Fiasco de Flamanville et succès franco-chinois
Le chantier de l’EPR de Flamanville avec
ses deux réacteurs nucléaires ne cesse de prendre du retard avec 10 ans déjà et
son coût est devenu hors norme. L’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) parle
maintenant de 2022 et le coût va arriver à 11 milliards. Cette situation est
d’autant plus scandaleuse que les 2 réacteurs EPR de 1750 MW et de même type,
construits à Taishan dans la province du Guangdong dans le sud de la Chine, sont
une réussite. Le premier réacteur a été couplé au réseau le 13 décembre 2018 et
fonctionne très bien. Le second a démarré le 28 mai 2019 et sera prochainement
couplé au réseau de distribution électrique après les vérifications d’usage.
Avec
ses deux réacteurs EPR de 1 750 MW chacun, la centrale nucléaire de Taishan
pourra fournir au réseau électrique chinois jusqu’à 24 TWh, soit l’équivalent
de la consommation annuelle de 5 millions de Chinois. Pour ce faire il faut
« brûler » 48 tonnes d’uranium. La même production avec des centrales
à charbon demanderait 7 540 tonnes de charbon, et 6 860 tonnes de gaz avec
des centrales au gaz. La même production électrique peut être réalisée par une
ferme éolienne de 1600 éoliennes en mer de 5 MW pour un coût total de 5,28
milliards d’euros sur la base de 200 euros/kWh pour la construction auquel s’ajoute
la connexion au réseau de l’ordre de 20 euros/kWh. Ces chiffres sont ceux acceptés
par l’Etat pour le site de Dunkerque. Le coût total est alors de 5,28 milliards
d’euros sur 20 ans.
Parallèle
financier entre l’EPR et les éoliennes en mer
Si je fais un parallèle avec le chantier
EPR de Flamanville réellement catastrophique financièrement, c’est que ces
nouveaux réacteurs ont une durée de vie minimale de 40 ans, durée que les USA
ont poussée à 60 ans. Donc en 40 ans le coût total sera de 10 milliards,soit un
coût devenu voisin de celui de Flamanville. Ceci n’excuse en rien le fiasco du
chantier de Flamanville, mais d’une part cela permet de relativiser les choses
et d’autre part de faire comprendre que « le vent est gratuit
laissant entendre que cette énergie est gratuite, est bien loin de la réalité ».
Le
lancement de la construction d’un parc à Saint-Nazaire de 80 éoliennes pour une
puissance installée totale de 480 MW est la première
concrétisation du développement éolien offshore en France, comme vient de
l’annoncer François de Rugis le 14 juin 2019. Le montage financier est moins
que clair et nous aurons l’occasion d’en reparler mais François de Rugis se
flatte d’avoir obtenu un kWh garanti à 50c/kWh sur 20 ans. Qui finance
réellement et quelle société peut s’engager sur 20 ans à un prix fixe ?
Tout cela manque de transparence et l’Etat ne communique pas sur le montage
financier qui comme d’habitude n’intéresse pas quand il s’agit d’écologie.
Manque
de compétence, de transparence, et d’audits externes
Le
chantier de Flamanville jette sur le nucléaire une idée de coûts faramineux et
de dangers potentiels dissuasifs. C’est regrettable mais ce qui l’est encore
plus c’est que devant un tel fiasco une enquête ne soit pas menée pour dégager
les responsabilités et les responsables. Evidemment on s’adresse à de grosses
sociétés dont Bouygues pour le gros-œuvre et AREVA (ex Framatome) et d’autres
car les erreurs se sont acculées sur la qualité du travail. Je n’ai jamais
dirigé un chantier de ce type mais j’ai été le spectateur de la réussite d’un
chantier nucléaire de haute-technologie de cette ampleur sur une superficie
plus importante. Le gros œuvre dans une région sismique et une installation
d’un processus physico-chimique avec des centaines de milliers de soudures
devant assurer une étanchéité parfaite pour un fluide gazeux agressif et chaud,
étaient une gageure dans les années 60. A Flamanville, après une interruption
de 17 ans dans la construction des centrales nucléaires, il est évident que le
savoir-faire, la compétence ont été perdus, ce qui n’a pas été le cas pour les
2 réacteurs EPR chinois de Taishan où les constructions s’enchaînent dans un
ambitieux plan de 22 réacteurs nucléaires à construire. La liste des erreurs
est longue, erreur grossière de conception sur la Sûreté, fissures dans le
gros-œuvre, grue menaçant de tomber sur un réacteur, piliers en béton percés comme du
gruyère, pièces industrielles non-conformes sur un point roulant, anomalies
détectées dans la composition même de la cuve, une centaine de soudures à
reprendre. Le 20 juin 2019, l’Autorité de Sûreté Nucléaire refuse que les
soudures soient refaites en 2024 comme le propose EDF. On en est là sur un
chantier où malfaçons, "erreurs grossières" et pièces défectueuses,
se sont succédées depuis 2008. C’est inacceptable et jette le doute sur le
savoir français. Assistant qualité pendant une partie de ma carrière, ce
constat m’est d’autant plus pénible. Au passage notons toutefois l’importance
de l’ASN et la qualité de son travail et n’est pas étranger au fait qu’aucun
accident nucléaire, mettant en danger l’environnement et les humains, ne se
soit produit en France depuis plus d’un demi-siècle. Ce n’est pas le cas de
l’industrie chimique.
Responsabilité gouvernementale et
écologique dans la perte du savoir-faire et limites de l’énergie verte
Le nombre d’erreurs qui ont été
faites sur ce chantier est tel que l’incompétence englobe même la qualité de
suivi du chantier et de celles des prestataires. Mais les acteurs d’aujourd’hui
ne sont pas entièrement coupables car l’arrêt prolongé du nucléaire qui a suivi
l’arrêt de Superphénix a mis à bas non seulement le savoir-faire mais a privé
la France de son avance considérable dans les réacteurs rapides qui sont la
solution de la quatrième génération des réacteurs à venir et dans laquelle la
Russie est désormais la mieux placée. La France a perdu sa position de leader
alors que la Chine, l’Inde, la Russie se lancent dans d’ambitieux programmes de
construction de réacteurs. On doit ceci à l’impact politique de l’écologisme
qui a poussé Lionel Jospin a arrêté Superphénix, qui avait produit et dont la
partie nucléaire n’était pas mise en cause. Cette décision a finalement conduit
à l’arrêt de la construction nucléaire, et à un versement de 3,7 milliards d’euros
à notre partenaire italien ENI. Alors je voudrais terminer sur un point
fondamental de la politique de transition énergétique menée aujourd’hui. Le
développent des énergies renouvelables jusqu’à 100% de la production électrique
oublie une évidence physique. Elles sont intermittentes et aléatoires, donc
parfaitement indépendantes de la consommation électrique. Elles ne peuvent donc
pas sauf exception due au hasard, fournir les pics de consommation. Elles ont besoin
d’énergies pilotables de complément permettant l’ajustement
production-consommation. Les énergies de complément pilotables sont
essentiellement l’hydraulique, le thermique (charbon, gaz) et le nucléaire.
L’hydraulique ne peut pas à tout moment vider ses barrages, la centrale
thermique est polluante et a un coût élevé du KWh mais elle est très flexible.
9 réacteurs nucléaires sont capables d’effacements rapides dans l’ordre d’une
dizaine de minutes mais ils ne peuvent « surproduire », et la
décroissance de leurs productions suivie de leurs remontées au niveau normal se
traduit par une baisse de leur efficacité énergétique, donc une augmentation du
coût du kWh, et une augmentation de leur vieillissement due aux cycles
thermiques engendrés sur les matériaux. La solution la plus souple reste la
centrale thermique, capable d’un arrêt et d’un démarrage rapide. C’est la
solution prise par l’Allemagne qui déroule son programme d’énergie vertes tout
en augmentant sa production thermique. Elle compense en passant des centrales
thermiques au charbon par des centrales à gaz moins polluantes. En revanche
elle conserve ses centrales au lignite, mauvais charbon encore plus polluant et
augmente même sa production. Le bilan carbone est constant depuis 2016.
L’Allemagne n’a en rien diminué ses émissions carbone et l’énergie verte
participe à l’arrêt progressif des centrales nucléaires et à la mutation des
centrales thermiques du gaz au charbon. On estime que le coût de cette
évolution se chiffre à 400 milliards.
L’opprobre sur le nucléaire face à
une transition qui va rapidement devenir illusoire et coûteuse.
C’est pourquoi ce fiasco du chantier
de l’EPR de Flamanville est doublement catastrophique pour la France. La note
sera salée, elle met dans l’esprit de tous que le nucléaire est dangereux et
non rentable, et discrédite notre pays dans la vente de cette technologie et
dans son savoir-faire. On ne parle plus de ramener le nucléaire à 50%, ce qui
va inexorablement augmenter le prix du kWh, comme au Danemark et en Allemagne,
mais de suppression totale de celui-ci avec 100% d’énergie verte. Cet objectif
est illusoire car irréalisable par la nature même de l’énergie verte qui
n’obéit que partiellement à l’homme qui subit les caprices de la nature. Tous
les partis et le pouvoir s’emparent de ce miroir aux alouettes en distillant la
peur du réchauffement climatique et de la dangerosité du nucléaire. Dans le
premier cas d’ici deux ou trois ans maximum la nécessité de l’urgence
climatique risque de ne plus trouver de justification globale dans les mesures
climatiques et jeter un doute général sur l’écologie voire un rejet vu l’importance
des dizaines de milliards à engager. Dans le second cas c’est la fin de
l’indépendance énergétique française avec la nécessité d’approvisionnement en
terres rares qui donne à la Chine une arme géostratégique de premier ordre
avant que l’on découvre que l’on ne pourra pas aller au bout des illusions de
l’énergie verte et que nous perdons notre place dans l’industrie mondiale du
nucléaire. Pendant ce temps Chine, Inde, Russie, se bâtissent un avenir
énergétique qui fait la part belle à l’énergie nucléaire… et regardent les
occidentaux s’autodétruire.
Flamanville
est un enjeu énergétique majeur
Son
retard et son surcoût méritent de l’Etat
Une
complète transparence et un audit
Dégageant
tous les responsabilités
De
toutes les erreurs commises
Sur
l’ensemble des procédures
De
conception, de réalisation
De
conduite du chantier
Et
de surveillance
Des
prestataires !
Claude
Trouvé
27/06/19
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