon de lier réserves de gaz et
de pétrole car les deux sont plus ou moins liés à l’extraction et peuvent être
utilisés pour certains besoins identiques. Pour ses centrales thermiques,
l’Allemagne ne se tourne pas vers le fuel mais vers le gaz… et le lignite (très
polluant). De plus il faut savoir que seulement 20% du pétrole jaillit
naturellement, et le reste peut l’être mais à coût supérieur.
En
ce qui concerne les réserves de pétrole, il faut noter qu’on est loin d’avoir
exploré la totalité de la planète et que les investissements dans les forages
ont largement baissé parce que la nécessité ne se faisait plus sentir. Le
résultat est une moindre progression des réserves mais pas forcément des
ressources disponibles à découvrir. J’en veux pour preuve la politique russe
qui se tourne vers l’exploitation et l’exploration autour du cercle polaire, et
les gisements énormes de gaz et de pétrole découverts en Méditerranée où
libanais, turcs, syriens, grecs, et israéliens s’affrontent sur la propriété
des champs pétrolifères. Il s’agit de la découverte sous les fonds marins de
quelques-uns des plus importants gisements mondiaux d’hydrocarbures, et en
particulier de gaz naturel. Selon le United States Geological Survey,
l’Institut d’études géologiques des États-Unis, le bassin du Levant, qui
s’étend de la Turquie, au nord, à l’Égypte, au sud, contient 3.500 milliards de
mètres cubes de gaz et 1,7 milliard de barils de pétrole. D’autres experts
estiment qu’il y a là-bas deux fois plus de gaz et environ 3,8 milliards de
barils de pétrole. Des compagnies américaines y sont à l’œuvre et ceci n’est
sans doute pas étranger à la présence d’une partie de la flotte américaine dans
cette région.
Mais si l’optimisme reste de mise dans le futur proche, c’est
surtout que, à côté des gisements d’or noir classiques, les compagnies ont mis
au jour d’énormes quantités de brut dit "non conventionnel". Le
pétrole extralourd de l’Orénoque (qui fait désormais du Venezuela le premier
détenteur de réserves du monde), les sables bitumineux du Canada et le pétrole
de schiste des Etats-Unis représentent déjà près de 20% des réserves mondiales.
Or ce chiffre pourrait augmenter, car toutes les ressources n’ont pas encore
été évaluées. Bien sûr, ces hydrocarbures sont moins faciles à gérer que le
brut conventionnel : leur extraction coûte en moyenne entre 40 et 75 dollars le
baril, contre moins de 20 dans les sables du désert. Pétrole et géopolitique
sont très liés et la pression des Etats-Unis sur le Venezuela a surtout une
odeur de pétrole plus que de démocratie, moyen habituel pour s’ingérer masqué
comme en Libye, en Irak et en Syrie.
En fait le problème
du peak-oil ne se pose plus vraiment, la question qui interroge les compagnies
pétrolières est : « À quelle date la demande de pétrole commencera- t-elle à
décroître ? » selon le vieil adage des arbres qui ne montent jamais jusqu’au
ciel. Jusqu’à présent, cette dernière n’a cessé d’augmenter à un rythme
régulier, pour atteindre 97 millions de barils par jour en 2016. En fait la
réponse se trouve dans l’évolution démographique qui conditionne l’augmentation
du parc automobile. La Chine, l’Inde, l’Afrique entre autres sont les zones où
soit la démographie, soit l’élévation du niveau de vie, conditionnent
l’augmentation du parc. Toutefois l’Europe se fait fort d’augmenter son parc
automobile électrique de remplacement et sa démographie est plutôt à la baisse.
Cela pose d’ailleurs pour elle un besoin de production électrique croissant.
"La demande de pétrole devrait se stabiliser autour de 110 millions de
barils par jour et commencer à baisser ensuite, peut-être vers 2040",
prévoit Guy Maisonnier, économiste à l’IFP Energies nouvelles. On oublie
souvent dans les prévisions, reçues trop souvent comme des prédictions, que
l’homme n’arrête pas d’inventer des solutions de rechange en matière d’énergie
notamment. On peut donc penser comme Philippe Chalmin, professeur à
Paris-Dauphine et spécialiste de ces questions, que « quand on s’arrêtera de
consommer, il nous en restera encore sous le pied ».
Néanmoins la
variabilité du prix du baril est extrême car elle est sensible aux évènements
géopolitiques et à l’arrivée de nouvelles ressources ou au retrait provisoire
ou définitif des ressources existantes. Le blocage de l’exportation du pétrole
pour l’Iran, la catastrophe financière de l’Arabie Saoudite avec un prix trop
bas, l’arrivée massive du gaz de schiste, le pétrole de l’Orénoque et du bassin
méditerranéen sont autant de raisons de voir fluctuer le prix du baril dans de
grandes proportions. Mais les évolutions technologiques peuvent encore
bouleverser le monde de l’énergie. Citons par exemple la recherche sur
l’utilisation de l’hydrogène pour la propulsion des véhicules de transport. Si
cette solution s’avère plus prometteuse et moins chère que la propulsion
actuelle sur batterie consommant des terres rares, dont l’extraction est
particulièrement antiécologique, et liant les pays au producteur principal
chinois, le marché du pétrole en sera impacté par une progression plus rapide
du marché de l’automobile. Il y a forcément une interpénétration des sources
d’énergie qui rend particulièrement complexe la vision sur l’avenir et sur les
politiques à suivre.
Ce coup d’œil sur le pétrole nous enseigne que la
variabilité extrême du prix du baril devrait inciter le gouvernement français à
donner aux taxes sur le carburant un effet d’amortisseur du prix à la pompe et
non d’amplificateur qui a d’ailleurs été à l’origine des gilets jaunes. Le fait
que la menace de pénurie n’est pas pour demain, il n’est pas nécessaire de
dépenser des sommes folles pour promouvoir un remplacement du parc automobile,
ce qui est la politique actuelle. Aller trop vite présente l’inconvénient
d’orienter les constructeurs automobiles dans une voie subventionnée, les
détournant de la recherche d’autres solutions. Par ailleurs l’augmentation trop
rapide du parc automobile électrique conduit à des problèmes de production
électrique que les augmentations de capacité des énergies renouvelables ne
peuvent satisfaire seules par suite de leur impossibilité de s’adapter à tout
moment à la demande.
La continuation du catastrophisme sur le
pétrole
N’a pas de raison d’être mais le prix du
baril
Est une donnée économique essentielle.
La possession des zones pétrolifères
Est d’une importance géopolitique
Où la guerre trouve son but réel.
Mais la lutte pour l’acquisition
Des terres rares est déjà là
En problème écologique
Et surtout géopolitique.
Claude Trouvé
16/02/19
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