A peine les lampions éteints
des promesses de jours meilleurs pour l’élection du 26 mai, la hausse de l’électricité
entre en vigueur aujourd’hui 1er juin 2019. Ne nous plaignons pas, grâce
à l’échéance électorale nous avons gagné six mois de plus au tarif ancien du kWh.
Les explications que l’on entend ne manquent pas de piquants. J’en retiens une
qui vaut son pesant d’or. On nous avait assuré que l’ouverture au privé de la distribution
de l’électricité devait faire baisser les prix du kWh, mais le consommateur se
perd dans les propositions des fournisseurs qui ne sont pas directement comparables,
et il peut même prendre des engagements finalement défavorables à court terme. A
contrario le prix du kWh, mais pas de l’abonnement, n’a pas augmenté en 2018 au
grand dam des distributeurs comme Engie. Le réseau d’électricité a pourtant
continué à s’enterrer et à s’étendre pour faire face aux arrivées des énergies
renouvelables EnRia dans un maillage beaucoup plus dispersé allongeant les
lignes. Le coût de l’électricité augmentant au fur et à mesure de l’augmentation
de la production des EnRia et des investissements de réseau électrique qu’ils
suscitent, la situation ne pouvait pas durer éternellement sur un prix bloqué
du kWh.
Mais
où la situation devient ubuesque c’est que les compagnies privées de
distribution de l’électricité, celles auprès desquelles nous payons notre
facture peuvent toutes avoir aussi leurs propres moyens de production, à l’exception
de la production nucléaire monopolisée par l’EDF qui est en plus la seule à
pouvoir proposer des tarifs réglementés, donc autorisés par l’Etat. Les autres
compagnies de distribution offrent un tarif libre mais dit annuellement fixe,
voire indexé sur le tarif réglementé. Où cela devient « croquignolesque »,
c’est que le tarif réglementé est discuté avec EDF, donc plus ou moins ajusté au
coût de son électricité. Le prix doit être supportable pour elle. Entre le grand
carénage décennal des réacteurs nucléaires, l’extension du réseau électrique,
et l’augmentation du pourcentage de production des EnRia, le moment est venu d’un
réajustement des prix du kWh. En effet le coût du kWh le plus bas est celui
provenant des centrales hydrauliques, suivi du coût du kWh nucléaire. C’est
pourquoi les autres compagnies qui ont des moyens de production à base de
centrales thermiques et d’EnRia, font pression sur le gouvernement avec encore
plus d’ardeur car leur coût du kWh devient intenable face à EDF malgré son
handicap provisoire du grand carénage décennal.
Voilà
ce que le consommateur gagne avec la privatisation… une tendance à payer l’augmentation
du prix réglementé du kWh… jusqu’à cela devienne rentable pour les compagnies
privées comme Engie et Total. Au passage, n’en déplaise aux écologistes qui se
répandent en calculs sophistiqués mais biaisés comme sensés prouver que les
EnRia deviennent compétitives, voire moins chères, les compagnies privées
ont lâché le morceau, le coût du kWh nucléaire ne peut pas être concurrencé par
celui des centrales thermiques et les EnRia. Les grands lobbies comme Total
vont donc pousser le bouchon sur le prix de l’électricité un peu plus loin et
on vient de nous annoncer que le prix de l’électricité va augmenter encore en
août. Mais une autre manœuvre est en cours avec deux fers au feu. En s’appuyant
sur les articles des traités, ils ont fait remarquer à l’UE que, si le nucléaire
pouvait poser un problème de sécurité en sortant du contrôle d’une société
fortement nationalisée, il n’en était pas de même des barrages hydrauliques. Tiens
donc !
Les
gros malins ont bien prévu qu’en les privatisant ils peuvent s’en porter
acquéreurs et disposer d’un moyen de production hydraulique dont le coût est
inférieur au coût du nucléaire. En privant EDF de ses barrages électriques, ils
feront ainsi monter le prix du kWh chez EDF et baisser le leur ! Du coup
EDF demandera que le tarif réglementé augmente et ils empocheront encore la
mise. Le dindon de la farce sera évidemment le consommateur. A partir du moment
où il est clair que le coût des énergies renouvelables restera plus cher que
celui du nucléaire, et que par ailleurs nous sommes lancés dans une politique
de remplacement des réacteurs nucléaires (des centrales à charbon d’abord soi-disant,
mais on en reparlera) par des EnRia, le coût du kWh ne peut donc qu’augmenter.
C’est totalement démontré en Allemagne où le coût du kWh a été multiplié par 2.
Ceci va entraîner des bouleversements de la politique énergétique que la plupart
de nos citoyens ignorent.
En
effet l’Etat a poussé fortement le chauffage électrique par convecteurs et par
climatisation réversible plus économe comme moyen de chauffage, en particulier
pour les habitations nouvelles. Le doublement du prix de l’électricité à terme
changera donc radicalement le prix du chauffage d’une habitation et le
chauffage au gaz, moins polluant que le charbon et le fuel, deviendra alors
très compétitif. C’est la direction vers laquelle travaille un cabinet
ministériel. En effet cela devient de plus cohérent avec une politique des
EnRia, énergies intermittentes et aléatoires, qui demandent l’apport d’une
énergie de pilotage pour satisfaire la consommation ou s’effacer en cas de surproduction.
C’est donc encore le consommateur qui va devoir payer pour s’adapter à ce
changement de cap, comme il doit le faire pour passer du diesel à l’essence après
avoir fait le chemin inverse.
Mais
je vais aller plus loin et dépasser la limite de nos frontières pour parler de
l’Allemagne et ceci pour deux raisons. La première est que l’Allemagne et la France
sont les deux grands exportateurs d’électricité de l’Europe, et la seconde
parce que l’Allemagne impulse l’UE de ses intentions propres et son poids force
les autres à la suivre. Alors l’Allemagne, en voie d’arrêt du nucléaire pour
des raisons de sécurité et de politique écologique, s’est lancée dans un
programme d’EnRia qui en fait le moteur européen, même si le Danemark est
encore plus avancé relativement à sa taille. Au passage je signale que l’Espagne,
qui avait une politique offensive pour les EnRia, a arrêté les subventions pour
ces énergies. L’Allemagne a par ailleurs une puissance thermique considérable dont
le but est de remplacer les centrales nucléaires arrêtées et de piloter les
EnRia. Elle se contente pour l’instant de remplacer les centrales à charbon par
des centrales au gaz, sans d’ailleurs fermer les centrales fonctionnant au
lignite, le combustible le plus polluant. Ceci fait d’ailleurs de l’Allemagne l’un
des pays européens le plus émetteur de CO2 anthropique, donc un pays
écologique et polluant !
Compte
tenu de cela, la richesse de l’Etat allemand, et non des allemands eux-mêmes, le
conduit à mener une politique coûteuse en matière d’EnRia dont il entend
finalement tirer parti. Il est en mesure d’être le château d’eau électrique des
pays voisins sous réserve de dominer la concurrence que peut lui opposer la France
avec son énergie nucléaire. Il lui faut donc combiner les centrales au gaz et
les EnRia, ce qui est cohérent avec un autre objectif, celui d’être aussi le
distributeur du gaz russe sur ces voisins. On comprend pourquoi l’Allemagne se
dresse contre les Etats-Unis sur ce point quand Trump veut vendre son gaz de
schiste aux pays de l’Est toujours réticents envers la Russie et torpiller le
gazoduc Northstream 2 destiné à alimenter l’Allemagne à partir de la Russie. Pour
ces deux raisons la stratégie allemande est vent debout pour promouvoir la
consommation de gaz chez elle et dans l’UE. Elle commence à influencer la France
en lui montrant qu’elle peut mener une transition énergétique réussie avec le
gaz et les EnRia. La ficelle est grosse car derrière il y a l’idée que la France
diminue réellement sa production électrique nucléaire trop concurrentielle vis-vis
du gaz et surtout des EnRia de la production électrique allemande. Par ailleurs
elle conforte au passage sa production d’éoliennes à vendre à la France.
Voilà comment notre
pays qui avait l’un des plus bas coûts de l’électricité derrière la Finlande,
va se diriger vers un doublement du prix de son électricité, peut-être l’un des
seuls facteurs jouant en faveur de notre compétitivité, se dirige vers un
changement de cap polluant tout en prônant une politique écologique. Mais il
met aussi notre pays dans une dépendance plus grande, nous rend moins
compétitifs dans nos exportations d’électricité au fur et à mesure que le
nucléaire cèdera la place aux EnRia et que celles-ci augmenteront en
pourcentage dans la production, et moins compétitifs d’une façon générale, car
même si on ne se chauffe plus à l’électricité, celle-ci reste une énergie
indispensable et de plus en plus indispensable. Je termine en rappelant mes
articles sur la dépendance accrue que les EnRia ajoutent par leur consommation
de terres rares. L’actualité nous montre bien que la Chine est prête à se
servir de cette force pour mettre Trump à genoux et nous avec.
La
trajectoire de transition énergétique française s’avère des plus inquiétantes
si l’on regarde ce qui s’est passé en Europe depuis 2014. Si la France avait
encore en 2018 l’un des coûts du kWh le plus bas dans l’UE, elle prend une
trajectoire d’augmentation qui va la propulser au niveau de l’Allemagne et du
Danemark, pays les plus avancés dans les EnRia. Le contraste est d’ailleurs saisissant
entre l’Italie et la Belgique qui ont des politiques énergétiques
diamétralement opposées. La Belgique, pays où le nucléaire représentait un
quart de sa production électrique, s’est lancé récemment dans une grande
politique d’EnRia à l’image de l’Allemagne et fait grimper immédiatement le
prix de son kWh sous le poids des investissements et du surcoût des EnRia pour
s’aligner finalement sur le prix allemand. C’est exactement ce qui nous attend.
L’augmentation annuelle, qui était de 3% en moyenne depuis 2014, va passer
rapidement à un rythme double, puis à une augmentation annuelle de 9% jusqu’à
atteindre le prix du kWh allemand si l’on abandonne le nucléaire. Le prix du
kWh au Danemark illustre de façon claire ce que coûte le luxe ou l’aberration
écologique, selon les vues de chacun, des EnRia. Chers gilets jaunes on ne peut
pas demander l’augmentation du SMIC et un kWh écologique qui pompera cette
augmentation pour des lobbies privés. Il va falloir choisir.
Après
cette euphorie écologique des élections européennes dont on peut prévoir que le
sauvetage de la planète va sombrer dans une vaste arnaque dans les mois ou les années
qui viennent, Macron ne changera pas d’un iota son plan d’action. Celui-ci comporte
la dépendance accrue de notre pays à l’Allemagne avec le fil rouge de l’écologie
que celle-ci manipule à son profit et dont la France fera les frais une fois de
plus. Mais Macron ne pense qu’à abandonner notre pays pour se faire sacrer
grand leader de l’UE même si c’est sous la férule de l’Allemagne. Peu importe
il en a l’habitude. J’aimerais beaucoup ne pas être un prophète de mauvais
augure, mais je constate que tout se met en place derrière notre dos que l’actualité
va bien dans ce sens et souvent avec des nouvelles apparemment sans logique
entre elles. Détrompez-vous la manipulation des masses est la crème de la
politique et de la géopolitique. Ouvrez les yeux en vous posant la question du
pourquoi ceci, pourquoi cela et surtout quand cela ne vous paraît logique au
sens de l’intérêt de notre pays.
L’écologie peut devenir un luxe
idéologique
Mais lorsqu’elle devient manipulatrice
L’urgence va être de la regarder
Avec l’œil lucide du pauvre
Esclave des puissants !
Claude Trouvé
01/06/19
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire