vendredi 28 juin 2019

Le chantier catastrophique de l’EPR de Flamanville

Fiasco de Flamanville et succès franco-chinois

 
Le chantier de l’EPR de Flamanville avec ses deux réacteurs nucléaires ne cesse de prendre du retard avec 10 ans déjà et son coût est devenu hors norme. L’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) parle maintenant de 2022 et le coût va arriver à 11 milliards. Cette situation est d’autant plus scandaleuse que les 2 réacteurs EPR de 1750 MW et de même type, construits à Taishan dans la province du Guangdong dans le sud de la Chine, sont une réussite. Le premier réacteur a été couplé au réseau le 13 décembre 2018 et fonctionne très bien. Le second a démarré le 28 mai 2019 et sera prochainement couplé au réseau de distribution électrique après les vérifications d’usage. Avec ses deux réacteurs EPR de 1 750 MW chacun, la centrale nucléaire de Taishan pourra fournir au réseau électrique chinois jusqu’à 24 TWh, soit l’équivalent de la consommation annuelle de 5 millions de Chinois. Pour ce faire il faut « brûler » 48 tonnes d’uranium. La même production avec des centrales à charbon demanderait 7 540 tonnes de charbon, et 6 860 tonnes de gaz avec des centrales au gaz. La même production électrique peut être réalisée par une ferme éolienne de 1600 éoliennes en mer de 5 MW pour un coût total de 5,28 milliards d’euros sur la base de 200 euros/kWh pour la construction auquel s’ajoute la connexion au réseau de l’ordre de 20 euros/kWh. Ces chiffres sont ceux acceptés par l’Etat pour le site de Dunkerque. Le coût total est alors de 5,28 milliards d’euros sur 20 ans.
Parallèle financier entre l’EPR et les éoliennes en mer
Si je fais un parallèle avec le chantier EPR de Flamanville réellement catastrophique financièrement, c’est que ces nouveaux réacteurs ont une durée de vie minimale de 40 ans, durée que les USA ont poussée à 60 ans. Donc en 40 ans le coût total sera de 10 milliards,soit un coût devenu voisin de celui de Flamanville. Ceci n’excuse en rien le fiasco du chantier de Flamanville, mais d’une part cela permet de relativiser les choses et d’autre part de faire comprendre que « le vent est gratuit laissant entendre que cette énergie est gratuite, est bien loin de la réalité ». Le lancement de la construction d’un parc à Saint-Nazaire de 80 éoliennes pour une puissance installée totale de 480 MW est la première concrétisation du développement éolien offshore en France, comme vient de l’annoncer François de Rugis le 14 juin 2019. Le montage financier est moins que clair et nous aurons l’occasion d’en reparler mais François de Rugis se flatte d’avoir obtenu un kWh garanti à 50c/kWh sur 20 ans. Qui finance réellement et quelle société peut s’engager sur 20 ans à un prix fixe ? Tout cela manque de transparence et l’Etat ne communique pas sur le montage financier qui comme d’habitude n’intéresse pas quand il s’agit d’écologie.
Manque de compétence, de transparence, et d’audits externes
Le chantier de Flamanville jette sur le nucléaire une idée de coûts faramineux et de dangers potentiels dissuasifs. C’est regrettable mais ce qui l’est encore plus c’est que devant un tel fiasco une enquête ne soit pas menée pour dégager les responsabilités et les responsables. Evidemment on s’adresse à de grosses sociétés dont Bouygues pour le gros-œuvre et AREVA (ex Framatome) et d’autres car les erreurs se sont acculées sur la qualité du travail. Je n’ai jamais dirigé un chantier de ce type mais j’ai été le spectateur de la réussite d’un chantier nucléaire de haute-technologie de cette ampleur sur une superficie plus importante. Le gros œuvre dans une région sismique et une installation d’un processus physico-chimique avec des centaines de milliers de soudures devant assurer une étanchéité parfaite pour un fluide gazeux agressif et chaud, étaient une gageure dans les années 60. A Flamanville, après une interruption de 17 ans dans la construction des centrales nucléaires, il est évident que le savoir-faire, la compétence ont été perdus, ce qui n’a pas été le cas pour les 2 réacteurs EPR chinois de Taishan où les constructions s’enchaînent dans un ambitieux plan de 22 réacteurs nucléaires à construire. La liste des erreurs est longue, erreur grossière de conception sur la Sûreté, fissures dans le gros-œuvre, grue menaçant de tomber sur un réacteur, piliers en béton percés comme du gruyère, pièces industrielles non-conformes sur un point roulant, anomalies détectées dans la composition même de la cuve, une centaine de soudures à reprendre. Le 20 juin 2019, l’Autorité de Sûreté Nucléaire refuse que les soudures soient refaites en 2024 comme le propose EDF. On en est là sur un chantier où malfaçons, "erreurs grossières" et pièces défectueuses, se sont succédées depuis 2008. C’est inacceptable et jette le doute sur le savoir français. Assistant qualité pendant une partie de ma carrière, ce constat m’est d’autant plus pénible. Au passage notons toutefois l’importance de l’ASN et la qualité de son travail et n’est pas étranger au fait qu’aucun accident nucléaire, mettant en danger l’environnement et les humains, ne se soit produit en France depuis plus d’un demi-siècle. Ce n’est pas le cas de l’industrie chimique.
Responsabilité gouvernementale et écologique dans la perte du savoir-faire et limites de l’énergie verte
Le nombre d’erreurs qui ont été faites sur ce chantier est tel que l’incompétence englobe même la qualité de suivi du chantier et de celles des prestataires. Mais les acteurs d’aujourd’hui ne sont pas entièrement coupables car l’arrêt prolongé du nucléaire qui a suivi l’arrêt de Superphénix a mis à bas non seulement le savoir-faire mais a privé la France de son avance considérable dans les réacteurs rapides qui sont la solution de la quatrième génération des réacteurs à venir et dans laquelle la Russie est désormais la mieux placée. La France a perdu sa position de leader alors que la Chine, l’Inde, la Russie se lancent dans d’ambitieux programmes de construction de réacteurs. On doit ceci à l’impact politique de l’écologisme qui a poussé Lionel Jospin a arrêté Superphénix, qui avait produit et dont la partie nucléaire n’était pas mise en cause. Cette décision a finalement conduit à l’arrêt de la construction nucléaire, et à un versement de 3,7 milliards d’euros à notre partenaire italien ENI. Alors je voudrais terminer sur un point fondamental de la politique de transition énergétique menée aujourd’hui. Le développent des énergies renouvelables jusqu’à 100% de la production électrique oublie une évidence physique. Elles sont intermittentes et aléatoires, donc parfaitement indépendantes de la consommation électrique. Elles ne peuvent donc pas sauf exception due au hasard, fournir les pics de consommation. Elles ont besoin d’énergies pilotables de complément permettant l’ajustement production-consommation. Les énergies de complément pilotables sont essentiellement l’hydraulique, le thermique (charbon, gaz) et le nucléaire. L’hydraulique ne peut pas à tout moment vider ses barrages, la centrale thermique est polluante et a un coût élevé du KWh mais elle est très flexible. 9 réacteurs nucléaires sont capables d’effacements rapides dans l’ordre d’une dizaine de minutes mais ils ne peuvent « surproduire », et la décroissance de leurs productions suivie de leurs remontées au niveau normal se traduit par une baisse de leur efficacité énergétique, donc une augmentation du coût du kWh, et une augmentation de leur vieillissement due aux cycles thermiques engendrés sur les matériaux. La solution la plus souple reste la centrale thermique, capable d’un arrêt et d’un démarrage rapide. C’est la solution prise par l’Allemagne qui déroule son programme d’énergie vertes tout en augmentant sa production thermique. Elle compense en passant des centrales thermiques au charbon par des centrales à gaz moins polluantes. En revanche elle conserve ses centrales au lignite, mauvais charbon encore plus polluant et augmente même sa production. Le bilan carbone est constant depuis 2016. L’Allemagne n’a en rien diminué ses émissions carbone et l’énergie verte participe à l’arrêt progressif des centrales nucléaires et à la mutation des centrales thermiques du gaz au charbon. On estime que le coût de cette évolution se chiffre à 400 milliards.
L’opprobre sur le nucléaire face à une transition qui va rapidement devenir illusoire et coûteuse.
C’est pourquoi ce fiasco du chantier de l’EPR de Flamanville est doublement catastrophique pour la France. La note sera salée, elle met dans l’esprit de tous que le nucléaire est dangereux et non rentable, et discrédite notre pays dans la vente de cette technologie et dans son savoir-faire. On ne parle plus de ramener le nucléaire à 50%, ce qui va inexorablement augmenter le prix du kWh, comme au Danemark et en Allemagne, mais de suppression totale de celui-ci avec 100% d’énergie verte. Cet objectif est illusoire car irréalisable par la nature même de l’énergie verte qui n’obéit que partiellement à l’homme qui subit les caprices de la nature. Tous les partis et le pouvoir s’emparent de ce miroir aux alouettes en distillant la peur du réchauffement climatique et de la dangerosité du nucléaire. Dans le premier cas d’ici deux ou trois ans maximum la nécessité de l’urgence climatique risque de ne plus trouver de justification globale dans les mesures climatiques et jeter un doute général sur l’écologie voire un rejet vu l’importance des dizaines de milliards à engager. Dans le second cas c’est la fin de l’indépendance énergétique française avec la nécessité d’approvisionnement en terres rares qui donne à la Chine une arme géostratégique de premier ordre avant que l’on découvre que l’on ne pourra pas aller au bout des illusions de l’énergie verte et que nous perdons notre place dans l’industrie mondiale du nucléaire. Pendant ce temps Chine, Inde, Russie, se bâtissent un avenir énergétique qui fait la part belle à l’énergie nucléaire… et regardent les occidentaux s’autodétruire.
Flamanville est un enjeu énergétique majeur 
Son retard et son surcoût méritent de l’Etat
Une complète transparence et un audit 
Dégageant tous les responsabilités
De toutes les erreurs commises 
Sur l’ensemble des procédures
De conception, de réalisation 
De conduite du chantier
Et de surveillance 
Des prestataires !
 
Claude Trouvé 
27/06/19

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