Billet
d’humeur
Je ne veux pas
épiloguer sur la catastrophe advenue sur notre patrimoine et sur l’un de ses
joyaux le plus sentimentalement attaché à notre identité nationale, civilisationnelle
et spirituelle. Si je comprends et si je m’associe à la profonde tristesse de
tous ceux qui pleurent la blessure profonde de Notre-Dame de Paris, je ne peux
suivre ceux qui font une comparaison avec le drame du World Trade Center en
septembre 2001 qui a fait des milliers de morts et ravagé une importante zone
de Manhattan. En toutes choses il faut raison garder. Le lieu de notre chère
cathédrale restera sacré ou comme un symbole marquant de notre civilisation
tant que celle-ci perdurera, ce qui n’est pas sûr dans l’avenir cosmopolite qui
se dessine en Europe. Mais dans l’état actuel, cette catastrophe mobilise l’ensemble
de notre peuple, de toutes les confessions, croyants ou non. C’est un moment de
communion nécessaire à l’unité nationale alors que le corporatisme, le clivage entre
les niveaux de vie, le régionalisme sont en train de déchirer la notion de
nation, de patrie et de souveraineté nationale dans une nébuleuse européenne qui
échappe totalement aux peuples et à la démocratie. Mais au-delà des réactions
de tous nos compatriotes, on est sidéré par la manière dont le monde politique
se comporte devant une catastrophe matérielle si symbolique de notre histoire
et de notre culture.
Confondre
urgence et précipitation
On n’avait
pas encore de certitude sur toutes les conséquences de l’incendie et de l’action
des pompiers sur cette structure complexe que Macron savait déjà qu’il fallait
retrouver un édifice visitable pour les Jeux Olympiques et une durée de 5 ans
était fixée pour les travaux. On croit rêver devant tant de précipitation et de
désir d’exploiter ce drame sentimental pour des raisons politiques. J’ai passé
ma carrière professionnelle dans une industrie du long terme, où les chantiers
étaient forcément longs et complexes. Jamais je n’ai vécu une telle
précipitation et une telle certitude immédiate de réussite, de timing et de
coût sur un projet nouveau complexe ou innovant. Il est très différent de dire,
comme De Gaulle pour l’obtention de la bombe A, « je mettrai tous les moyens nécessaires, scientifiques, techniques et
financiers, pour que le but soit atteint le plus vite possible », et l’affirmation
jupitérienne « Nous reconstruirons cette cathédrale en 5 ans et je la veux plus belle
qu’avant ». Quel orgueil ! Quel mépris des réalités !
Quel enfumage politique alors que notre pays s’appauvrit tous les jours et qu’une
partie du peuple est dans la rue depuis 22 semaines. Un Conseil des Ministres
au lendemain de la catastrophe n’est certes pas choquant, il y a une
coordination nécessaire entre les Services de l’Etat et la Mairie de Paris,
pour l’investigation des tâches urgentes à accomplir et pour le déroulement de
l’enquête et de la sécurisation de l’édifice. C’est en effet une tâche urgente
et compliquée.
Utilisation
politique du patrimoine national
Mais
se permettre de donner déjà une feuille de route alors que rien n’est encore
sûr tant sur les causes de l’incendie, que sur la solidité de l’édifice relève
d’une simple manipulation de l’opinion dans une valse de prédictions non
fondées et une manipulation de chiffres de dons où l’on parle plus de quelques
grands donateurs que du simple salarié qui va pour cela se restreindre sur la
nourriture. Ce conglomérat de vitesse et de précipitation est indécent, comme l’est
d’ailleurs ce mépris de ceux qui s’interrogent sur les causes d’un tel incendie
en ne se contentant pas de la déclaration officielle. S’interroger est le droit
le plus strict du citoyen et ne pas considérer une première déclaration
officielle comme une vérité définitive, est une réaction salutaire des citoyens,
sûrement meilleure que la réaction moutonnière. D’abord, toute importante que
soit Notre-Dame de Paris, elle n’est qu’une petite partie de notre patrimoine
historique et culturel. Cette catastrophe devrait faire naître surtout une
grande réflexion sur sa dégradation globale proclamée par les historiens de l’art
et les architectes des bâtiments historiques. Un hôtel n’est pas rénové parce
que le hall d’entrée est flambant neuf. Au-delà de l’urgence, c’est une
réflexion de fond sur le patrimoine auquel le gouvernement aurait dû être
convié. On doit comprendre qu’une action spectaculaire sur Notre-Dame est
opportunément saisie pour mettre l’action gouvernementale dans une lumière
beaucoup plus voyante que le patrimoine dispersé sur nos territoires.
Stigmatiser
le doute en complotisme
Si j’écris
ce billet d’humeur, c’est que le comportement gouvernemental et médiatique
stigmatise toute réflexion qui s’éloignerait de près ou de loin de la version
officielle qui tient lieu de vérité, laquelle ne peut donner une autre vérité
que par le bon vouloir de la puissance politique. Toute autre pensée est
cataloguée « complotiste » et ce concept est relayé par les médias,
avec un opprobre jeté sur les réseaux sociaux à priori. Or justement nous avons,
pour la plupart d’entre nous, assisté en direct à la première propagation de l’incendie
de la cathédrale et le témoignage visuel contient des informations
primordiales. Force est de constater que la propagation des flammes a été très
rapide et peu en accord avec la lenteur de combustion de poutres en chêne. On
aurait dit que celles-ci étaient d’un bois de sapin, ou d’un résineux
quelconque. Certes il y a un temps long de combustion lente, où le bois se
consume sans flamme, mais ceci n’implique pas ensuite une propagation rapide.
Un court-circuit sur une ligne électrique parcourant la charpente sur toute sa longueur
peut-il en être la cause ? Peu probable car, d’une part la chaleur émise n’est
pas suffisante pour enflammer du chêne, mais on conçoit mal qu’une telle imprudence
ait pu être commise par les personnels chargés de la sécurité de l’édifice. Une
explosion d’une bouteille de gaz, d’un combiné oxygène-hydrogène utilisés par
le personnel de rénovation, est possible mais elle n’expliquerait qu’un trou
béant dans la toiture mais toujours pas la vitesse de propagation.
Ce n’est
pas une fin mais un commencement
Il est normal de
considérer l’accident de chantier comme la cause la plus probable dans un
premier temps même si elle ne semble pas contenir réellement une explication
plausible. Il est néanmoins anormal de considérer les doutes exprimés par
nombre de personnes sur la toile comme émanant de complotistes ne méritant que
la désapprobation. La thèse officielle n’a pour elle que d’être officielle mais
aucun droit de s’approcher plus près de la vérité que toute autre analyse de
cet incendie. D’autant plus que des experts comme l’ancien architecte
responsable de la maintenance de l’édifice, et de surcroît responsable d’un
grand plan de sécurisation électrique, affirme non seulement ses doutes sur la thèse
d’un court-circuit électrique mais aussi sur la version accidentelle. Le doute
est non seulement permis mais il est même indispensable à une saine réflexion à
moins que l’on redoute de connaître la vérité. Empêcher l’expression d’un doute,
ne fait que faire peser un autre doute sur la sincérité des propos officiels,
vite représentés comme cherchant à cacher la vérité, ou utilisés à des fins de
propagande de l’action présidentielle. L’heure est aux remerciements aux
pompiers qui ont fait leur devoir certes mais avec une compétence, un
sang-froid et un courage que l’on doit saluer et reconnaître qu’ils ont droit d’être
bien payés car ils risquent leur vie plus que les fonctionnaires de Bercy. L’heure
est à la recherche des causes et à l’exploration de l’édifice dont on peut
toujours craindre encore qu’il s’auto-détruise après les deux chocs thermiques
subis par les pierres proches ou au contact de l’incendie. Le basculement de la
flèche a fragilisé une partie importante de l’édifice dont on dit qu’il a
bougé.
Une
belle occasion d’enfumage
On
est bien loin des fanfaronnades jupitériennes et impératifs de silence des
complotistes. Une fois encore le peuple est pris en otage, incité à verser de l’argent
pour un avenir de l’édifice encore inconnu en profitant de ce premier moment de
sidération et d’élan patriotique pour donner au Président les moyens d’en faire
une affaire politique sans grand risque financier apparent, et une continuation
de sa campagne électorale sur le mode sentimental, second moteur de la
mobilisation après celle du catastrophisme, utilisé pour la sortie de l’UE et
pour le sauvetage de la planète. Je ne doute pas que cet incendie ait touché
une fibre du cœur de Macron mais celui-ci a vite repris ses réflexes de
conquête du pouvoir sur le mode utilisé du « Pensez printemps », « Demain
elle sera plus belle, je m’y engage » comme le fait qu’il n’y aura plus de
sans-abris et que le chômage aura largement baissé. J’ai bien peur que beaucoup
se laissent prendre par le cœur, la peur et les bonnes paroles, c’est malheureusement
la recette qui bloque l’esprit critique de nous tous. C’est un effort de s’en
abstraire, effort que tout le monde ne fait pas dans un deuxième temps, celui
de la réflexion et du bon sens.
Soyons solidaires quand un malheur nous
frappe au cœur
Mais ne laissons pas au vestiaire notre
esprit critique
C’est sous son aile que nous avons la
force
De voir la réalité en face sans les fards
De la propagande et de l’enfumage.
Lui seul peut sauver le peuple,
La démocratie et le pays !
Claude Trouvé
18/04/18
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