jeudi 18 avril 2019

Seuls les politiques savent tout, le doute n’est pas permis aux autres



Billet d’humeur
Je ne veux pas épiloguer sur la catastrophe advenue sur notre patrimoine et sur l’un de ses joyaux le plus sentimentalement attaché à notre identité nationale, civilisationnelle et spirituelle. Si je comprends et si je m’associe à la profonde tristesse de tous ceux qui pleurent la blessure profonde de Notre-Dame de Paris, je ne peux suivre ceux qui font une comparaison avec le drame du World Trade Center en septembre 2001 qui a fait des milliers de morts et ravagé une importante zone de Manhattan. En toutes choses il faut raison garder. Le lieu de notre chère cathédrale restera sacré ou comme un symbole marquant de notre civilisation tant que celle-ci perdurera, ce qui n’est pas sûr dans l’avenir cosmopolite qui se dessine en Europe. Mais dans l’état actuel, cette catastrophe mobilise l’ensemble de notre peuple, de toutes les confessions, croyants ou non. C’est un moment de communion nécessaire à l’unité nationale alors que le corporatisme, le clivage entre les niveaux de vie, le régionalisme sont en train de déchirer la notion de nation, de patrie et de souveraineté nationale dans une nébuleuse européenne qui échappe totalement aux peuples et à la démocratie. Mais au-delà des réactions de tous nos compatriotes, on est sidéré par la manière dont le monde politique se comporte devant une catastrophe matérielle si symbolique de notre histoire et de notre culture.

Confondre urgence et précipitation
On n’avait pas encore de certitude sur toutes les conséquences de l’incendie et de l’action des pompiers sur cette structure complexe que Macron savait déjà qu’il fallait retrouver un édifice visitable pour les Jeux Olympiques et une durée de 5 ans était fixée pour les travaux. On croit rêver devant tant de précipitation et de désir d’exploiter ce drame sentimental pour des raisons politiques. J’ai passé ma carrière professionnelle dans une industrie du long terme, où les chantiers étaient forcément longs et complexes. Jamais je n’ai vécu une telle précipitation et une telle certitude immédiate de réussite, de timing et de coût sur un projet nouveau complexe ou innovant. Il est très différent de dire, comme De Gaulle pour l’obtention de la bombe A, « je mettrai tous les moyens nécessaires, scientifiques, techniques et financiers, pour que le but soit atteint le plus vite possible », et l’affirmation jupitérienne « Nous reconstruirons cette cathédrale en 5 ans et je la veux plus belle qu’avant ». Quel orgueil ! Quel mépris des réalités ! Quel enfumage politique alors que notre pays s’appauvrit tous les jours et qu’une partie du peuple est dans la rue depuis 22 semaines. Un Conseil des Ministres au lendemain de la catastrophe n’est certes pas choquant, il y a une coordination nécessaire entre les Services de l’Etat et la Mairie de Paris, pour l’investigation des tâches urgentes à accomplir et pour le déroulement de l’enquête et de la sécurisation de l’édifice. C’est en effet une tâche urgente et compliquée.

Utilisation politique du patrimoine national   
Mais se permettre de donner déjà une feuille de route alors que rien n’est encore sûr tant sur les causes de l’incendie, que sur la solidité de l’édifice relève d’une simple manipulation de l’opinion dans une valse de prédictions non fondées et une manipulation de chiffres de dons où l’on parle plus de quelques grands donateurs que du simple salarié qui va pour cela se restreindre sur la nourriture. Ce conglomérat de vitesse et de précipitation est indécent, comme l’est d’ailleurs ce mépris de ceux qui s’interrogent sur les causes d’un tel incendie en ne se contentant pas de la déclaration officielle. S’interroger est le droit le plus strict du citoyen et ne pas considérer une première déclaration officielle comme une vérité définitive, est une réaction salutaire des citoyens, sûrement meilleure que la réaction moutonnière. D’abord, toute importante que soit Notre-Dame de Paris, elle n’est qu’une petite partie de notre patrimoine historique et culturel. Cette catastrophe devrait faire naître surtout une grande réflexion sur sa dégradation globale proclamée par les historiens de l’art et les architectes des bâtiments historiques. Un hôtel n’est pas rénové parce que le hall d’entrée est flambant neuf. Au-delà de l’urgence, c’est une réflexion de fond sur le patrimoine auquel le gouvernement aurait dû être convié. On doit comprendre qu’une action spectaculaire sur Notre-Dame est opportunément saisie pour mettre l’action gouvernementale dans une lumière beaucoup plus voyante que le patrimoine dispersé sur nos territoires.

Stigmatiser le doute en complotisme
Si j’écris ce billet d’humeur, c’est que le comportement gouvernemental et médiatique stigmatise toute réflexion qui s’éloignerait de près ou de loin de la version officielle qui tient lieu de vérité, laquelle ne peut donner une autre vérité que par le bon vouloir de la puissance politique. Toute autre pensée est cataloguée « complotiste » et ce concept est relayé par les médias, avec un opprobre jeté sur les réseaux sociaux à priori. Or justement nous avons, pour la plupart d’entre nous, assisté en direct à la première propagation de l’incendie de la cathédrale et le témoignage visuel contient des informations primordiales. Force est de constater que la propagation des flammes a été très rapide et peu en accord avec la lenteur de combustion de poutres en chêne. On aurait dit que celles-ci étaient d’un bois de sapin, ou d’un résineux quelconque. Certes il y a un temps long de combustion lente, où le bois se consume sans flamme, mais ceci n’implique pas ensuite une propagation rapide. Un court-circuit sur une ligne électrique parcourant la charpente sur toute sa longueur peut-il en être la cause ? Peu probable car, d’une part la chaleur émise n’est pas suffisante pour enflammer du chêne, mais on conçoit mal qu’une telle imprudence ait pu être commise par les personnels chargés de la sécurité de l’édifice. Une explosion d’une bouteille de gaz, d’un combiné oxygène-hydrogène utilisés par le personnel de rénovation, est possible mais elle n’expliquerait qu’un trou béant dans la toiture mais toujours pas la vitesse de propagation.

Ce n’est pas une fin mais un commencement
Il est normal de considérer l’accident de chantier comme la cause la plus probable dans un premier temps même si elle ne semble pas contenir réellement une explication plausible. Il est néanmoins anormal de considérer les doutes exprimés par nombre de personnes sur la toile comme émanant de complotistes ne méritant que la désapprobation. La thèse officielle n’a pour elle que d’être officielle mais aucun droit de s’approcher plus près de la vérité que toute autre analyse de cet incendie. D’autant plus que des experts comme l’ancien architecte responsable de la maintenance de l’édifice, et de surcroît responsable d’un grand plan de sécurisation électrique, affirme non seulement ses doutes sur la thèse d’un court-circuit électrique mais aussi sur la version accidentelle. Le doute est non seulement permis mais il est même indispensable à une saine réflexion à moins que l’on redoute de connaître la vérité. Empêcher l’expression d’un doute, ne fait que faire peser un autre doute sur la sincérité des propos officiels, vite représentés comme cherchant à cacher la vérité, ou utilisés à des fins de propagande de l’action présidentielle. L’heure est aux remerciements aux pompiers qui ont fait leur devoir certes mais avec une compétence, un sang-froid et un courage que l’on doit saluer et reconnaître qu’ils ont droit d’être bien payés car ils risquent leur vie plus que les fonctionnaires de Bercy. L’heure est à la recherche des causes et à l’exploration de l’édifice dont on peut toujours craindre encore qu’il s’auto-détruise après les deux chocs thermiques subis par les pierres proches ou au contact de l’incendie. Le basculement de la flèche a fragilisé une partie importante de l’édifice dont on dit qu’il a bougé.

Une belle occasion d’enfumage
On est bien loin des fanfaronnades jupitériennes et impératifs de silence des complotistes. Une fois encore le peuple est pris en otage, incité à verser de l’argent pour un avenir de l’édifice encore inconnu en profitant de ce premier moment de sidération et d’élan patriotique pour donner au Président les moyens d’en faire une affaire politique sans grand risque financier apparent, et une continuation de sa campagne électorale sur le mode sentimental, second moteur de la mobilisation après celle du catastrophisme, utilisé pour la sortie de l’UE et pour le sauvetage de la planète. Je ne doute pas que cet incendie ait touché une fibre du cœur de Macron mais celui-ci a vite repris ses réflexes de conquête du pouvoir sur le mode utilisé du « Pensez printemps », « Demain elle sera plus belle, je m’y engage » comme le fait qu’il n’y aura plus de sans-abris et que le chômage aura largement baissé. J’ai bien peur que beaucoup se laissent prendre par le cœur, la peur et les bonnes paroles, c’est malheureusement la recette qui bloque l’esprit critique de nous tous. C’est un effort de s’en abstraire, effort que tout le monde ne fait pas dans un deuxième temps, celui de la réflexion et du bon sens.

Soyons solidaires quand un malheur nous frappe au cœur 

Mais ne laissons pas au vestiaire notre esprit critique

C’est sous son aile que nous avons la force 

De voir la réalité en face sans les fards

De la propagande et de l’enfumage. 

Lui seul peut sauver le peuple,

La démocratie et le pays !

Claude Trouvé 
18/04/18

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