samedi 13 avril 2019

Quid du pouvoir d’achat des ménages depuis 2010 ?


La grogne monte de plus en plus dans notre pays avec un sentiment de mal-vivre dans les tranches de la population à bas revenus et plus encore avec un sentiment d’inégalité devant une politique de plus en plus néolibérale à base de dévaluation interne. Les retraites, les acquis sociaux, la pression sur les salariés, se voient remis en cause de plus en plus pendant que l’effort de l’Etat se concentre sur les entreprises et les avantages donnés aux grandes fortunes sous prétexte d’attractivité. Le peuple constate que l’Etat cherche de l’argent partout et vend son patrimoine stratégique ou rémunérateur pour mener cette politique. La campagne européenne relance l’argumentation de l’UE c’est la paix, et hors de l’UE point de salut face aux mastodontes économiques. Faute de chiffre et de comparaisons spatio-temporelles, ces propos ne sont que des incantations à but purement électoral mais nous enchaînent de plus en plus à l’UE, à l’Allemagne et aux Etats-Unis.

Il faut essayer de se faire une idée à partir des chiffres et considérer non pas l’intérêt des plus riches mais celui du pouvoir d’achat moyen même si la croissance des inégalités peut rendre la vie difficile pour certains. Ce pouvoir d’achat est connu sous le nom de ressources disponibles des ménages et on peut suivre son évolution dans les statistiques de l’OCDE où son évaluation en dollars permet des comparaisons hors de l’UE. Le graphique ci-dessous donne l’évolution annuelle telle qu’elle apparait dans les statistiques et sa valeur une fois déduite l’inflation annuelle sur la période 2010-2017.

On constate que globalement ces ressources disponibles, donc hors impôts, croissent sauf pour la Grèce et l’Italie. Le Royaume-Uni est un cas particulier vu la baisse de 15% de la livre par rapport au dollar ce qui équivaut à rajouter environ 2% annuels sur 7 ans aux valeurs publiées, mettant ainsi le Royaume-Uni à un niveau probablement égal ou supérieur à la France comme cela se constate dans sa croissance pour 2018. La France, avec des valeurs de ressources de même niveau ou de niveau inférieur à la Zone euro et à l’UE, obtient un meilleur résultat grâce à une inflation plus faible. Elle affiche une croissance de 1,28% par an des ressources disponibles des ménages hors inflation, ce qui ne veut pas dire que toutes les catégories de revenus en ont profité, en particulier les retraités qui ont subi une perte de 2% avec le blocage des pensions depuis 2013 sans compter la perte due à l’augmentation de la CSG de 1,7%. Ceci veut dire que les retraités perdent 2,5% par an de pouvoir d’achat. Si on le calcule depuis 2013 c’est une perte de blocage de 6,3% en 2018 auxquels il faut ajouter le gain de 1,3% d’augmentation générale non perçue de 1,3% soit en 2018 une perte totale de 7,6% pour les retraités depuis 2013. Il faut voir dans ce résultat moyennement satisfaisant sans doute l’impact d’une agriculture locale et des importations massives de produits à bas coût créant un solde lourdement négatif du commerce extérieur.

Le résultat de la Grèce est si mauvais que l’Etat pratique une dévaluation de fait. Ce n’est pas le cas de l’Italie dont les habitants voient leur pouvoir d’achat érodé par l’inflation. Le Portugal réussit une faible augmentation, mais c’est l’Irlande, l’Australie, les Pays-Bas et l’Espagne qui donnent une augmentation annuelle plus substantielle de 0,7% à 0,8%. Le groupe de tête comprend la Corée du Sud, le Japon, la Suède, le Danemark, l’Allemagne et surtout la Suisse. Notons que dans ce groupe de 6 pays, un seul fait partie de la Zone euro et seulement 3 de l’UE. Ni la Zone euro, ni l’UE ne sont donc en mesure de faire mieux que des pays très actifs dans le commerce international comme le Japon et la Corée du Sud. Un petit pays comme la Suisse peut donc mieux tirer son épingle du jeu, et les monnaies nationales de la Suède et du Danemark rivalisent avec les grands pays du commerce international comme les Etats-Unis qui ne font pas mieux que la France pour ses concitoyens et avec des inégalités de revenus bien plus grandes. On constate une fois de plus que l’UE n’est qu’une machine à redistribution mais à somme nulle voire négative puisque la Zone euro et même l’UE font moins bien que les Etats-Unis. Elle n’apporte globalement aucun plus.

Pour donner un éclairage sur la politique menée par les différents pays, il est intéressant de regarder ce que les ressources disponibles des ménages représentent par rapport au PIB/habitant qui donne les ressources totales disponibles. Le graphique ci-contre donne la variation annuelle du PIB/habitant et des ressources disponibles des ménages/habitant une fois déduite la valeur de l’inflation. Il confirme la détérioration du pouvoir d’achat des Grecs et celle de la baisse des ressources des ménages qui commence pour l’Italie. Si l’on tient compte de la dévaluation, le Royaume-Uni doit avoir un ressenti par la population au niveau de la moyenne de la Zone euro avec des perspectives meilleures en 2018. Le Portugal reste à la traîne avec un faible retour sur les ressources des ménages. Le groupe Irlande, Australie, Pays-Bas et Espagne montre des économies assez atones vues du côté consommateurs. Mais l’Irlande montre un accroissement énorme de son PIB/habitant dont ses habitants ne profitent pas, toute la richesse est pompée par les grands lobbies qui bénéficient de largesses fiscales qui devraient poser un problème à l’UE. Celle-ci fait celle qui n’a rien vu. Remarquons le groupe Zone euro, UE, Etats-Unis, qui montre, s’il en était encore besoin que la Zone euro et l’UE ne font pas mieux que les Etats-Unis. La force de l’UE est un leurre puisque le Japon et la Suisse font mieux. Les Etats-Unis de font pas mieux que la France, alors que le groupe Japon, Suède, Danemark, Allemagne montre la meilleure vitalité avec une Allemagne qui se signale par un retour faible du PIB vers les ménages. La Suisse caracole nettement en tête montrant que l’UE et la Zone euro ne sont pas nécessaires et qu’un petit pays damne le pion aux géants américains et japonais.

Il est intéressant de voir le comportement des politiques économiques vis-à-vis de la répartition des richesses accumulées. Le graphique ci-contre montre que les retours vers les ressources des ménages sont très différents entre l’Irlande et les Etats-Unis, même si cela peut paraître surprenant dans les deux cas. Le bon retour sur les ménages de la France met à mal les pourfendeurs de la dépense publique qui pèserait sur les ménages. Le problème de la France ne se trouve pas là mais peut-être sur, d’une part les inégalités et d’autre part le poids des taxes et impôts sur les entreprises, ce qui est très différent. La France se distingue assez nettement de la Grèce, de la moyenne de l’UE et de la Zone euro et encore plus du groupe Danemark, Suisse, Pays-Bas, Suède et de l’Espagne.  Le cas très particulier de l’Irlande a été évoqué plus haut. 

Il est évident que les Etats pratiquent une politique économique où la monnaie et le déficit public tiennent lieu de variables d’ajustement. Pour les pays de la Zone euro, la monnaie étant bloquée, il reste la dévaluation interne par le jeu sur le SMIC, donc des salaires, des prestations sociales et de l’imposition. Le regard que nous devons porter sur notre situation en 2017 ne peut donc s’abstraire de notre implication dans la dette de notre pays. Le graphique ci-contre donne donc une vision sur les trois indicateurs suivants sur l’année 2017, la richesse accumulée par le PIB, le revenu disponible des ménages, et le poids de la dette, le tout par habitant. On constate que les Etats-Unis sont encore les mieux placés pour les revenus disponibles des ménages mais nous avons vu qu’ils marchent surtout sur leurs acquis et que l’Allemagne et la Suisse en particulier les rattrapent. La France maintient tant bien que mal ses acquis mais ne fait pas partie du groupe de tête sur le PIB/habitant avec le Danemark, la Suède, les Pays-Bas et l’Allemagne. Si l’Italie reste encore dans la moyenne de l’UE pour le PIB et les revenus, elle décroche de la Zone euro. Les revenus de l’Irlande sont inférieurs à ceux de l’Italie. L’Espagne, le Portugal et la Grèce ferment la marche. Même si elle est détenue par les japonais, la dette du Japon explose, mais celles de la Grèce, l’Irlande, l’Italie, la France et des Etats-Unis paraissent inquiétantes. Notons que les dettes représentées ici sont celles fournies en dollars par les statistiques de l’OCDE et non celles publiées par Eurostat sur les critères de Maastricht. En particulier la dette de la France n’est pas de 98% mais de 124% en 2017.

On peut se donner une idée plus précise du poids de la dette sur les ménages en regardant le nombre d’années de remboursement que cela implique pour chacun d’entre nous. Sur le graphique ci-contre on retrouve évidemment le Japon en tête avec plus de 3 ans de revenus disponibles des ménages. A contrario la Suisse montre l’endettement le plus facilement remboursable avec le Danemark. La Suède, l’Australie et l’Allemagne sont proches d’une année de remboursement, avec un peu plus pour les Pays-Bas. La France, les Etats-Unis, l’Espagne, et le Royaume-Uni font la transition avec les pays les plus lourdement endettés. La France et les Etats-Unis ne sont donc pas les pays posant le plus de problèmes vis-à-vis de la dette même s’ils s’approchent de deux années de remboursement. En particulier il faut noter que, si la dette américaine est énorme en valeur absolue, elle n’est guère plus difficile à rembourser que celle de la France. A contrario les dettes du Portugal, de l’Irlande, et de l’Italie sont inquiétantes avec une mention toute particulière pour l’Italie qui sera bientôt la troisième économie de l’’UE après le départ du Royaume-Uni. Le cas de la Grèce est quasi désespéré parce que sa dette est détenue principalement par l’étranger. Ceux qui croient que la dette des pays ne sera jamais remboursée ont raison, à savoir que le remboursement s’opèrera par un krach général qui emportera tout sur son passage dans les économies des particuliers et des entreprises par une faillite bancaire systémique et un écroulement boursier. Si la politique d’austérité de l’Allemagne finit par mettre l’Allemagne en difficulté dès 2018, son souci de réduire le déficit afin de rembourser la dette est une démarche saine. Toutefois l’accumulation de créances irrecouvrables par la Deutch Bank avoisinant les 1000 milliards est une épée de Damoclès sur l’Allemagne et toute l’UE. Elle explique le refus de mutualisation de la dette par l’Allemagne et le décrochage difficile de l’Italie envers l’UE, compte-tenu de ses 250 milliards détenus dans cette banque. La sortie de l’UE par l’Italie obligerait théoriquement celle-ci à rembourser cette dette. 

Ce tour d’horizon sur les revenus disponibles des ménages et de la dette, indicateurs très proches du pouvoir d’achat actuel et futur, montre une nouvelle fois que l’UE et sa Zone Euro sont économiquement une construction au mieux à somme nulle et probablement un frein global à l’évolution des pays qui la composent. On note un transfert des richesses de l’Ouest vers l’Est principalement et accessoirement du Sud vers le Nord. La France rivalisait encore en 2017 avec les Etats-Unis sur la croissance et l’augmentation des revenus disponibles des ménages depuis 2010 alors qu’elle ne détachait pas de l’UE et de la Zone euro en termes de croissance. La France joue encore sur ses acquis malgré une ponction importante de l’Allemagne mais dès 2018, les choses se gâtent pour elle et pour l’Allemagne. Le renforcement du duo franco-allemand ne peut que nous entraîner vers le bas quand l’Allemagne fléchit. Rien ne retient la France dans l’UE sauf une idéologie hors-sol et une pression des lobbies, de l’Allemagne et des Etats-Unis, les trois ayant des intérêts importants à conserver la France en dépendance. L’exemple suisse devrait être un signal fort et pas seulement pas leur pratique de la démocratie directe mais sur le plan économique. C’est la dépendance de fait à l’UE qui peut nuire à la Suisse et son lien avec une Allemagne en proie aux problèmes démographiques et à l’épuisement des pays du Sud. Les forts liens de la France avec l’Afrique et sa présence mondiale donnent suffisamment d’atouts à celle-ci pour qu’elle puisse vivre sa vie comme la grande majorité des pays dans le monde et faire aussi bien que le Japon et la Corée du Sud.
 
Le revenu disponible des ménages et la croissance depuis 2010 

Mettaient encore en 2017 la France en position moyenne

Sans que ni l’UE et ni la Zone euro en soient la cause. 

La politique d’austérité en cours tout azimut

Commence à plomber l’élan de croissance 

Et va finir par dépouiller tout le peuple

De sa richesse et de son patrimoine 

Tout en aggravant son avenir.
 
Claude Trouvé 
12/04/19                                                                                                                               

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