« L’Établissement »
ou « l’Establishment » aux États-Unis, c’est le conglomérat des
puissances de l’argent, des politiques, des médias, d’un monde du spectacle qui
considère faire partie d’une « caste », qui se pense supérieure et dont
les intérêts sont séparés et contradictoires avec ceux de la population, comme
en Inde. Celle-ci se considère formant le camp des « gouvernants »,
par opposition au peuple qui représente les « gouvernés ». La
collusion du monde des affaires avec le monde politique, lequel fait binôme
avec la majorité du monde journalistique, a complètement changé la politique
française et plus généralement occidentale. La notion traditionnelle de gauche
et de droite a disparu dans le « socialisme
libéral » et le « conservatisme
progressiste ». Gauche et droite jouent sur des différences de second
ordre. La principale marque de la gauche au pouvoir reste la volonté de
changement de société par le dévoiement des principes fondamentaux de la
famille, du genre, du mariage et du multiculturalisme. La droite traditionnelle
prône le respect de l’ordre, de la justice, de entrepreneuriat et de la
liberté individuelle. Ceci étant la laïcité ne divise plus la gauche et la
droite. La gauche est la première à l’écorner. Leur politique étrangère est
calquée sur les États-Unis et accepte d’être le tandem de la locomotive
allemande, leur politique migratoire est la même et leur politique économique
tournée vers le grand patronat, et toutes deux ont abandonné l’idée de nation
pour une supranationalité.
Mais c’est une nouvelle césure qui s’est faite jour
et clive la politique, le mondialisme au profit du capitalisme contre le
populisme, ce qui se traduit en France par l’UE contre l’Etat-nation. La montée
du populisme est un phénomène assez ancien, qui traduit une profonde fracture
entre le peuple et les élites. Il est venu s’y ajouter une élite technocratique
qui dépossède les électeurs de leur pouvoir et qui conduit le pays
progressivement vers la tyrannie. En France et dans différents pays d’Europe,
les peuples prennent conscience de ces cassures qui les éloignent chaque jour
un peu plus de la démocratie. Normalement les directives européennes – celles
qui s’imposeront ensuite aux Parlements élus des différents pays membres – sont
initialement préparées par la Commission Européenne. Elles doivent ensuite être
approuvées par le Conseil des ministres, ainsi que par le Parlement européen. Or
comme l’écrit Alexis Toulet : « en
pratique :
- La Commission n’est en aucun cas une institution démocratique, n’étant pas élue. La nomination par des chefs d’Etat et de gouvernement n’est pas une élection. C’est pourtant elle qui est à l’origine des textes
- Elle a la haute main non seulement sur la rédaction, mais encore sur le processus de validation à travers l’ordre du jour du Conseil des ministres, lequel est l’organe de validation principal, le Parlement européen ne pouvant pas modifier grand-chose
- Or au Conseil des ministres, le veto national n’est absolument pas disponible pour tous les sujets, son champ tend même à être de plus en plus réduit. Sur tout sujet où c’est la majorité qui suffit, un texte peut s’imposer au Parlement élu d’un pays même si le ministre qui le représente au Conseil a voté contre
- N’oublions pas d’autre part que les députés par exemple français au Parlement européen ne sont généralement pas en mesure de défendre les intérêts de la France si une majorité de députés d’autres pays veut prendre une décision qui va à leur encontre – c’est qu’à eux seuls ils ne sont qu’une minorité assez réduite du total. Et c’est vrai naturellement pour tous les pays, y compris la Grande-Bretagne
- Sans compter naturellement que dans les faits, la plupart rejoignent l’un ou l’autre des partis transnationaux (exemple le PPE pour la droite) dont les positions… peuvent à l’occasion différer de celles qu’ils sont censés soutenir sur la scène de leur pays
Du Brexit à la présidentielle française en passant
par l’élection américaine, la vengeance des peuples contre leurs élites
politiques, économiques et financières, l'essor des discours hostiles aux
élites et au système, rencontrent un écho particulier chez les populations
occidentales. C’est le rejet global du "système", jugé verrouillé, par une masse « trans-classiste »
qu’on peut appeler "le peuple".
C’est aussi l’opposition entre un "peuple" travailleur et une
"élite" corrompue. Il devient évident que l’offre politique
anti-élitaire répond directement et avec efficacité à la demande sociale, en
Europe comme aux États-Unis. On voit sous ce drapeau un rapprochement entre l’ancienne
césure gauche et droite, et justement parmi ceux qui ont gardé leurs symboles d’identité
politique comme Mélenchon et les partis à droite de LR, toujours considérés extrêmes
par leur place dans l’hémicycle. Cette répartition ne correspond plus à rien et
la loi Travail en est un bel exemple.
Ce qui caractérise la situation présente, c’est le
fait que la révolte contre la confiscation de la démocratie tend à se
confondre avec le projet de faire revivre la souveraineté nationale, de lui
redonner un sens. L’utopie du cosmopolitisme post-national, à laquelle les
élites occidentales installées se sont globalement ralliées, se heurte
désormais à une forte contestation populaire ainsi qu’à une critique sans
complaisance venue des élites émergentes. Pour ces représentants de la
communauté transnationale la souveraineté nationale et l’identité
historico-culturelle de la nation leur paraissent se réduire à des survivances
déplorables d’un passé dépassé. Les "élites mondialisées" sont
devenues à la fois étrangères et hostiles aux appartenances nationales. Elles
finissent par apparaître comme le parti de l’étranger.
Comme l’écrit Pierre-André Taguieff : « Les élites en place sont aussi accusées
d’être aveugles, complaisantes ou impuissantes face aux nouvelles menaces
pesant sur les nations : d’une part, une immigration massive et incontrôlable,
et, d’autre part, ce qui ressemble à une nouvelle conquête musulmane, théorisée
par les diverses mouvances islamistes (des salafistes "piétistes" aux
djihadistes). » La contestation des
élites exprime l’insatisfaction profonde ressentie par la majorité des citoyens
des démocraties modernes, qui ne se reconnaissent pas dans leurs dirigeants.
Ces derniers, de gauche comme de droite, sont de plus en plus perçus comme des
démagogues, disons des orateurs habiles et des imposteurs, ne se souciant
nullement du bien commun. Les liens entre la démocratie moderne et la nation
ont été parfaitement caractérisés par Raymond Aron : "La nation a pour principe et pour finalité la participation de tous les
gouvernés à l’État. (…) Renier la nation moderne, c’est rejeter le transfert à
la politique de la revendication éternelle d’égalité."
Le grand changement est incontournable pour gérer
notre pays et l’Europe est à reconstruire. Il faut que nos politiques cessent
de ne faire que de la communication pour faire réellement de la politique et
résolvent les problèmes que posent l’évolution rapide des sciences et de la
technologie, la migration sud-nord et la reprise d’une véritable politique
étrangère équilibrée en s’appuyant sur une souveraineté monétaire et budgétaire.
Il est temps au moment où la révolte contre la confiscation de la démocratie
tend à se confondre avec le projet de faire revivre la souveraineté nationale.
L’individualisme
libéral, la fragmentation multi-communautariste
Et
l’égalitarisme démocratique convergent pour rendre
Les
sociétés contemporaines ingouvernables !
Claude Trouvé
Coordonnateur MPF du Languedoc-Roussillon
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